Dialogue inter-malien : vers la complexification des négociations de paix
Affaires-strategiques.info-Samuel Nguembock, chercheur associé à l’IRIS
La tenue de la phase initiale des négociations inter-maliennes inclusives a suscité beaucoup d’espoir dans l’opinion publique malienne et internationale. Par ailleurs, la communauté internationale s’est montrée très optimiste et très enthousiaste quant au règlement définitif de la crise malienne. Au terme du premier dialogue tenu du 17 au 24 juillet 2014 à Alger, le gouvernement malien et six mouvements politico-militaires du Nord du pays ont approuvé la mise en œuvre d’une feuille de route pour les négociations dans le cadre du processus d’Alger et d’une déclaration de cessation des hostilités grâce à l’implication des représentants des organisations internationales et à la médiation de l’Algérie. L’objectif de cette rencontre était de définir les contours d’un règlement définitif de la crise. Si depuis cette date, le processus d’Alger a pu être ponctué par la tenue du deuxième round le 1er septembre 2014, le passage à la troisième étape s’avère beaucoup plus compliqué que l’optimisme de départ le laissait croire. Initialement prévu le 7 octobre 2014, la reprise des négociations inter-maliennes devait avoir lieu le 21 octobre dernier avant de la voir reportée à cause de l’absence de certains membres des délégations à la séance inaugurale de la rencontre. Ce qui laisse augurer un processus de négociation dans le temps long avec des risques potentiels d’enlisement.
En effet, depuis la signature de l’accord de cessez-le-feu le 23 mai 2013, les organisations internationales (ONU, UA, UE, CEDEAO…) et les pays voisins en tête desquels l’Algérie n’ont de cesse d’intensifier les manœuvres et tractations diplomatiques devant aboutir au règlement définitif du conflit qui oppose le gouvernement malien aux groupes politico-militaires du Nord de ce pays. S’il est tout à fait logique de reconnaître le mérite de l’Algérie et des représentants des organisations internationales d’avoir pu réunir les parties en conflit autour de la table des négociations et d’avoir pu obtenir la signature d’une feuille de route et d’une déclaration de cessation des hostilités, il faut tout aussi remarquablement reconnaître que la profondeur des lignes de fracture de la société malienne et de l’instabilité régionale a été sous-évaluée dans le processus d’Alger.
L’accord entre le gouvernement malien et les rebelles touaregs du MNLA : une occasion manquée pour des négociations inclusives
Etait-il pertinent et efficace pour le gouvernement malien de signer un accord uniquement avec les rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) quand les enjeux sécuritaires du pays dépassent largement le simple cadre d’une entente entre le MNLA et le gouvernement ? Incontestablement, la réponse est négative. En effet, le MNLA n’incarne pas les aspirations et les revendications diverses et variées des ressortissants du nord du Mali. De plus, la signature de cet accord le 18 juin 2013 ne revêt aucun caractère contraignant. L’objectif stratégique pour le gouvernement malien était de permettre à l’armée conventionnelle malienne de prendre le contrôle total de la ville de Kidal au Nord du pays contre le désarmement définitif des rebelles touaregs. L’objectif final recherché était donc essentiellement militaire, c’est-à-dire gagner la bataille et non la guerre.
Or la fragmentation et la cristallisation de la rébellion au nord nécessitait une réponse globale et inclusive à la base, ce qui aurait permis d’orienter les débats vers des négociations sur le statut définitif ou non du Nord du Mali. La conséquence de cette stratégie unilatéraliste et très asymétrique est que, non seulement elle n’a pas su être négociée, ni n’a pas permis à l’armée malienne d’accéder au contrôle militaire de la région mais aussi elle a maladroitement contribué à alimenter la méfiance et la radicalisation des positions entre les six mouvements politico-militaires : le MNLA, le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), la Coordination des Mouvements et Fronts Patriotiques de résistance (CMFPR), le Mouvement dissident du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA dissident) et la Coalition pour le peuple de l’Azawad (CPA). Même si un accord entre les six principaux groupes a été signé à Ouagadougou au Burkina Faso le 28 août 2014, en préparation de la deuxième phase du dialogue inter-malien à Alger le 1er septembre, afin d’harmoniser les revendications de ces derniers et d’adopter des positions communes dans les négociations avec le gouvernement malien, il est absolument incontestable de reconnaître que le processus d’Alger était déjà parti pour durer. Ce d’autant plus que la déclaration qui découle du sommet de Ouagadougou n’est ni contraignante, ni irréversible, essentiellement basée sur la bonne foi des acteurs. Par ailleurs, cette déclaration sous le regard des organisations internationales a semblé sous-estimer voire négliger les liens et les bases arrières que pourraient constituer des mouvements comme le Mujao, groupe djihadiste allié d’Al-Qaïda qui a contrôlé la région du Nord du Mali pendant un année, de 2012 à 2013, avant d’être en partie défait par l’intervention militaire internationale en janvier 2013.
