mercredi 10 février 2010

Rapprochement entre le Tchad et le Soudan : La logique d'un contexte défavorable aux deux régimes

Walf Fajri
Rapprochement entre le Tchad et le Soudan : La logique d'un contexte défavorable aux deux régimes


Depuis la dernière attaque des rebelles contre le régime de Ndjamena en février 2008,les relations s'étaient dégradées entre le Soudan et le Tchad. Et suite aux actions de rapprochement posées en juillet 2004, le président Omar El Béchir et son homologue tchadien, Idriss Deby Itno, se voient obligés de se garantir mutuellement la sécurité dans un contexte régional qui leur est de plus en plus défavorable.

La récente visite d'Idriss Deby en terre soudanaise marque une étape importante dans le processus de rapprochement entre les deux pays. Pour la première fois, depuis juillet 2004, le Tchad et le Soudan ont décidé de jeter les bases d'une entente matérialisée par quelques accords. Une façon pour les présidents Omar El Béchir et Idriss Deby Itno de dépasser les clivages nés d'une tentative de déstabilisation mutuelle. Un conflit à distance par rébellion interposée. Aujourd’hui, ce qui pousse ces deux leaders à adopter cette stratégie d'apaisement, c'est surtout un contexte national et régional qui leur apparaît de plus en plus défavorable. D'abord au Tchad, où la France, qui peut se targuer d'avoir sauvé le régime de Deby, suite à l'attaque de février de 2008, trouve qu'‘il n’y a pas d'autres alternatives’ à ce dernier. Mais il faut dire que la fameuse affaire du transfert des enfants tchadiens par l'association française Arche de Zoé semble mettre du sable dans les relations entre ces deux pays.
Les autorités de Ndjamena courant toujours, depuis lors, derrière la somme compensatoire que devaient verser les Français. Aujourd'hui, le président Idriss Deby est conscient qu'il ne saurait trouver des garanties de son régime en Occident. Cela, compte tenu grandement des énormes enjeux liés à la découverte du pétrole dans la partie sud du pays depuis la fin des années 1990. A cela s'ajoute la crise du Darfour qui demeure un Talon d'Achille aussi bien pour Khartoum que pour Ndjamena. C'est ainsi que le président Omar El Béchir, sur qui pèse un mandat d'arrêt international, est obligé de consolider sa sécurité régionale. Cela, au point même de sacrifier ses protégés rebelles qui déstabilisaient le régime tchadien. Il s'agit notamment du leader de l'Union des forces pour la démocratie et le développement et ancien ministre de la défense de Deby, Mahamat Nouri. Ce chef rebelle était le personnage préféré d'Omar El Béchir, mais l'entente qui vient d'être scellée entre ce dernier et Idriss Deby le fera sans doute tomber en disgrâce.

Ensuite, malgré la ‘capacité de Deby à être au-dessus des ethnies’, la crise aigue qui sévit dans son pays réveille les ambitions. Une situation de tension ravivée par l'accroissement de la corruption, le favoritisme du régime en faveur de la minorité Zagawa. Ainsi, pour le président El Béchir, ce rapprochement avec le Tchad apparaît comme une manière de se barricader dans une région en proie à de multiples signes d'instabilité. Le président soudanais demeure plus que jamais dans une mauvaise posture avec les nombreuses charges qui pèsent sur lui. Des crimes contre l'humanité avec ses exactions au Darfour qui poussent les structures humanitaires à réclamer sa tête. Aujourd'hui, il est établi que la paix dans cette partie du Soudan passe inéluctablement par un régime affidé à Ndjamena. Il y a également le rôle encore très flou de la Libye qui semble instrumentaliser ces deux pays au point de les tenir en otage. Ces facteurs favorisent ce pas décisif de rapprochement entre le Soudan et le Tchad. Mais encore est-il que les multiples mouvements rebelles, sacrifiés sur l'autel de la réconciliation, n'ont pas encore dit leur dernier mot. Surtout que les actes de paix entre ces deux pays ont toujours été des exutoires de circonstance.

Abdou Aziz AGNE

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