dimanche 7 février 2010

Edito : sous- traitance


Liberté : 7 février 2010
Edito : sous- traitance
PAR SAÏD CHEKRI
À présent, au diable les grands principes ! Il s’agit, après tout, de sauver la vie d’otages occidentaux. À l’occasion, cela pourrait peser dans les futures joutes électorales, en France, en Espagne, en Italie et partout ailleurs dans le VieuxContinent

En visite éclair lundi dernier à Bamako, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, aurait demandé au chef de l’État malien, Amadou Toumani Touré, de “tout faire” pour obtenir la libération de Pierre Camatte, un otage français enlevé et détenu par la branche d’Al-Qaïda au Maghreb. La confidence est d’un responsable malien qui n’a pas précisé si le diplomate dépêché par Paris s’est autant inquiété, ou non, quant au sort de Sergio Cicala, un autre otage de nationalité italienne, lui aussi aux mains de l’organisation terroriste.
Il faut dire que Kouchner était probablement déjà rassuré que Bamako était déjà en train de faire “ce qui doit être fait” pour sauver la vie des otages. Dans une interview publiée la veille par El Pais, Amadou Toumani Touré disait exclure toute opération militaire contre les ravisseurs, expliquant que c’était là, également, le voeu de tous les pays et notamment celui de l’Espagne dont des ressortissants sont toujours détenus par l’organisation de Ben Laden.
Il y a donc, côté européen, comme un consensus : il faut négocier avec cette organisation.
L’on est loin, bien loin, de l’époque où les Occidentaux, au nom des valeurs de la démocratie, s’interdisaient de traiter avec les organisations terroristes et enjoignaient aux autres de s’en tenir à la même philosophie. Ils blâmaient alors et diabolisaient, sans autre forme de procès, les pouvoirs jugés “mous” ou “conciliants” face aux groupes terroristes, dès lors qu’ils prenaient langue avec ces derniers.
À présent, au diable les grands principes ! Il s’agit, après tout, de sauver la vie d’otages occidentaux. À l’occasion, cela pourrait peser dans les futures joutes électorales, en France, en Espagne, en Italie et partout ailleurs dans le Vieux Continent. S’il faut payer pour cela, il va falloir le faire, quitte à casser la tirelire en ces temps de crise financière, quitte même à renflouer les caisses d’Al-Qaïda. S’il faut, en contrepartie, libérer des terroristes, y compris de spécialistes en fabrication de bombes, pourquoi pas ? Tant que c’est le Mali qui s’en charge, rien n’est scandaleux. Et à Bamako, on n’est pas plus gêné tant qu’on agit, en simple sous-traitant, avec la bénédiction consensuelle des pays européens concernés.
S. C.

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