Pendant la guerre du nord-Mali, la menace d’un coup d’Etat
Le camp de Djikoroni a été encerclé ce vendredi matin par les « bérets verts » du capitaine Amadou Sanogo, l’auteur du coup d’Etat militaire de l’an dernier, pour empêcher un rassemblement des « bérets rouges », des parachutistes loyaux au président déchu Amadou Toumani Touré (ATT), soupçonnés de vouloir se venger.
Une source contactée par téléphone, qui s’est rendue au camp de Djikoroni à la mi-journée, affirme que les tirs ont fait six morts, dont cinq enfants et une vieille femme. Le motif de l’altercation : les bérets rouges, au lieu de faire profil bas après leur mise en liberté provisoire, se sont rassemblés pour contester la dissolution par la junte de Sanogo de leur corps d’élite, et réclamer leur place au front.
L’armée a essayé de les disperser, et des coups de feu ont éclaté. La population voisine du camp serait intervenue pour protester contre la mort des enfants de bérets rouges et dire à la junte que « ça suffit ».
Le politologue américain Jay Ulfelder ne s’est pas trompé de beaucoup, en inscrivant le Mali au troisième rang, après la Guinée-Bissau et le Soudan, dans son index des pays du monde les plus menacés par un coup d’Etat.
Que se passe-t-il à Bamako ?
Le capitaine Sanogo était en discussion ces derniers jours avec la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) pour trouver une porte de « sortie honorable ».
Une façon diplomatique de lui dire : « dégage ». Et un moyen pour lui de négocier postes consulaires et placards dorés, pour les sous-officiers qui l’ont accompagné dans son aventure de putschiste.
Mais, nuance : pas pour lui, qui voudrait rester chef d’un comité chargé de réformer l’armée...
En signe de bonne volonté, il a fait libérer 28 bérets rouges le 30 janvier, des membres de l’ancienne garde présidentielle d’ATT, arrêtés et détenus pendant des mois sans être jugés, après avoir tenté un contre-coup d’Etat le 30 avril 2012.
Soupçons croisés dans l’armée malienne
Mais Sanogo suspecte toujours ses frères d’armes de vouloir lui prendre sa place.
Les officiers supérieurs maliens, eux, soupçonnent Sanogo et les bérets verts (des sous-officiers révoltés par la corruption de certains généraux sous le régime d’ATT), de vouloir s’incruster au pouvoir. Au point de faire, si besoin était, un second coup d’Etat dans les mois qui viennent.
Et pour cause. Sanogo avait officiellement remis le pouvoir à une autorité civile de transition, dès avril 2012, mais il tirait toujours les ficelles à Bamako, jusqu’à l’intervention militaire française, dont il ne voulait pas.
Il a laissé des gros bras aller frapper le président Dioncounda Traoré dans son palais présidentiel à coups de marteaux, débarqué le Premier ministre de transition Modibo Diarra, et organisé des manifestations contre les autorités civiles le 11 janvier, ces dernières ayant appelé la France à l’aide et mis son pouvoir en péril.
Quand la CPI renforce la capacité de nuisance de Sanogo
Aujourd’hui, il n’est plus un interlocuteur crédible, dans la perspective d’élections rapides et d’une reprise en main du pays par Ibrahim Boubacar Keita (IBK), le présidentiable qui aurait les faveurs des Etats-Unis et de la France.
Cet homme à poigne, ancien Premier ministre d’Alpha Oumar Konaré, président démocratiquement élu ayant dirigé le pays dix ans (1992-2002) avant ATT, est un connaisseur des problèmes du nord du Mali, où il a déjà réglé une rébellion touarègue en 1996.
Mais la capacité de nuisance d’Amadou Sanogo reste intacte. Elle pourrait même être renforcée par l’enquête ouverte le 16 janvier par la Cour pénale internationale (CPI) sur les crimes de guerre commis au Mali.
Or, il se trouve que le chef de la junte malienne, simple instructeur, prof d’anglais au lycée militaire de Kati, sans faits d’armes avant la crise, a aujourd’hui du sang sur les mains : 21 bérets rouges ont disparu, début mai, après avoir été emmenés au camp de Kati...
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