INTERVIEW DU COLONEL HASSANE AG MEHDIR Le Front Populaire de l'Azawad opte pour le fédéralisme au Mali
Je suis le colonel Hassane Ag Mehdir, secrétaire général du front populaire de l'azawad. C'est un front créé il y a plus de six mois dans lequel on retrouve presque toutes les ethnies du nord Mali à savoir les songhoi, les arabes, les peulhs et les touaregs. C'est un mouvement qui n'est ni indépendantiste ni jihadiste.
Le Courrier : Qu'est ce qui vous a conduit à la création de ce front ?
Colonel Hassane Ag Mehdir: Dans le cadre du MNLA auquel nous appartenions, il y avait une certaine insistance sur le mot indépendance. Bien sûr que nous voulons l'indépendance, mais chaque chose a son temps et son approche. Nous avons jugé nécessaire compte tenu du fait que le MNLA était trop attaché à l'indépendance du territoire de l'azawad qui est au demeurant impossible à obtenir, et compte tenu des nombreuses approches auprès du MNLA dans le sens de faire un pas en avant, nous nous sommes retrouvés dans l'obligation de créer le front populaire qui n'est ni indépendantiste ni jihadiste dans le seul but de ramener les gens petit à petit à la raison. Parce que ce n'est pas facile d'obtenir actuellement cette indépendance.
Vous n'êtes donc pas d'accord avec la déclaration de l'indépendance de l'azawad ?
Pour qu'il ait déclaration de l'indépendance de l'azawad il faut qu'il y ait la concertation et l'avis de tout le monde. Je vous le disais, nous sommes un mouvement populaire dans lequel toute chose, toute orientation se doit d'être populaire parce que cela concerne tout le monde. C'est seulement l'implication de tous les acteurs qui nous fera avancer, et c'est ce schéma que nous suivons. Par rapport au MNLA, sa déclaration et sa démarche, la différence entre nous n'est pas grande. Car malgré cette diversité rien ne nous éloigne, surtout quand le MNLA revient à des meilleurs sentiments en reconnaissant que l'indépendance n'est pas possible.
Et nous constatons depuis peu que le MNLA s'est donné une nouvelle orientation politique qui se résume à impliquer tout le monde, puisqu'il sait qu'il n'est pas le seul mouvement à parler au nom des populations de l'azawad. Il y a aussi d'autres mouvements comme le MAA, le FPA et le MIA qui vient de passer à la table des négociations. Une négociation qui se doit d'aboutir à l'unification de tous ces mouvements pour qu'il ait un objectif commun et une plate forme commune afin de trouver une solution définitive à ces problèmes. Sinon tant que ce problème continuera à être traité de façon superficielle, je ne pense pas qu'une solution définitive puisse être trouvée. De 1960 à ce jour on soigne le haut de la plaie, moi je pense qu'il faut aller au fond de la plaie, il faut approcher les populations afin d'organiser des assises qui permettront de dégager des solutions parfaites et définitives.
A vous entendre vous êtes plutôt favorables à l'intégrité territoriale du Mali dans sa diversité ?
Bien sur nous voulons un azawad dans un Mali fédéral et pourquoi pas ? Les problèmes dont souffrent les populations du nord Mali résident d'abord dans le faible taux d'alphabétisation, ensuite dans l'absence d'infrastructures scolaires et sanitaires. Avec la solution qui sera trouvée j'espère que les choses vont aller de l'avant. Pour le FPA les problèmes du nord Mali ne peuvent être solutionnés que dans la concertation de toutes les communautés qui l'habitent. Et cela n'est possible que dans un Mali fédéral.
Les autorités maliennes sontelles au courant de l'existence du FPA ?
Le FPA est créé il y a plus de 6 mois avec une large médiatisation à l'époque. Et même lorsque je suis arrivé ici dans le cadre de la recherche des solutions à nos problèmes, l'ambassadeur du Mali est la première autorité à me recevoir. J'ai profité pour lui transmettre la documentation nécessaire. Le FPA tout comme les autres fronts sont pour la paix, ils sont antiterroristes. Certes nous avons des revendications, et c'est cela même qui traduit qu'il y a des problèmes et explique tous ces soulèvements.
Et quelles sont vos revendications ?