Or la fragmentation et la cristallisation de la rébellion au nord nécessitait une réponse globale et inclusive à la base, ce qui aurait permis d’orienter les débats vers des négociations sur le statut définitif ou non du Nord du Mali. La conséquence de cette stratégie unilatéraliste et très asymétrique est que, non seulement elle n’a pas su être négociée, ni n’a pas permis à l’armée malienne d’accéder au contrôle militaire de la région mais aussi elle a maladroitement contribué à alimenter la méfiance et la radicalisation des positions entre les six mouvements politico-militaires : le MNLA, le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), la Coordination des Mouvements et Fronts Patriotiques de résistance (CMFPR), le Mouvement dissident du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA dissident) et la Coalition pour le peuple de l’Azawad (CPA). Même si un accord entre les six principaux groupes a été signé à Ouagadougou au Burkina Faso le 28 août 2014, en préparation de la deuxième phase du dialogue inter-malien à Alger le 1er septembre, afin d’harmoniser les revendications de ces derniers et d’adopter des positions communes dans les négociations avec le gouvernement malien, il est absolument incontestable de reconnaître que le processus d’Alger était déjà parti pour durer. Ce d’autant plus que la déclaration qui découle du sommet de Ouagadougou n’est ni contraignante, ni irréversible, essentiellement basée sur la bonne foi des acteurs. Par ailleurs, cette déclaration sous le regard des organisations internationales a semblé sous-estimer voire négliger les liens et les bases arrières que pourraient constituer des mouvements comme le Mujao, groupe djihadiste allié d’Al-Qaïda qui a contrôlé la région du Nord du Mali pendant un année, de 2012 à 2013, avant d’être en partie défait par l’intervention militaire internationale en janvier 2013.
Le gouvernement malien et les mouvements rebelles du nord : entre pression internationale et risques de fracture territoriale
Le risque d’enlisement des pourparlers devient au fil du temps inquiétant. Si les mouvements politico-militaires du Nord se sont engagés à Alger le 24 juillet 2014 à travers la déclaration sur la cessation des hostilités et ensuite à Ouagadougou quand ces derniers décident d’arrêter « les hostilités et toutes formes de violence », cela n’a pas empêché la mort d’une dizaine de casques bleus des Nations unies dans des embuscades au Nord du Mali depuis le début du mois d’octobre. Le non-respect du calendrier qui encadre le processus d’Alger par certaines délégations du Nord laisse entrevoir à moyen terme, si des moyens robustes ne sont pas employés, la mort dans l’œuf d’une initiative internationale pourtant saluée par toutes les parties prenantes. En réponse à ces attaques, des soutiens aériens importants ont été apportés à la mission de l’ONU au Mali (MINUSMA) afin de sécuriser la zone et de fournir un appui stratégique aux soldats de la paix.
En tout état de cause, la communauté internationale devra opérer des arbitrages extrêmement subtils dans la gestion de cette crise. Pour cela, une obligation d’impartialité et de neutralité est requise pour éviter l’enlisement des négociations inter-maliennes et la radicalisation des mouvements rebelles qui ont malgré tout une capacité de nuisance que leur procurent les disparités territoriales, les inégalités sociales et la complexité de la situation sécuritaire dans la région.
En tout état de cause, la communauté internationale devra opérer des arbitrages extrêmement subtils dans la gestion de cette crise. Pour cela, une obligation d’impartialité et de neutralité est requise pour éviter l’enlisement des négociations inter-maliennes et la radicalisation des mouvements rebelles qui ont malgré tout une capacité de nuisance que leur procurent les disparités territoriales, les inégalités sociales et la complexité de la situation sécuritaire dans la région.
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