samedi 8 octobre 2016

"Parler des « alliés touaregs » de la France ne me paraît pas adéquat. La France s’est simplement servi de certains Touaregs du MNLA et a profité de leur candeur politique pour faire revenir de Libye les Touaregs enrôlés dans l’armée de Kadhafi. Ces derniers représentaient en effet un obstacle militaire de taille par rapport au projet soutenu alors par Nicolas Sarkozy


Attaye Ag Mohamed
Hélène Claudot-Hawad, anthropologue et directrice de recherche au CNRS, est spécialiste du monde touareg répond à
Mondafrique.
Au Mali aujourd’hui, la France semble être pris en etau entre IBK qui se refuse à la négociation, et ses alliés touareg du nord. Comment analysez vous cette situation ?
"Parler des « alliés touaregs » de la France ne me paraît pas adéquat. La France s’est simplement servi de certains Touaregs du MNLA et a profité de leur candeur politique pour faire revenir de Libye les Touaregs enrôlés dans l’armée de Kadhafi. Ces derniers représentaient en effet un obstacle militaire de taille par rapport au projet soutenu alors par Nicolas Sarkozy, de renversement du régime libyen. La contrepartie aurait été la promesse française de ne pas s’opposer à l’autonomie de l’Azawad, comme le précise un ancien cadre du MNLA, Hama Ag Mahmoud dans un entretien récent (Courrier du Sahara, 7 Janvier 2014). Il avance pour sa part que l’objectif de la France était de déstabiliser le régime malien et son président Amadou Toumani Touré.
Quoi qu’il en soit, cet accord secret explique pourquoi les dirigeants du MNLA se sont isolés des autres Touaregs, ceux des régions voisines, et pourquoi leurs revendications ont toujours été soigneusement limitées à un espace infra-étatique, jamais assumé comme touareg. Or le monde touareg ne se réduit pas à une « ethnie » ou à une « race » comme le répètent les émules des théories raciologiques. Il correspond à une vaste structure fédérative, ouverte, agençant de multiples groupes d’origines diverses, transformés en parents liés par des relations de cousinage. Chacun joue un rôle particulier et évolutif dans ce large échiquier socio-économique, socio-culturel et politico-territorial.
Bref, dans les relations bridées que les responsables du MNLA ont entretenu avec les autres mouvances politiques touarègues, la griffe des services français a été rapidement évidente. Comme il fallait s’y attendre, une fois ses objectifs atteints, Paris a repris sa posture habituelle par rapport à la question touarègue, quelle que soit la couleur politique du gouvernement : les autorités ont évacué toute velléité de type indépendantiste ou autonomiste qui pourrait déboucher sur des revendications territoriales supranationales. L’objectif étant de ne remettre en cause, sous aucun prétexte, les Etats que la France a créés et le personnel politique qu’elle maîtrise, ni de porter atteinte aux intérêts économiques français (notamment miniers en pays touareg côté nigérien avec l’exploitation de l’uranium par Areva). Les diatribes anti-MNLA et anti-Touareg se sont alors déchaînées en priorité sur les ondes françaises avec la contribution de dits « experts » spécialement dédiés à cette besogne de propagande. A cette occasion, tout le bêtisier colonial a été réactivé pour faire croire à l’opinion publique que les revendications touarègues sont illégitimes, inventant même que les Touaregs ne formeraient qu’une minorité insignifiante sur leur propre territoire… Bref, la violence de cette disqualification, s’est déclenchée chaque fois que le MNLA avançait dans ses objectifs".

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