lundi 4 mai 2009

Rebellion touarègue au Niger : le triomphe de la realpolitik


Mahorou KANAZOE-04.05.2009


La politique est l’art du compromis. Alors qu’il y a encore quelques mois, le président nigérien tenait un discours guerrier contre les "bandits armés", il pourrait aujourd’hui s’asseoir à la même table que ces "bandits" devenus fréquentables. La stratégie d’approche du phénomène touareg a donc viré à 180 degrés. Beaucoup d’eau a en effet coulé sous les ponts. Face à l’impasse, le pouvoir nigérien a opéré progressivement un changement d’approche.

Depuis le forum pour la paix à la rencontre de Tripoli avec les mouvements rebelles, en passant par la visite de Moammar Kadafi à Niamey et le discours de la main tendue du Premier ministre, des signes d’une décrispation se faisaient sentir. La rencontre prévue à Agadez, entre le président Tandja et les groupes rebelles, si elle a lieu, est donc l’aboutissement d’un processus bien mûri. Le prétexte choisi pour organiser ces premiers contacts est d’ailleurs très symbolique.

Le président nigérien établit, peut-être involontairement, un lien entre la rébellion et les ressources minières. Car c’est en marge de l’inauguration d’une importante exploitation minière, que ce "dialogue direct" à la nigérienne est envisagé. Or l’une des principales revendications du mouvement touareg porte sur la juste répartition des revenus générés par l’exploitation des ressources minières. Il est indispensable donc qu’une aussi importante activité économique soit menée dans la quiétude, sans risque d’être perturbée par des rebelles en armes.

Tandja fait ainsi d’une pierre, deux coups, dans son expédition d’Agadez. Tout en ramenant la concorde avec la rébellion touarègue, il favorise le développement sécurisé de l’industrie minière. Mais il pourrait espérer d’autres fruits de sa nouvelle politique. Si les rebelles déposent les armes, ce sont autant de relais en moins pour l’intégrisme islamiste matérialisé par Al Qaïda au Maghreb islamique. Ce mouvement ne peut en effet évoluer dans ces vastes étendues désertiques et réussir ses opérations de prise d’otages sans des complicités internes.

Il fallait donc le couper de certains appuis possibles. Outre les enjeux sécuritaires et économiques, le retour de la paix dans le Nord Niger a des retombées politiques pour Tandja dont on connaît les velléités pour rester au pouvoir au-delà de son mandat légal.

Il ne peut cependant éviter de partager avec la Libye les gloires d’une éventuelle victoire de la paix sur la guerre. Quelque peu déçu dans le processus malien où l’Algérie lui a ravi la vedette, le guide libyen prend sa revanche au Niger où il a l’exclusivité de la médiation. En tant que parrain de la CENSAD, voisin du Niger et président en exercice de l’UA, une médiation réussie dans le dossier touareg nigérien ne pouvait mieux tomber pour Kadafi. Ces petits calculs sont inévitables en politique. Pourvu seulement qu’ils n’éclipsent pas l’essentiel, c’est-à-dire le retour à une paix cette fois définitive dans le Nord Niger.

Par Mahorou KANAZOE

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