vendredi 5 février 2010

A propos de l’otage français Pierre Camatte : Le paradoxe Kouchner

Abdoulaye Diakité- L’indicateur Renouveau, 05/02/2010
A propos de l’otage français Pierre Camatte : Le paradoxe Kouchner
vendredi 5 février 2010

En poussant les autorités de Bamako à céder au chantage des terroristes, ce à quoi les Occidentaux ont toujours rechigné, le ministre des Affaires étrangères de la France, Bernard Kouchner donne dans le paradoxe.

En tenant des propos menaçants sur les ondes de TV5 Monde, RFI et journal le Monde, à la veille de sa visite précipitée au Mali le lundi dernier, où il a eu un tête-à-tête avec le Président ATT, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, suscite des interrogations quant à l’attitude de son pays par rapport aux chantages terroristes. D’habitude, les Occidentaux n’acceptent jamais les chantages des organisations à connotation terroriste comme Al Qaïda au Maghreb Islamique (AMIQ). Partout où les terroristes ont essayé de procéder à de tels chantages pour parvenir à leurs objectifs criminels, la Grande Bretagne et les USA, n’ont jamais cédé et n’ont jamais vu d’un bon œil le fait pour un pays de céder à ce genre de chantage. En effet, quand Al Qaïda avait menacé d’exécuter l’otage britannique Edwin Dyer, en intimant à la Grande Bretagne de céder à son ultimatum qui était la libération d’un de ses membres emprisonné dans ce pays, le Premier Ministre Gordon Brown n’a pour rien au monde accepté de se plier à un tel chantage, jugé contraire à l’idéal de la croisade mondiale déclenchée contre les terroristes. Ainsi, la Grande Bretagne et les autres pays occidentaux répugnent au versement de rançons dans les opérations de libération d’otages. Car, cela peut constituer en soi une source de financement du terrorisme.

Mais curieusement, la France qu’on croyait être de la même vision, vient de démentir cette conception à travers son ministre des Affaires étrangères et européennes, Bernard Kouchner. Face à la menace d’exécution de son ressortissant au Mali, précisément à Ménaka, fait otage par la branche d’Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) le 26 novembre 2010, la France de Kouchner qui avait déjà terni l’image du septentrion malien en appelant ses ressortissants à l’e déserter, exerce une énorme pression sur Bamako afin que la vie de son ressortissant soit sauvée, même si c’est au prix d’un pacte avec le diable. Invité à commenter cet ajournement dans une émission organisée par TV5 Monde, RFI et le journal Le Monde, Bernard Kouchner a pointé un doigt accusateur vers le Mali : « Je ne serai pas discret sur la façon dont le Mali est responsable. Il a l’obligation d’assurer la sécurité des ressortissants étrangers sur son sol. Trois Espagnols, deux Italiens et un Français sont gardés en otages sur son territoire. La responsabilité lui incombe, pas à nous ». Avant de se reconnaître quand même un certain rôle dans l’affaire un peu plus loin : « Je fais tout mon possible pour que cet homme échappe à la mort et soit libéré ».

On peut alors conclure que pour la vie de cet otage, Bernard Kouchner et la France veulent pousser le Mali à commettre ce qu’eux-mêmes ne feront jamais. C’est-à-dire céder aux chantages des preneurs d’otages.

En effet, qu’est-ce que AQMI exige du Mali en contrepartie de la libération de ce précieux otage ? La branche d’Al Qaïda au Maghreb demande purement et simplement la libération de 4 de ses membres faits prisonniers à Bamako (2 Mauritaniens, 1 Algérien et 1 Burkinabé) à la suite d’une opération de ratissage menée dans la région de Tombouctou, suite à l’exécution froide de l’agent de la Sécurité d’Etat, Lamana Ould Bou. En faisant de cette exigence la condition sine qua non pour la libération du ressortissant français vivant à Ménaka, AQMI veut pousser le Mali à s’exposer à la colère de ces mêmes Occidentaux lesquels vont se ruer sur cette occasion, notamment la France, pour accuser notre pays d’avoir partie avec des organisations terroristes, ces terroristes, qui nous viennent pourtant du voisin algérien. Justement, le pays de Bouteflika ne verra pas non plus d’un bon œil la libération de ses prisonniers, parmi lesquels un recherché pour avoir commis de nombreux crimes là-bas : cela pourrait paraître comme une victoire aux yeux des terroristes du désert. Tout en accusant le Mali de servir de terreau pour les organisations terroristes et de narcotrafiquants, l’Algérie continuait à mener des démarches auprès de nos autorités pour obtenir l’extradition de ce prisonnier afin qu’il soit exemplairement châtié.

Si c’est cette même France qui était soumise à un tel chantage, difficilement elle allait céder. Car céder aux chantages terroristes n’est autre qu’une complicité tacite avec les réseaux mafieux. Cette pestilentielle image, la France veut nous la coller, pour ensuite nous vouer aux gémonies. Mais que voulez-vous qu’on fasse quand un pot de fer met la pression sur un pot de terre ! Indubitablement, la libération de Pierre Camatte, que nous considérons comme le plus Malien des Français, préoccupe plus les autorités maliennes que le ministre Kouchner. Depuis le kidnapping de ce Français résidant à Ménaka , il y a de cela près de dix jours, le président malien, Amadou Toumani Touré a dit avoir fait de la libération de Pierre Camatte une affaire personnelle. La détermination du Mali peut-elle aller au-delà de ce serment présidentiel ? Et pourquoi Kouchner ne laisse-t-il pas le temps aux autorités de Bamako de mener dans la discrétion les négociations avec les preneurs d’otages ? Bon, il paraît que c’est la libération rapide du maire Kounta d’Anefis, qui a été kidnappé après Pierre Camatte, qui aurait irrité M. Kouchner, puisqu’il estimerait que le Mali ne peut réussir cette prouesse et être incapable d’en faire autant avec le Français. Il a oublié que les otages n’ont pas la même valeur, et que le maire d’Anefis n’avait pas été kidnappé par AQMI, mais par une tribu malienne qui entendait se venger d’une autre, dans une sale affaire de trafic de drogue.

Abdoulaye Diakité

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