samedi 25 avril 2009

Deux diplomates canadiens, Robert Fowler et Louis Guay, ont été libérés cette semaine après quatre mois de détention

Publié le 24 avril 2009 à 22h58 | Mis à jour le 24 avril 2009 à 22h59

La libération
Pierre Jury
Le Droit

Deux diplomates canadiens, Robert Fowler et Louis Guay, ont été libérés cette semaine après quatre mois de détention aux mains de militants qui pourraient être des sympathisants d'Oussama ben Laden, avec al-Qaïda au Maghreb islamique.


Trois jours après leur libération, le mystère demeure encore sur toutes les circonstances qui l'entourent, et il est possible que nous ne saurons jamais le fond de l'histoire. Tout d'abord, il faut se féliciter de cette heureuse issue. Les deux hommes, capturés le 14 décembre, semblaient en bonne forme compte tenu des épreuves émotives et physiques qu'ils ont traversées depuis (en compagnie de quatre autres otages, il appert, dont deux autres ont recouvré leur liberté en même temps). Il ne semble pas qu'ils aient été torturés, et devraient passer quelques jours dans un hôpital militaire d'Allemagne avant de revenir au Canada, la semaine prochaine.

La population ne soupçonne pas l'ampleur des efforts déployés au Canada et ailleurs, et du vaste réseau de gens qui ont participé, de près ou de loin, aux manoeuvres qui ont permis cette libération. Des politiciens et des diplomates auraient multiplié les démarches auprès de tous leurs contacts privilégiés au Niger, où MM. Fowler et Guay ont été kidnappés, ainsi qu'au Burkina Faso voisin, tout autant qu'au Mali, où ils ont été remis en liberté, et sans doute dans plusieurs autres pays qui ont pu servir d'intermédiaires dans les efforts de négociation. Des agents secrets du Service canadien de renseignement de sécurité ont sans doute participé également, tandis que des professionnels du méconnu Centre de la sécurité des télécommunications Canada tentaient d'intercepter des informations électroniques.

Dès que la remise en liberté a été confirmée, le premier ministre Stephen Harper s'est évidemment réjoui du dénouement de toute cette triste histoire, alors que les deux diplomates agissaient justement pour l'ONU, afin de trouver un terrain d'entente entre les rebelles touaregs établis au nord du Niger qui, selon des sources médiatiques, souhaiteraient de plus importantes redevances sur l'uranium dans leur région. MM. Fowler et Guay revenaient justement d'une visite à une mine de la société canadienne Semafo, à l'ouest de Niamey, au Niger. Il n'est pas impossible que les touaregs, qui avaient d'abord revendiqué l'enlèvement, aient « échangé » leurs otages aux islamistes, par la suite.

Le premier ministre a nié tout échange d'argent dans cette affaire. « Le gouvernement du Canada ne paie pas de rançon dans ces cas-là et nous n'échangeons pas de prisonniers », a-t-il lancé d'emblée.

De fait, il n'existe sans doute aucun poste budgétaire « Paiement de rançons » dans les dossiers du ministère des Finances : la vérificatrice générale Sheila Fraser y verrait illico.

Mais ne soyons pas dupes. Il y a bien d'autres manières de compenser des gens qui nous aident que de leur verser de l'argent directement. Une « preuve » de la reconnaissance du Canada pourrait prendre la forme d'un quelconque projet d'infrastructure, ou une aide ponctuelle pour une initiative humanitaire dans un ou quelques pays concernés. Certains ont même comparé ce « marché » à une transaction dans la Ligue nationale de hockey, mais qui impliquerait cinq équipes et où tout le monde, évidemment, doit sentir qu'il sort gagnant. En bout de ligne, cela coûtera au Canada et aux contribuables canadiens. Cela peut sembler triste, mais il s'agit d'un risque inévitable lorsque l'on sort de son pays. En réalité, le Canada a fait ce qu'il devait faire pour assurer la sécurité de ses diplomates.

On souhaiterait qu'il adopte une attitude semblable envers les Canadiens ordinaires qui sont mal pris à l'étranger. Pensons à Ronald Smith, un tueur mais un Canadien malgré tout, qui attend dans le couloir de la mort au Montana. Pensons à Omar Khadr, un enfant-soldat accusé d'avoir tué un soldat américain en Afghanistan et qui croupit dans la prison de Guantanamo depuis 2002. Pensons à Abousfian Abdelrazik, terré à l'ambassade canadienne à Khartoum depuis un an en attente de papiers qui lui permettraient de revenir au pays, papiers qu'on lui refuse pour des raisons obscures, alors que les autorités canadiennes n'ont rien à lui reprocher.

Bravo au Canada pour son rôle auprès de MM. Fowler et Guay. Alléger les souffrances des trois autres Canadiens serait bien plus facile encore, mais le gouvernement de Stephen Harper s'y refuse.

Dommage ? Une honte, plutôt !

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