lundi 20 février 2012


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ABDOULAHI ATTAYOUB

Azawad : l’autonomie n’est plus une utopie !

lundi 23 janvier 2012
La reprise des hostilités dans le Nord du Mali (Azawad) entre l’Etat malien et le MNLA (Mouvement National de Libération de l’Azawad) constitue un nouveau tournant politique dans la sous-région. Cette nouvelle escalade de violence illustre à l’évidence l’échec de l’Etat malien à apporter des solutions concrètes et acceptées aux problèmes de l’Azawad.
Depuis une vingtaine d’années, en effet, des épisodes réguliers de violences opposent l’Etat malien au Mouvement touareg sans qu’une réelle volonté politique ne soit perceptible de la part des autorités maliennes de prendre au sérieux cette question. Les milliers de morts civils tués par l’Armée malienne et ses milices, plusieurs accords de paix signés entre les deux parties, des centaines de milliards de francs CFA engagés par les bailleurs de fonds et aussitôt engloutis dans la corruption et la gabegie n’ont pas suffi à convaincre le pouvoir malien que les choses ne pourront pas éternellement se passer selon le confort de quelques barons de Bamako, qui ne s’intéressent visiblement pas à la résolution des problèmes des populations de l’Azawad.
Le pouvoir malien a toujours privilégié les petites combines en opposant les enfants de l’Azawad et en suscitant la création de milices communautaires pour faire diversion et présenter le conflit comme une question interethnique. Les Touaregs, pour leur part, connaissent parfaitement leurs voisins, forcément partenaires au sein de leurs activités vitales et alliés face à leurs difficultés environnementales et climatiques communes. Ils n’ont aucun problème, ni au sein de leur communauté ni avec les autres communautés de la région ou du pays, si ce n’est ceux qui ont été sciemment fabriqués pour les affaiblir tous ensemble afin de gérer sans eux et très loin d’eux les affaires qui les concernent vitalement et qui leur permettraient, s’ils en étaient les réels gérants, de vivre tranquillement, de s’éduquer, de se moderniser et de se développer réellement, mais voilà, ce sont ces empêchements qui font de plus en plus mal et qui sont de plus en plus en question !
Quoi qu’il en soit, les auteurs d’exactions contre des civils seront nommément poursuivis devant les juridictions internationales pour que d’éventuelles victimes ne voient pas leurs bourreaux ou des criminels parader, couverts en cela par l’indifférence de la communauté internationale. Le temps de l’impunité est révolu et les auteurs de crimes seront poursuivis par les ayants droit et les organisations internationales fondées à le faire. La communauté internationale se rend compte aujourd’hui qu’elle ne peut pas demeurer sourde aux appels des peuples spoliés et menacés, qu’ils soient à Benghazi ou à Ménaka. Et les criminels doivent se voir systématiquement recherchés, jugés et punis par la Cour Pénale Internationale.
Nous appelons cette communauté internationale à assumer ses responsabilités vis-à-vis de cette région et à ne pas encourager l’escalade de la violence par un soutien militaire et politique à un système aveugle qui a montré par le passé son mépris d’une partie de sa population. En effet, le silence de la communauté internationale est toujours interprété par les pouvoirs tortionnaires comme un soutien à leurs méthodes expéditives et à la répression des peuples en quête de liberté, de justice et de paix.
La question de l’Azawad ne peut se régler que par la négociation entre l’Etat malien et les communautés de cette région. La violence ne saurait être une solution, même si, à l’évidence, c’est la seule expression qui est considérée par la communauté internationale comme révélatrice d’un problème.
Concernant la question touarègue dans son ensemble, seul le langage des armes a pu faire prendre conscience de l’existence d’un problème, même si les réponses apportées jusqu’ici relèvent plus des techniques d’étouffement que d’une réelle recherche de solution politique. Tant que cette question n’est pas prise à bras le corps par la communauté internationale, nous connaîtrons la poursuite de tensions militaires qui risquent, à terme, d’installer durablement le chaos dans la sous-région.
Les Touaregs rejettent tout amalgame qui consisterait à noyer leur lutte pour la liberté dans les mêmes considérations sécuritaires qui impliquent des trafiquants ou autres bandits de grands chemins qui sillonnent aujourd‘hui le Sahara central et le Sahel. Ne voir dans cette question que ses conséquences sécuritaires constitue un refus de certains de contribuer à l’avènement d’une paix juste et durable, sérieusement et librement négociée par toutes les parties concernées.
Il est significatif de voir l’importance des moyens que le Mali mobilise aujourd’hui contre le MNLA, alors qu’il n’a jamais tenté réellement de combattre les groupes armés et les trafiquants qui sillonnent tranquillement l’Azawad depuis des années.
Tout se passe comme si le Mali avait plus peur de sa communauté touarègue que de ces groupes qui créent l’insécurité dans le Nord et asphyxient la région. La manière dont l’installation de certains groupes mafieux s’organise et prospère dans le nord du pays, avec la bienveillance, voire la complicité, de l’Etat malien semble n’avoir pour but que de créer le chaos et d’empêcher ainsi l’expression démocratique des populations de l’Azawad...
Le Mali n’a pas su mettre à profit les périodes de paix pour rechercher une solution politique au différend qui l’oppose à l’Azawad.
