samedi 2 mai 2009

Pauvre uranium !


Alain Faujas-Le Monde-03-05-09
Pauvre uranium !
samedi 2 mai 2009


La relance du nucléaire, avec une quarantaine de réacteurs en projet dans le monde et l’obligation de moins émettre de gaz à effet de serre, aurait pu faire croire que le combustible qui hérisse le poil de tous les écolos de la planète vaudrait son pesant d’or sous l’effet de cette boulimie généralisée.

Pas du tout. Certes, le prix de la livre d’uranium était bien passé de 10 dollars en 2002 à 138 dollars en 2007, sous l’effet d’une spéculation effrénée. Mais depuis ce pic, la dégringolade est constante et l’on a atteint cette semaine un médiocre 44 dollars (33,2 euros) la livre sur le marché au comptant, dit "spot".

D’un côté, les fonds spéculatifs en déroute étaient contraints de trouver des liquidités en cédant les mises qu’ils avaient imprudemment placées sur l’uranium. De l’autre, la montée en puissance de l’énergie nucléaire aurait dû, au moins partiellement, compenser ce retrait.

C’était sans compter avec le fait que le marché de l’uranium n’est pas un vrai marché. Quelque 90 % des transactions demeurent confidentielles, car elles sont conclues entre les mineurs, comme le numéro un Cameco ou son dauphin Areva, et les grands électriciens. Et conclues à très long terme puisque EDF se couvre à dix ans, par exemple.

En fait, les électriciens ont proprement étranglé la spéculation. Ils ont d’abord arrêté leurs achats au moment du pic, puis constitué des stocks. "Nous sommes en situation d’observation", reconnaît euphémiquement Daniel Leroy, directeur du combustible nucléaire à la direction production ingénierie d’EDF.

La sérénité des électriciens s’explique aussi par leurs "réserves secondaires" de carburant. Car ils peuvent recycler plutonium et uranium insuffisamment brûlés, opérations qui nécessitent évidemment pas mal d’électricité, mais qui peuvent se révéler moins onéreuses que l’achat d’un minerai manipulé par les hedge funds. "Ces ressources secondaires représentent aujourd’hui 10 % de nos besoins, déclare M. Leroy. Leur proportion passera à 20 % à partir de 2010."

Oligopole et techniques nucléaires ont rendu le prix de l’uranium complètement flasque. Ce qui plaît bien à M. Leroy. "L’uranium à 44 dollars la livre permet de rémunérer convenablement les mineurs sans étrangler les électriciens", commente-t-il. Objectif à long terme ? "Une fourchette entre 30 et 55 dollars." MM. les spéculateurs, passez au large !

Alain Faujas

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