Ibrahim Elhadj dit Hima (Roue de l’Histoire )
vendredi 30 octobre 2009
Haro sur la CEDEAO, la diplomatie et les ‘’canons’’, controverses sur les accords avec la CEDEAO, mouvements populaires et discussions institutionnelles, tout est mis sur la balance, pêle-mêle et sans discernement, par le pouvoir de Niamey pour renverser la tendance et infléchir la position de la CEDEAO qui a sorti la semaine dernière des mesures de sanctions contre le régime politique de Tandja. Le branle-bas des offensives diplomatiques notamment avec la mission d’explication envoyée à travers les pays de l’UEMOA conduite par le Premier Ministre Ali Badjo Gamatié couplée avec les différentes déclarations à l’intérieur du pays traduisent toute la difficulté et le flottement du régime de Tandja Mamadou à trouver une ligne de conduite et une démarche parfaitement structurée pour faire face à la situation sur le plan des relations avec l’extérieur. Pour l’instant, une seule certitude se dégage dans toute la démarche stratégique de Tandja Mamadou : le principe du fait accompli. Comme dans un coup d’Etat ordinaire, on ne se préoccupe pas de ce que diront les partenaires ou la communauté internationale. On consomme l’acte, puis après on engage la mission d’explication. Le pouvoir de Tandja est resté inflexible jusqu’au bout. Contre toutes les condamnations, il a réalisé le référendum du 04 août, il est aussi resté indifférent aux recommandations de la CEDEAO en organisant les législatives du 20 octobre dernier. Tandja Mamadou n’a rien voulu lâcher, il n’a voulu faire aucune concession. Quand le 17 octobre dernier, il pouvait se présenter devant ses pairs de la CEDEAO pour expliquer et défendre son dossier, il a préféré la politique de la chaise vide.
Le référendum et les législatives en poche, Tandja Mamadou sait désormais qu’il a accompli ce que son entourage appelle la révolution ou la refondation de la République. L’UEMOA, la CEDEAO, la communauté internationale, tout cela existe à présent pour Tandja Mamadou et il faut aller vers. Mais comment ? Là encore, il y a un sérieux conflit dans le choix de la démarche. Il y a comme une sorte de pression qui brouille toute visibilité nette dans le choix de la stratégie de réponse à donner à l’extérieur. La diplomatie de bons offices Depuis lundi 26 octobre dernier, une importante délégation conduite par le premier Ministre du Niger Ali Badjo Gamatié est envoyée pour porter, aux partenaires de la sous-région, le message du Président Tandja Mamadou sur la situation de la crise politique au Niger.
Outre Ali Badjo Gamatié, la délégation est composée de Cheiffou Amadou, président du CESOC, Hamid Algabid, président du HCCT, Mamane Oumarou Médiateur de la République, Seïni Oumarou, président de l’Alliance AFD/R mouvance politique au pouvoir, du Ministre de la Communication Moctar Kassoum, de l’ancien Ministre de la communication Mohamed Ben Omar et Sanoussi Tambari Jackou, parlementaire, et ancien ministre. Première étape, Bamako, la capitale malienne où la mission a été reçue par le président en exercice de l’UEMOA Amadou Toumani Touré avant de rencontrer tous les autres chefs d’Etat des pays membres de l’UEMOA. Absence remarquable, toutefois, dans cette mission de la Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération, Aïchatou Mindaoudou, qui devra probablement préparer le dossier de discussions avec Abuja et aussi Bruxelles sur l’article 96 des accords de Cotonou.
