DISPOSITIF: NIGER - La sécurité d'Areva entièrement assurée par d'anciens militaires français
Écrit par Jean Guisnel (Le Point.fr)
Lundi, 20 Septembre 2010 15:23
photo: françafric
La sécurité des Français travaillant au Niger pour Areva est une affaire quasi exclusivement militaire. On le sait pour le côté nigérien, dès lors qu'Areva a signé un accord-cadre avec Niamey. Celui-ci dispose que les forces armées nigériennes assurent la sécurité armée des installations industrielles françaises. Du côté français, la sécurité est aux mains d'un ancien militaire, l'amiral Thierry d'Arbonneau. L'ancien patron des forces océaniques stratégiques (2002-2004), c'est-à-dire des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins français, est demeuré l'un des patrons de ce puissant lobby. Il devient ensuite conseiller du gouvernement pour la défense (2004-2005), avant de rejoindre en 2005 Areva, pour y devenir directeur de la protection du patrimoine et des personnes.
En avril 2007, un camp de géologues d'Areva est attaqué à Imouraren par le Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ), soutenu par le colonel Kadhafi. La décision est alors prise par Areva de reprendre complètement les affaires de sécurité, et de confier sur ce plan les relations avec l'État nigérien à une société de conseil, Epée, dirigée par le colonel Jacques Hogard, un colonel parachutiste légionnaire, qui a fait une grande part de sa carrière au 2e régiment étranger de parachutistes. Sa première décision consistera à embaucher l'ancien attaché de défense français à Niamey, le colonel Gilles Denamur. Connaissant parfaitement le terrain, en contact avec tous les groupes touaregs, celui-ci part dès sa nomination pour le nord du pays, sans prendre l'attache du régime du président Mamadou Tandja. La réponse est immédiate : il est expulsé, tout comme le directeur local d'Areva, l'ancien membre de la cellule africaine de l'Élysée de l'ère Mitterrand, Dominique Pin.
À la suite de ces incidents, une organisation nouvelle a été mise en place en relation d'une part avec Thierry d'Arbonneau et d'autre part avec le pouvoir en place à Niamey. À savoir Mamadou Tandja jusqu'au 18 février 2010, date de son renversement lors d'un putsch militaire. Depuis sept mois, des relations qualifiées de "normales et sans histoires" par une source proche d'Areva ont été établies "dans la continuité", avec le régime du Premier ministre Mahamadou Danda, mis en place par le Conseil suprême pour la restauration de la démocratie.
Chiffon rouge
Le dispositif qu'Epée a mis en place pour Areva repose sur un "conseiller coordinateur de la protection", un officier supérieur français en retraite, issu des troupes de marine "car il connaît par définition la région, son environnement et ses réseaux", confie un cadre d'Epée. Il s'agit actuellement d'une figure des troupes de marine, Benoît de Rambures. Ancien du "3" et du "8", à savoir les 3e régiment parachutiste des troupes de marine et 8e régiment parachutiste des troupes de marine, il est aussi connu pour avoir aidé l'armée mauritanienne à constituer une troupe méhariste, le groupement nomade mauritanien. L'adjoint de cet officier français est systématiquement un officier supérieur en retraite, issu de l'armée nigérienne, au motif que "c'est utile pour la relation avec les forces armées nigériennes, tout en garantissant à ces dernières une transparence absolue sur le rôle d'Epée auprès d'Areva." Nommé sous la présidence de Mamadou Tandja, ce cadre nigérien a été confirmé depuis par la junte militaire au pouvoir à Niamey.
Enfin, Epée dispose sur place de cinq anciens officiers subalternes ou sous-officiers français, tous légionnaires, tous parachutistes, tous issus des rangs du 2e REP. Ces "coordinateurs locaux de protection" assurent les liaisons avec les unités militaires nigériennes sur le terrain, animent des réseaux de correspondants et font remonter l'information. Une pratique d'excellence de la Légion étrangère, mise au profit d'Areva.
Depuis octobre 2009, Epée "agite le chiffon rouge avec insistance", affirme une source proche de la société, qui s'indigne : "Ce drame était prévisible et même prévu. Pour Epée, l'essentiel était d'obtenir une présence militaire française dans la région, car à menace militaire il faut une réponse militaire. Les forces armées nigériennes sont de grande qualité, mais elles ne disposent pas de forces spéciales." Epée n'a pas su faire valoir ses arguments, ni auprès d'Areva ni auprès du gouvernement français, et le regrette aujourd'hui amèrement.
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