L’ONU accuse des soldats de représailles contre des groupes ethniques
Bamako au banc des accusés
le 13.03.13 | 10h00 Réagissez
| © D. R.
Ainsi qu’il fallait s’y attendre, l’ONU a accusé hier des soldats maliens d’avoir exercé des représailles contre plusieurs groupes ethniques depuis le début de l’intervention française, en janvier dans le nord du pays, et a demandé au Mali d’enquêter en vue de juger les responsables.
Les conclusions de la mission d’observation effectuée par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme depuis le 18 février «suggèrent que la récente intervention dans le nord du Mali a été suivie par une grave escalade de représailles», a déclaré la haute-commissaire adjointe, Kyung-wha Kang, devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Ces représailles ont été menées par des membres de l’armée qui semblaient «viser les Peuls, les Touareg et des groupes ethniques arabes perçus comme soutenant les groupes armés» qui occupaient le nord du Mali depuis 2012, a-t-elle ajouté.
La responsable a expliqué que «la situation a été exacerbée par la propagation de messages incendiaires, y compris à travers les médias, stigmatisant les membres de ces communautés, dont des milliers ont fui par peur de représailles de la part de l’armée malienne». «Ceux qui restent dans le pays ont peur d’être des cibles non pas pour ce qu’ils ont fait, mais pour ce qu’ils sont», a-t-elle ajouté.
Des associations de défense des droits de l’homme, comme Human Rights Watch, ont déjà accusé les troupes gouvernementales maliennes, qui ont repris le contrôle du nord du Mali aux côtés des forces françaises, de s’en prendre aux civils d’origine arabe ou touareg, soupçonnés d’être complices des islamistes. Le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) a également tiré la sonnette d’alarme plusieurs fois pour attirer l’attention de la communauté internationale sur les «nombreuses et graves atteintes» aux droits de l’homme commises par des unités de l’armée malienne au lendemain du déclenchement de l’opération Serval.
Coulibaly soutient la thèse de l’acte isolé
Pour Mme Kang, trois points requièrent désormais «l’attention la plus urgente» des autorités : «Les déplacements dans le nord du Mali (plus de 200 000 déplacés selon le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés, ndlr), l’augmentation des incidents de violation des droits humains pour des motifs ethniques et l’insuffisance persistante de la réponse du gouvernement à l’égard des violations des droits humains, y compris l’administration de la justice.» En ce sens, elle a demandé aux autorités maliennes d’enquêter sur les allégations de représailles menées par l’armée et de punir les responsables.
Présent dans la salle du Conseil des droits de l’homme à Genève, le ministre de la Justice du Mali, Malick Coulibaly, a déclaré, selon l’AFP, qui a rapporté l’information que les allégations d’exactions imputables aux forces maliennes sont «le fait d’actes isolés dont les auteurs seront poursuivis et punis». «D’ores et déjà, des militaires soupçonnés d’exactions ont été rappelés sans attendre du théâtre des opérations et remis à la justice malienne», a-t-il soutenu, soulignant que «le Mali n’est pas en guerre contre une ethnie, une race, une religion ou une région». A ce propos, M. Coulibaly a rappelé que les autorités maliennes ont-elles-mêmes demandé, dès 2012, à la Cour pénale internationale (CPI) d’enquêter sur la situation afin de lutter contre l’impunité.
Le massif des Ifoghas désormais sous contrôle
Sur le terrain, la lutte contre les groupes terroristes donne de bons résultats, à en croire le bilan de l’opération Serval rendu public hier par le gouvernement français. Le ministère français de la Défense a ainsi indiqué que les soldats français engagés dans le nord du Mali ont poursuivi leurs opérations au nord du massif des Ifoghas pour tenter de débusquer les combattants islamistes qui auraient pu s’implanter à proximité de la frontière algérienne. «Une opération a été lancée jeudi au nord-est de cette zone montagneuse. Elle vise à déstabiliser les sanctuaires terroristes qui auraient pu s’implanter plus au nord-est, vers la frontière algérienne, par une action de reconnaissance offensive jusqu’aux localités de Boughessa et Tinzaouatine», a précisé l’état-major de l’armée française lors d’un point de presse.
Les forces françaises et tchadiennes ont, rappelle-t-on, repris la semaine dernière le contrôle du massif des Ifoghas, notamment la vallée d’Ametettai, considérée comme le sanctuaire d’Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI) dont, selon l’état-major de l’armée française, plus d’une centaine de combattants auraient été tués. L’Algérie a, pour sa part, aidé les forces françaises en renforçant dès la mi-janvier le contrôle de sa frontière avec le Mali pour éviter que les groupes islamistes trouvent refuge sur son territoire. Les éléments de l’ANP (armée algérienne) ne se sont pas contentés de se tourner les pouces et auraient d’ailleurs, affirment certaines sources, mis à profit la situation pour passer au peigne fin la région.
Le président burundais, Pierre Nkurunziza, a par ailleurs indiqué hier que des troupes burundaises seront «bientôt» déployées au Mali dans le cadre de la Mission internationale de soutien dans ce pays (Misma). «Mon pays participe activement à des missions de maintien de la paix en Afrique et dans le monde, en Somalie, au Darfour (Soudan), en Côte d’Ivoire, en Haïti et bientôt au Mali», a affirmé M. Nkurunziza lors d’une conférence de presse à Paris. Sans donner de précision sur le nombre de soldats devant être envoyés, Pierre Nkurunziza a également indiqué que son pays participera à une future opération de maintien de la paix de l’ONU au Mali. La Misma, avec ses 5000 hommes, est censée prendre, à terme, le relais de l’armée française. Cette force pourrait, dans quelques mois, se transformer en mission des Nations unies.
Zine Cherfaoui
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