Oui, les Touaregs ont le droit d’imaginer et de construire leur avenir. La communauté internationale a montré ces dernières années qu’elle peut trouver les moyens juridiques et opérationnels d’accompagner des peuples qui aspirent à la liberté, à la démocratie et à la justice. Il serait curieux que le peuple touareg continue à faire exception et à subir l’indifférence, voire l’abandon, des acteurs qui ont été par ailleurs au-devant de la scène pour défendre ces valeurs universelles.
Pour rappel, le président malien n’est pas moins responsable du massacre de milliers de Touaregs dans les années 90 que Laurent Gbagbo ne l’est dans ce qui s’est passé en Côte-d’Ivoire. Pourquoi la communauté internationale accepte-t-elle cette différence de traitement, alors qu’il s’agit, dans les deux cas, de civils massacrés par une armée ?
L’Algérie et la France, impliquées de fait dans le suivi de cette question, doivent faire évoluer leurs positions et accepter, enfin, de favoriser l’émergence d’une vraie solution politique sous la houlette de la communauté internationale. L’échec des différents accords de paix signés depuis vingt ans montre qu’il y a pour le moins une absence de volonté politique de l’Etat malien de prendre au sérieux cette question. Et la bienveillance des autorités actuelles à l’égard des groupes armés et des trafiquants qui pullulent dans le Nord ne peut s’expliquer que par la volonté de contenir les revendications légitimes des populations de l’Azawad.
Aucune loi nationale ou internationale ne peut dénier au peuple le droit à une vie meilleure, le droit de préserver sa langue, sa culture. Le droit de participer réellement aux décisions qui influencent directement sa vie et son avenir. Aujourd’hui, le Mali a montré ses limites dans sa capacité à créer les conditions d’une cohabitation de ses citoyens dans un Etat unitaire qui leur donne les mêmes droits et les mêmes chances pour s’épanouir et se développer.
Mais c’est peut-être la réalité géographique et socio-culturelle du Mali qui fait que la nature actuelle de l’Etat ne peut répondre à la diversité des territoires et à l’étendue du pays. L’Azawad est une entité qui dispose de sa propre personnalité avec des communautés qui se sont toujours côtoyées et mélangées. Une particularité géopolitique et une distance notoire avec le Sud du pays font, de fait, de l’Azawad une entité réelle non seulement dans l’esprit de ses habitants, mais aussi dans celui des autres Maliens !
Un statut particulier et une autonomie doivent permettre enfin aux Azawadiens de concentrer leurs efforts sur le développement de la région dans le respect des aspirations de l’ensemble des communautés de ce territoire et dans un rapport intelligent et constructif avec le Mali.
Depuis une vingtaine d’années, le Mali n’a pas voulu privilégier le dialogue pour trouver une solution politique durable et définitive aux préoccupations des populations de l’Azawad. Il a choisi de s’enliser dans le clientélisme et l’encouragement d’une militarisation des communautés qui est dangereuse à terme pour la stabilité de la région. Il a préféré le saupoudrage et l’accentuation de la logique sécuritaire dont les victimes sont les communautés de l‘Azawad. Cette politique sécuritaire est menée au détriment d’une politique de développement qui aurait pu aider à créer les conditions d’un réel dialogue politique et éviter ainsi tout recours à la violence pour poser des revendications politiques. L’arrestation, l’année dernière, des jeunes du MNA (Mouvement National de l’Azawad) d’alors constituait un indice flagrant de la nature d’un système qui s’affiche pleinement démocratique à l’usage des chancelleries occidentales et refuse tout dialogue sérieux à l’intérieur.
Aujourd’hui, le MNLA devra faire preuve de responsabilité vis-à-vis de l’ensemble des populations de l’Azawad et ne pas tomber dans le piège de la communautarisation ou de la tribalisation de ce conflit. Il devra tirer les leçons d’un passé récent et mener un travail d’explication aussi bien vers l’ensemble des communautés de l’Azawad et du Mali qu’en direction de la communauté internationale. Un discours clair, qui empêcherait tout amalgame voulu par les tenants de l’immobilisme, qui s’acharnent toujours à brouiller le message, en occultant délibérément la dimension politique des revendications du Mouvement et de l’ensemble des communautés de ce territoire. Le MNLA, qui porte aujourd’hui les aspirations des populations de l’Azawad, dispose d’un contexte international favorable traversé par une volonté affirmée des peuples à s’affranchir de l’oppression. Aujourd’hui plus que jamais, les institutions doivent être au service des peuples et non le contraire. Un Etat n’a de légitimité et de raison d’être que quand il est au service du peuple. L’Etat centralisé, hérité de l’administration coloniale française, ne correspond à l’évidence pas à la nature des pays comme le Mali et ne constitue aucunement l’instrument adapté pour assurer la coexistence, l’épanouissement et le développement des peuples concernés. L’Etat n’étant finalement qu’un outil, il ne saurait être sacralisé, surtout quand il n’est pas l’émanation de la volonté des peuples auxquels il prétend s’imposer.
Les responsables du MNLA ne doivent pas perdre de vue les enjeux réels de leur engagement. En remettant à l’ordre du jour les aspirations des populations de l’Azawad, ils interpellent l’ensemble des leaders de ses communautés, la société civile malienne, la classe politique et la communauté internationale.
Abdoulahi ATTAYOUB
Survie Touarègue-TEMOUST
Lyon (France)
temoust@hotmail.com

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