jeudi 15 septembre 2011
Réfugiés libyens au Niger : Les germes d’une déstabilisation potentielle
De plus en plus de réfugiés affluent au Niger en provenance de la Libye en proie à la guerre civile. Ce pays apparaît aux yeux de beaucoup d’entre eux comme un lieu sûr. Dans la situation actuelle, on pense plus aux fuyards célèbres et officiels qu’aux anonymes. Pourtant, il existe plusieurs catégories de réfugiés. Comment donc gérer les aspects sécuritaires, économiques et judiciaires de ce problème ? Plus que la Tunisie qui est proche du théâtre des opérations, le Niger paie sans doute aujourd’hui le tribut le plus lourd dans ce qui se passe en Libye. En effet, les fuyards qui constituent des groupes non homogènes, sont de plus en plus nombreux à envahir le vaste territoire nigérien. On dénombre, outre les réfugiés économiques constitués de migrants de toutes sortes, des soldats en débandade et des personnalités proches de Mouammar Kadhafi. Comme si ces dernières savaient que des raisons humanitaires seront avancées pour les accueillir. Parmi les hôtes encombrants, figurent notamment le fils de Kadhafi qu’on a dû escorter pour plus de sécurité. Ce dernier est pourtant, de tous les dignitaires du régime du Guide, l’un de ceux encore épargnés par le tribunal international. Le Niger est-il vraiment un pays sûr pour ces puissants d’hier ? Et que fera Niamey si la justice internationale s’en mêle ? En attendant, les conséquences sont loin d’être agréables pour le Niger et la sous-région qui peinent à se nourrir. Certes, le Niger renferme dans ses entrailles d’énormes ressources énergétiques (uranium et pétrole, entre autres). Et cela fait naître de réels espoirs chez ses habitants. Pour l’instant, il est sahélien, pauvre et très endetté. Afin d’épargner à ce pays et à la sous-région des lendemains amers, la communauté internationale doit s’organiser pour assister dans les meilleurs délais les nouvelles autorités nigériennes au triple plan alimentaire, sécuritaire et judiciaire. Pris entre le marteau et l’enclume, le régime en place à Niamey depuis à peine six mois, se bat probablement des pieds et des mains pour répondre aux attentes. Mais le pourra-t-il pour longtemps ? Le Niger à lui seul peut-il vraiment assurer leur prise en charge ? Des débordements imprévisibles semblent guetter ce pays. Quelle que soit sa bonne volonté, le gouvernement nigérien peut-il vraiment faire face aux nombreux problèmes qui découlent de cette forme d’immigration "sauvage" ? En effet, aux problèmes économiques et alimentaires s’ajoutent ceux d’ordre judiciaire, certains fuyards étant recherchés par la justice internationale. Il est vrai qu’en la matière, les autorités de Niamey entendent respecter leurs engagements internationaux. Mais, en cas de nécessité, leNiger pourrait tout aussi bien s’abriter derrière les récentes décisions de l’Union africaine (UA) qui rejettent l’application des mandats de la Cour pénale internationale. Par ailleurs, l’exemple du Sénégal avec le dossier du dictateur sanguinaire Hissène Habré, n’est point de nature à encourager à livrer des délinquants à col blanc prélevés parmi les dirigeants africains. Ira-t-on alors jusqu’à exiger des autorités nigériennes d’abdiquer en matière de souveraineté nationale pour obtenir le concours nécessaire auprès de la communauté internationale ? Enfin, les réfugiés venus de Libye posent de sérieux problèmes de sécurité. On le sait, dans le vaste Sahel, les frontières sont poreuses. Or, dans l’immensité du désert, le commerce caravanier a largement eu le temps de tisser des complicités aussi solides que les liens de parenté. Parviendra-t-on jamais à réussir ce qui paraît impossible : amener les uns à trahir la cause et permettre à l’étranger de s’imposer ? Dans la confusion actuelle, comment savoir si les convois identifiés sont bien les seuls ? N’y aurait-il pas d’autres hommes armés en cavale ailleurs ? Pourra-t-on jamais les dénombrer et les localiser ? Quelles différences entre des marchands armés, portant des burnous et se déplaçant à l’aide de dromadaires et tant d’autres ayant l’air de paisibles voyageurs ? En d’autres termes, la multitude d’hommes en armes ne va-t-elle pas tôt ou tard constituer une base-arrière qui fera de la bande sahélo-saharienne une zone d’insécurité permanente ? Faut-il exclure de voir un jour le colonel Kadhafi signer un pacte avec AQMI et d’autres forces pour rendre difficile la gestion du territoire libyen par le CNT ? Le pacte est envisageable, en raison même de la forte implication de l’Elysée dans le dossier libyen. L’intervention française, qui est mal appréciée par certaines populations de la sous-région, peut entraîner des velléités de revanche dans le camp adverse. Autrement dit, si des solutions ne sont pas rapidement trouvées à la situation des nombreux fuyards de Libye, les choses pourraient dégénérer. A tout moment, la sous-région peut s’embraser et vivre une grave période d’instabilité.
"Le Pays"
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