Ce sont les mêmes que vous connaissez depuis les années 1960. Il s'agit de la négligence du nord Mali (à partir de Sevaré vous vous croirez dans un autre pays et le même Mali). Et la solution à ce délaissement ne peut être trouvée que par les maliens eux-mêmes.
C'est donc cette situation que vous décrivez qui vous a conduit à quitter les rangs de la gendarmerie malienne au profit du MNLA avant de créer le FPA ?
Oui ! Mais avant de rejoindre la gendarmerie malienne j'étais chef de guerre de la rébellion de 1990 au sein du front populaire pour la libération de l'azawad. C'est de là que j'ai rejoint l'armée tout en sachant que le nord est délaissé. Et je fais partie de ceux qui n'ont jamais repris les armes. Mais aujourd'hui je suis arrivé à un stade où il fallait que je sauve ma tête. Pour revenir aux divergences avec le MNLA, aujourd'hui qu'il a compris que ce qu'il veut n'est pas possible, je ne vois plus ce qui nous sépare. Nous avons le même objectif à savoir être dans un nord Mali qui s'autogère luimême dans un Mali fédéral.
Certains prétendent que c'est la France qui vous a aidé pour asseoir votre expansion dans l'azawad ?
Je pense que je peux dire que c'est faux, parce que vous savez bien que la rébellion qui est étiquetée de touarègue regroupe toutes les ethnies du nord. Et pour ce qui est des islamistes, ils existent depuis longtemps au Mali. Nous avons même eu dans le cadre de l'armée à les combattre. Mais faut-il à cause de leurs actes oublier les droits de ceux qui ont fait la rébellion comme si leurs revendications n'étaient pas justes et fondées? Même si en réalité je préférais en tant que musulman parler plutôt de terroriste que d'islamiste. Dans le cadre de la prise de trois régions du Mali, quand l'armée s'est retirée il se trouvait qu'ils étaient déjà là avec leur drogue et leur argent. A l'époque il y avait deux choix : soit replier et éviter le massacre des populations, soit se massacrer avec eux et créer un génocide. C'est pourquoi l'armée s'est retirée. L'opinion sait maintenant qui est qui et qui est avec qui.
Est-ce que vous adhérez à la démarche de la France ?
J'adhère à toute démarche qui vise à nettoyer la mauvaise graine pour éviter tout ce qui est peut nuire à la population. Mais je reste sceptique face aux comportements de ceux qui ne sont arrivés sur le terrain que pour tuer et piller. Je pense que si nous voulons la paix dans un Mali unique et fort, la première des choses c'est le respect mutuel, ensuite que chacun comprenne que ni la France, ni les Nations Unies ne peuvent tenir le nord sans nous. Car c'est nous seulement qui le connaissons et le maitrisons puisque c'est nous qui l'habitons. C'est pourquoi nous estimons qu'il faut négocier avec nous qui représentons la totalité des ethnies de ce terroir. Pour ce qui est du financement des terroristes, je ne saurais vous dire son origine parce que nous n'avons rien de commun. Nous avons soulevé une rébellion avec des objectifs déterminés, dignes et qui sont connus depuis 1963, c'est à cela que nous nous attelons avec les populations.
Etes vous prêts à vous asseoir sur une même table de négociation avec le MOUJAO ?
Surtout pas ! Parce que le MOUJAO est placé dans un cadre dans lequel je ne suis. Je suis prêt à travailler avec le MAA, le MNLA, le MIA, bref tout ce qui est laïc et qui n'est pas indépendantiste. Je suis prêt à fondre le FPA dans tout ce qui peut apporter une solution définitive à ce problème. Je suis pour la laïcité et la forme républicaine de ce pays. Aujourd'hui la réalité commence à se faire visible avec cette guerre. Et d'ici peu on ne retrouvera sur le terrain que les autochtones qui défendent leurs causes et non des mercenaires. De l'envoi des troupes de la CEDEAO, je pense que c'est une bonne chose surtout quand on sait que ces troupes ont l'expérience requise puisqu'ayant déjà intervenu en Afrique pour ce genre de situations. Néanmoins il faut bien que l'opinion comprenne que pour sécuriser il ne s'agit pas de placer des hommes à Gao ou à Tombouctou. L'azawad qui représente les 3 /4 du territoire malien ne saurait être sécurisé que par les autochtones qui le maitrisent.
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