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Discours de Mr Hollande au Mali ou les accents de l’Empire
Le 2 février 2013, Monsieur Hollande fait une visite triomphale au Mali. Les images de la
foule en liesse agitant les drapeaux tricolores français et malien à Bamako, Tombouctou et
Gao, sont à la Une de toute la presse nationale et internationale. Mais de quel Mali s’agit-il ?
Le président français évoque l’amitié franco-malienne et exprime sa reconnaissance aux
troupes africaines qui seraient accourues notamment pendant la deuxième guerre mondiale
pour aider à la libération de la France.
Manier la carte de la « liberté » et de sa reconquête face à des forces oppressives est un thème
on ne peut plus ambigu dans ce contexte, car une telle idée ne peut être avancée ici qu’au prix
d’une amnésie monumentale : celle de l’asservissement colonial de l’Afrique de l’Ouest par la
France, à l’aide de ces troupes dites de « tirailleurs sénégalais », le « Sénégal » et le « Mali »
n’étant pas alors des entités séparées. Le noyau de ces troupes était formé de soldats
bambaras, comme l’est aujourd’hui l’armée malienne, descendante directe des tirailleurs
sénégalais rappelés d’Algérie au moment de la création de l’Etat du Mali en 1960. Ces
troupes ont été constituées pour les besoins exclusifs de la colonisation française et c’est
pourquoi elles ont été mobilisées, plutôt de force que de gré, pendant les deux guerres
mondiales, toujours au service de la France. Aucune notion ni de libre arbitre ni de « liberté »
ni de droits de l’homme à protéger dans l’enrôlement des tirailleurs sénégalais : seulement
une solde à taux bas - colonisation oblige - pour servir de chair à canon à la France.
Les remerciements enflammés et émus de Mr Hollande envers ces troupes de sinistre
mémoire en Afrique de l’Ouest, des troupes qui avaient la licence des autorités françaises
pour des pratiques inhumaines afin de créer la terreur et de décourager tout soutien de la
population à ceux qui résistaient à la domination de leur pays, crée un véritable malaise. Ce
discours disqualifie ceux qui au contraire ont fait l’honneur de l’Afrique, c’est-à-dire les
résistants à la colonisation et leurs successeurs qui, jusqu’à aujourd’hui, essaient de faire
entendre leurs voix pour contester les Etats dictatoriaux mis en place pour servir l’ancienne
puissance coloniale, des régimes qui ne respectent ni les droits de l’homme, ni les règles
démocratiques les plus élémentaires, ni les peuples qui leur ont été livrés sans leur
assentiment, des régimes que Mr Hollande est en train de rétablir dans leurs fonctions
régaliennes. Tandis que les troupes maliennes, à peine réinstallées par l’armée française, se
sont déjà et de nouveau livrées à des exactions contre les civils touaregs et maures « à peau
claire », catégorie raciale et raciste héritée de la France coloniale et entretenue par les
autorités maliennes en butte aux revendications politiques du nord, ce discours donne licence
à la poursuite de l’épuration communautaire puisque, comme l’affirme Mr Hollande, les
« terroristes » sont encore là et que l’action doit être poursuivie. Mais laquelle ? Les
exécutions sommaires de civils touaregs et maures (amalgamés à des « terroristes » à cause de
la couleur de leur teint), par l’armée et les milices para-militaires qui reprennent du service et
dont pas un mot n’a été dit de manière explicite, alors que les noms des victimes et de leurs
leurs bourreaux sont connues ? La destruction des maisons et le pillage des biens des citoyens
à peau rouge, par des miliciens jamais inquiétés par le pouvoir ? Mr Hollande, se contentant
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de généralités et de principes abstraits, déclare faire confiance aux autorités maliennes pour
qu’il n’y ait pas de pogroms, alors même qu’ils ont commencé et que certains responsables
maliens, toujours en poste à Bamako, les ont encouragés.
A Tombouctou, les autorités maliennes ont eu l‘idée baroque d’offrir au Président français un
chamelon harnaché d’une selle touarègue. Mal à l’aise, Mr Hollande a tenté de toucher
l’animal, mais avant même que sa main n’effleure la tête du chamelon, il l’a retirée avec
frayeur. Avec ses cris de détresse ou de rage, le petit chamelon, privé de sa mère et de ses
horizons, est une extraordinaire allégorie de l’Azawad entravé, livré pieds et poings liés aux
forces qui, à plusieurs reprises, ont essayé d’exterminer son espèce, et offert comme un
trophée à exhiber au zoo de Vincennes.
Pris au jeu éphémère de la popularité facile et ne flattant que l’héritage colonial du Mali (en
contradiction d’ailleurs avec la logique apparente de son discours d’Alger), Monsieur
Hollande a déclaré que ce jour du 2 février 2013 était le plus important de sa carrière
politique : c’est pourtant clairement le jour où il a endossé le costume d’une France qui
soutient les régimes et les territoires taillés sur mesure pour servir les intérêts de l’Empire et
qui disqualifie les peuples réclamant le droit de vivre dignement sur le territoire de leurs
ancêtres.
Hélène Claudot-Hawad
03/02/2013
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