jeudi 16 avril 2009

Gouvernance politique: HAMA AMADOU serait-il victime d’un mensonge d’Etat ?


Ecrit par AMADOU BOUNTY DIALLO (Le Canard déchaîné N°373 du 14 Avril 2009),

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Hama« L’Etat est un monstre froid. Il ment froidement », écrit un philosophe mort le siècle dernier. En effet, après le pitoyable point de presse du Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, il y a lieu de se demander jusqu’où comptent aller ceux qui, par devers le simple bon sens, ont décidé de mettre prématurément fin à la carrière politique de Hama Amadou. Celui-ci, c’est un rappel, a été déposé, à la suite d’une motion de censure de l’opposition soutenue par « une majorité sans âme » (l’histoire en effet va prouver que cette majorité faite de bric et de broc n’a aucune âme). A partir de cet instant, n’eurent été les malencontreuses manigances du prince, Hama serait politiquement « enterré ». Mais, les coups tordus, les coups bas dont il va être victime vont lui redonner une certaine aura, de telle sorte que mêmes ceux qui, hier étaient ses farouches adversaires ont fini par comprendre que s’il y a un tel acharnement sur l’homme de Youri, c’est simplement pour l’empêcher de se présenter aux élections à venir.

Pour contrer ses ambitions, rien ne lui sera épargné par Tandja et un certain nombre de ses obligés. Il y a d’abord l’affaire Moussa Keita. Ancien Premier ministre ayant réussi, quoi que disent ses adversaires, à redresser la situation catastrophique issue du règne –rapine de Wanké, Hama est « débarqué par sa propre majorité » qui, hier encore le divinisait. Vint l’accusation de pyromanie sur un véhicule d’un particulier. L’enquête et le jugement le disculpèrent. Mais, aux dernières nouvelles, alors même que des faits nouveaux ne sont pas intervenus et que l’ancien Premier ministre est disculpé, le Ministère public ayant fait appel du verdict, le procès en appel aura lieu le 5 MAI 2009.

Au regard d’un tel acharnement, il y a lieu de s’inquiéter pour la vie de Hama Amadou. L’intervention du Ministre de la Justice pour expliquer à l’opinion publique les tenants et les aboutissants du feuilleton Hama n’est qu’un écran de fumée. On peut dire en effet que l’ancien Premier ministre n’est pas un prévenu aux mains de la justice mais une victime du fait du prince. Plusieurs zones d’ombres entourent en effet l’affaire Hama.

Arrêté pour une présomption de détournement des fonds d’aide à la presse, exercice 2001, il se retrouve, alors même que l’enquête préliminaire n’a pas encore prouvé sa culpabilité, envoyé, en vertu d’une ordonnance datant de la « période de plomb », c’est-à-dire cette impitoyable dictature militaire imposée par Kountché et ses sbires, dans la prison de haute sécurité de Koutoukalé. L’ordonnance en question criminalise les faits de détournements une fois que la somme atteint le montant de 100 millions.

Or, ce que le novice ne sait pas, une fois l’accusation de criminalisation est portée et que le présumé coupable est mis en détention, il ne peut, selon la loi, bénéficier de la liberté provisoire qu’un an au moins après sa mise en détention. Dans les cas des simples délits, il s’agit d’une période de détention de quatre mois renouvelable une fois. Or, dans les cas des crimes, la période est montée à six mois renouvelable une fois. Selon les calculs des accusateurs tapis à l’ombre et qui veulent que « la justice les aide à éliminer Hama », si celui-ci est détenu pendant la période sus indiquée, cela leur donnera le temps de lui arracher le parti, de présenter un candidat au nom du MNSD et lorsque l’homme de Youri sortira de prison, il sera mis devant le fait accompli.

Les personnages agissant de la sorte, lecteurs à coup sûr de romans de science fiction, n’ont pas tenu compte d’un certain nombre de facteurs dont entre autres, le poids de la société civile, le refus de la base du MNSD de « suivre des aventuriers sans assises populaires », le refus des bases des autres partis qui, même si les leaders, pour une raison ou pour une autre « se sont compromis avec le pouvoir » d’apporter leur caution à une opéra- tion qui va certainement contribuer à liquider tous les partis traditionnels. Une année de détention, au lieu d’affaiblir Hama, aura surtout contribué « à le remettre en selle ».

D’où, certainement la colère du prince qui, en dehors de tout bon sens, et alors même que nous sommes censés être dans un Etat de droit où la séparation des pouvoirs doit être de mise, d’intervenir pour évacuer Hama Amadou de l’hôpital de Niamey et le ramener dans la sinistre prison de Koutoukalé. Koutoukalé est une prison pour criminels. Si l’on tient compte du fait que l’accusation du départ, parce que portant sur 100 Millions criminalisait l’acte présumé, le fait que ladite somme soit ramenée à 39 millions permet de requalifier l’acte d’accusation en le dégageant du crime pour en faire un simple délit.

Constatant que le présent dossier n’est pas le bon, en « cours de route », on veut en créer d’autres. C’est ainsi que, sachant bien que la commission d’enquête est tenue, de par la loi, par l’unique dossier, le pouvoir politique cherche, par tous les moyens, à ficeler « un dossier pour enrichissement illicite ». Pour cela, des investigations sans résultats sont menées auprès de proches et autres relations pour débusquer la faute qui permettrait de maintenir Hama le plus longtemps possible, loin de l’arène politique. Pendant ce temps, on ment au peuple.

On lui dit que « le père fondateur », touché par les conditions de détention et surtout par la maladie de son ancien dauphin, a décidé de son évacuation sur un hôpital au Maroc. Informé la veille vers vingt deux heures, Hama a opposé une fin de non recevoir à une « proposition d’éloignement » dans laquelle il risque gros. Son dossier médical se trouvant en France, c’est là- bas que le conseil de santé a décidé de l’envoyer. Or, il y a problème. Le pouvoir, en décidant, de manière unilatérale de la destination d’un prisonnier devenu encombrant pour lui, s’est immédiatement rendu suspect On nous a longtemps menti sur la nature des relations entre Tandja et Hama.

Apparemment aucun d’eux ne veut dire à l’opinion ce qui les oppose réellement La démocratie, chacun doit s’en convaincre, est un régime dur à assumer. Il est plus facile de vivre sur un peuple en imposant la peur que de respecter les règles démocratiques. Ce type de régime n’a rien à voir les particularismes. Chaque membre de la communauté est un citoyen, c’està- dire « celui qui jouit du droit de cité ». A ce titre, il a des droits et doit accomplir des devoirs. La démocratie ne saurait être confondue avec le règne de l’arbitraire. Le respect des lois incombe aussi bien aux administrateurs de la cité qu’aux administrés. Cela exclut le fait du prince ou le règne de la force.

« Force doit toujours revenir à la Loi », sinon on tombe dans l’arbitraire ou la loi de la jungle. Aucun Nigérien ne souhaite cette dernière alternative. C’est pour cette raison que l’affaire Hama doit cesser d’être politi que pour rester dans la sphère stricte du droit. Sur ce plan, le dernier mot revient à Tandja qui a décidé de prendre son ancien Premier ministre en otage. S’acharner sur un homme sans défense n’a rien à voir avec la morale, encore moins avec les valeurs de soldat. Le respect de la dignité de chaque Nigérien est une règle d’or. Cela, Tandja doit y veiller pour le bien de tous et pour la quiétude de notre société. En d’autres termes, l’ancien colonel doit cesser de confondre terrain politique où on se bat arguments contre arguments et champ de bataille où là, il ne s’agit plus d’adversaires mais d’ennemis à abattre.

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