mardi 3 avril 2012


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Blitzkrieg dans le désert

ARTE JOURNAL
lundi 2 avril 2012
Deux semaines après un putsch militaire au Mali, le pays est au bord de la scission. La junte militaire au pouvoir assiste impuissante à l’avancée fulgurante des rebelles Touaregs qui se sont emparés de tout le Nord du pays, une zone plus vaste que la France. Le Mali est au bord de la scission. Derrière les succès de la rebellion, se cache en réalité plusieurs groupes aux liens complexe et aux interêts divergents qui menacent aujourd’hui la stabilité de tout le Sahel.
Les hommes bleus, comme on les surnomme, n’ont rencontré pratiquement aucune résistance. Vendredi, la ville de Kidal est tombée. Samedi ils ont pris Gao. Hier c’était le tour de Tombouctou. En trois jours les rebelles Touareg ont conquis pratiquement tout le nord du Mali, un territoire de 800.000 kilomètres carré. Les deux tiers du pays, qui aujourd’hui est de facto coupé en deux.
C’est le scénario catastrophe pour la junte militaire qui a pris le pouvoir à Bamako le 22 mars dernier. Elle qui justement invoquait le péril Touareg pour renverser le président Amadou Toumani Touré, l’accusant de ne pas donner à l’armée les moyens suffisants pour combattre les rebelles. Or voilà l’armée en pleine débandade et le pouvoir putschiste acculé à négocier avec les rebelles. Au moins un émissaire de la junte a été dépéché à Tombouctou pour négocier un cessez-le-feu.
Plusieurs groupes aux interêts divergents
Mais avec qui va-t-il négocier ? Car derrière le vocable "rebelles Touareg" se cache en réalité plusieurs groupes qui combattent côte à côte pour le moment, mais pas forcément pour les mêmes objectifs.
Le premier groupe, le plus important aussi, est le MNLA, le Mouvement national de libération de l’Azawad, d’obédience laïque. Ces hommes – ils seraient quelques milliers - se battent donc pour l’indépendance de l’Azawad, terre mythique des Touareg. Elle couvre une immense zone désertique, peu peuplée qui comprend les trois régions administratives de Kidal, Tombouctou, et Gao, bref tout le nord du Mali depuis longtemps négligé par les autorités de Bamako. La revendication indépendantiste est ancienne. Elle a alimenté plusieurs révoltes par le passé notamment dans les années 1990 et jusqu’en 2006.
Mais la donne a considérablement changé sur le terrain depuis l’été dernier. Depuis que les "revenants" sont venus grossir les rangs du MNLA. Les "revenants", ce sont ces combattants Touaregs qui travaillaient à la solde du colonel Kadhafi. A la chute du dictateur ils sont rentrés au pays, encouragés se murmure-t-il par l’OTAN ravie de se débarrasser de ces mercenaires aguerris. Ils ne sont pas rentrés les mains vides : fusils d’assaut, lance-roquettes, mortiers, peut-être même missiles sol-sol et sol-air : une partie de l’arsenal de leur ancien maître a passé la frontière avec eux.
La composante islamiste
Le second groupe entretient des liens ambigües avec le premier : il s’agit du mouvement islamiste Ansar Dine qui signifie "l’armée de la religion". Il est dirigé par un ancien rebelle touareg, Iyad Ag Ghali. Ses hommes moins nombreux mais très aguerris se battent non pas pour l’autodétermination mais pour l’application de la charia, la loi islamique, sur tout le territoire malien. Ils ont été les principaux artisans de la reprise de Kidal. Ils auraient reçu le renfort de combattants d’AQMI, Al Qaeda au Maghreb islamique, mais la nature réelle des liens entre les deux mouvances reste nébuleuse. Le Nord du Mali a toujours constitué une base arrière pour l’AQMI.
Pour compliquer encore le tableau, un troisième groupe est sorti du bois, le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) qui se présente comme une dissidence d’Al-Qaeda au Maghreb islamique dirigée par des Maliens et des Mauritaniens. "Il très difficile de savoir les relations exactes entre Ansar Dine et les quelques centaines de djihadistes d’Al Qaeda au Maghreb islamique qui sont en fait des Algériens ou des Mauritaniens. C’est une situation très complexe" explique le spécialiste de l’Afrique Antoine Glaser dans une interview à ARTE Journal.
"Le pays est totalement déstabilisé"
Si aujourd’hui l’ennemi est le même, les visées à long terme entre islamistes et indépendantistes divergent. "Je pense que le MNLA n’a pas la volonté de descendre sur la capitale Bamako, il considère qu’à partir du moment où ils ont libéré ce qu’ils appellent l’Azawad, ils vont essayer de gérer cette zone et ses trois grandes villes. Par contre on ne sait pas trop si le mouvement Ansar Dine appuyé par l’AQMI veut descendre sur Bamako. Mais très franchement le pays est totalement déstabilisé."
Quant à la junte militaire, elle est aux abois d’autant que l’armée régulière est affaiblie par les désertions. La junte a donc promis le retour au pouvoir civil et un gouvernement de transition, sans pour autant fixer de date butoir. Mais précise Antoine Glaser "même si la junte a annoncé le retour à la constitution, on a l’impression que le processus démocratique devient complètement secondaire par rapport à l’implosion et à la déstabilisation totale du pays".

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