Même si le gouvernement ne le dit pas officiellement, il faut dire que le régime de Tandja Mamadou semble vouloir opérer une sorte de craquage de la CEDEAO, isoler les pays anglophones et mettre en place un train d’explication avec les pays de l’UEMOA. Si elle ne sera pas totalement fonctionnelle, cette option aura au moins l’avantage de permettre à Tandja Mamadou de contourner le courroux du président de la CEDEAO Umaru Musa Yar’Adua particulièrement irrité par les positions des autorités nigériennes à l’égard de la CEDEAO, où la présidente du Liberia Ellen Jonshon-Sirleaf qui a pratiquement été poussée à la porte lors de son dernier séjour à Niamey le dimanche 19 octobre dernier. Tandja semble en tout cas privilégier ses relations avec la maison francophone de la sous-région ouest africaine où il estime tabler sur certains rapports amicaux avec certains pays comme le Bénin de Yayi Boni.
Haro sur la CEDEAO Si sur le plan extérieur la mission gouvernementale donne l’impression de négocier la levée des sanctions imposées par la CEDEAO, au niveau national les propos diplomatiques cèdent plutôt la place à la belligérance. ‘’La CEDEAO n’a pas de leçons de démocratie à nous donner’’, ‘’la CEDEAO ne peut pas aller contre la volonté du peuple nigérien’’, ou encore ‘’la CEDEAO doit reconsidérer sa position’’, annoncent régulièrement les communiqués du mouvement populaire au niveau des régions, mouvements qui vont être relayés par les préfectures et les mairies. Comme dans la période pré référendaire, ce sont pour l’instant des déclarations des populations initiées par les gouverneurs de régions que le régime de Tandja veut aussi mettre sur la balance dans ce qui s’apparente à un bras de fer avec la CEDEAO pour obtenir le recul de l’organisation communautaire.
Tentative d’explication, mais surtout tir de canons sur l’organisation communautaire, les déclarations populaires conduites par les gouverneurs régionaux appellent les populations à se constituer comme des soldats de la 6ème République. L’ambiance politique nationale ressemble à une sorte de mobilisation ou d’appel à la résistance. Dimanche 25 octobre dernier, dans une conférence organisée par les acteurs politiques de l’entourage de Tandja Mamadou, les contours des interventions étaient dans une logique de conflit avec la CEDEAO. Si la CEDEAO impose des sanctions au Niger, le Niger peut riposter en appliquant une fiscalité sur l’ensemble des produits des pays de la CEDEAO, a déclaré Ibro Ayouba. Pris par la gorge par les menaces pressantes de sanctions, le régime de Tandja Mamadou ne parvient pas à déterminer une ligne de conduite bien définie.
Mission diplomatique de Ali Badjo Gamatié, réarmement du régime fiscal, le sauvetage du processus politique conduit par Tandja Mamadou marque pour l’instant de sérieuses difficultés alors que la réunion du 30 octobre à Abuja s’annonce comme une rencontre de dernière chance. Ce qui est sûr, c’est que après la tenue du référendum et des élections législatives du 20 octobre dernier, les autorités nigériennes feront le déplacement à Abuja avec un dossier au complet sur le référendum et sur la tenue des élections législatives, deux processus politiques fermement rejetés par l’ensemble de la communauté internationale. Parviendront-ils à convaincre ? La marge de manoeuvre du gouvernement nigérien restera en tout cas très mince.
Pour l’instant, les choses continuent de se compliquer avec notamment la condamnation récente du Bureau de l’Union Interparlementaire qui a, mercredi 21 octobre dernier, prononcé la suspension de ses instances du parlement nigérien et la position du bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest qui a diffusé une demande de sanction individuelle avec gel de leurs comptes en banque des autorités politiques du Niger. Vendredi 23 octobre dernier déjà, l’Organisation Internationale de la Francophonie a indiqué qu’elle ne reconnaît point l’Assemblée Nationale issue des législatives du 20 octobre dernier. Cette position est exprimée à quelques jours de la session du parlement de l’Union Africaine qui se penchera ce jeudi 29 octobre sur la crise politique au Niger. Le processus politique initié par Tandja Mamadou pour se maintenir au pouvoir au-delà de son mandat constitutionnel se trouve dans un sérieux engrenage.
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