mardi 26 août 2008

Comment Bahanga a rompu avec l’Algérie et épousé la Libye


La situation au Nord-Mali, particulièrement dans la région de Kidal, connaît malheureusement une triste évolution vers la confusion, en dépit de la libération récente de 21 autres otages sur les 93 entre les mains de rebelles de l’Alliance du 23 Mai. Après ces indices encourageants d’il y a seulement une dizaine de jours, l’espoir s’est à nouveau envolé, avec le dispute d’un leadership entre deux géants du Sahara : l’Algérie et la Libye.

De source digne de foi, la récente libération des 21 otages majoritairement détenus par les combattants « Idnan » et « Taghatmallat » - avec l’implication notamment des autorités maliennes et algériennes ainsi que celle de cadres et chefs de fractions -, devait être suivie ce week-end par la mise en liberté de l’ensemble des otages restants. C’est à cela que s’employaient des notabilités et personnes ressources présentes sur le terrain, dans le cadre de l’application effective du plus récent accord conclu à Alger par les officiels maliens et la partie rebelle, sous le contrôle des hautes autorités du pays d’accueil.

Mais pourquoi ces décalages et anachronismes dans la libération des otages, est-on logiquement tenté de s’interroger ? La réponse à cette question ne réside pas seulement dans le contrôle desdits otages par une multitude de groupes de combattants : à savoir les « Idnan », les Taghatmallat, les Ifoghas et tribus affiliées.

L’explication du manque de synergie d’action dans les rangs rebelles, il faut la rechercher également dans les indices d’une désintégration quasi accomplie et enclenchée depuis la dernière rencontre tripartite d’Alger, rencontre au sortir de laquelle les protagonistes convenaient, entre autres, d’une libération de l’ensemble des otages ainsi que de la détermination des zones de cantonnement pour les unités spéciales auxquelles allusion est faite dans l’Accord d’Alger.

Sur la question, il paraît évident que Ibrahim Ag Bahanga s’est singularisé par refus catégorique de parler le même langage que les autres protagonistes, y compris ses propres compagnons d’arme. À la faveur de récents pourparlers, en effet, la position du N°1 de la rébellion malienne a achoppé sur une divergence de vue avec l’Algérie, quant au choix de Tinzewaten pour abriter des unités mixtes en question.

En effet, le pays de Bouteflika, las peut-être de cautionner les caprices des combattants touaregs, n’est pas passée par mille pour reconnaître la souveraineté du Mali dans l’identification des parties du territoire nationale à consacrer aux dites unités. Ce qui n’a pas été du goût d’Ag Bahanga qui ne semble apparemment guère disposé à renoncer au contrôle des positions stratégiques dans la zone de Tinzewaten. C’est dans ces entrefaites que Moammar Khaddafi a fait une subite réapparition sur une scène qu’il donnait l’air d’avoir définitivement abandonnée à l’Algérie. Le guide Libyen l’a fait au détour d’une récente rencontre initiée à Tripoli et qui a regroupé autour de sa personne plusieurs représentants de mouvements rebelles du Mali et du Niger. Logiquement attendu à ce rendez-vous, Ibrahim Ag Bahanga en fut finalement le grand absent, mais il prit soin quand même de charger Aghali Alambo du MNJ d’être son porte-voix auprès du Guide Libyen.

« Seule la Libye est en mesure de résoudre le problème de la rébellion touarègue », a-t-il fait transmettre par Alambo, assurant du même coup qu’il reste à la disposition de Moammar Kadhafi pour toute attitude à adopter. Le message est ainsi clair : en lieu et place de l’Algérie qu’il avait lui-même choisi comme médiateur et où les blessés de la rébellion bénéficiaient gracieusement de soins de santé, Ibrahim Ag Bahanga ne jure plus que par le Haut Médiateur de la Cen-Sad qui, par son influence sur les hautes autorités maliennes, pourrait lui assurer un libre choix des zones de cantonnement des « Unités spéciales » prévues dans l’Accord d’Alger.

Quelle qu’en soit la motivation, son revirement et son aveu de dévotion ont manifestement atteint les effets escomptés. Car les sources rapportent qu’un observateur a été rarement témoin d’un éclatement de joie exprimé aussi librement exprimé en public par le Guide de la Jamahiriya. Mais le hic c’est que le Mali fait une entrée de plus dans le cycle infernal d’alternance de mainmise et d’influence tantôt algérienne, tantôt libyenne sur la crise au Nord et sur ses protagonistes. Si hier le rapprochement de la Libye et le recours des autorités maliennes à sa médiation débouchaient sur des attaques sanglantes, que doit-on attendre de la confusion occasionnée par ce changement d’allié de la part des rebelles ?

Abdrahamane Keïta
Aurore

Source : temoust

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