samedi 13 août 2011

Libye: jour de deuil à Benghazi, qui rend hommage à ses "martyrs"



BENGHAZI — Comme chaque vendredi, c'est une journée de pleurs et de prières. Benghazi la capitale rebelle rend hommage à ses morts, "martyrs" de la guerre en cours contre les forces du colonel Mouammar Kadhafi.
Ils sont cinq ce jour-là, tous des "chabab" (jeunes) tombés la veille sur le front de Brega (est) alors qu'ils participaient à la conquête d'un quartier est de cette cité pétrolière à 240 km au sud-ouest de Benghazi.
Leurs cercueils, une simple caisse de bois recouverte du drapeau rouge noir et vert de la "Libye libre", reposent à l'ombre d'une tente, devant des milliers de fidèles en prière rassemblés sur la Corniche.
Depuis le soulèvement du peuple de Benghazi contre le Guide libyen à la mi-février, cette banale promenade en bord de mer aux immeubles de style italien défraîchis est devenu un des haut-lieux de la "révolution", où chaque prière est l'occasion de harangues endiablées contre le "tyran".
Sous un soleil de plomb, jeunes, vieux, civils en armes et combattants en treillis se prosternent dans un alignement parfait, implorant la "miséricorde de Dieu tout puissant".
En bandoulière à l'épaule ou posée à même le sol à la tête du tapis de prière, les armes sont plus visibles qu'à l'accoutumée. Parmi les défunts, on pleure cette fois le commandant de la "Brigade des martyrs de Gorasha", l'une de ces unités de volontaires civils déployés sur le front.
Le bien-aimé Saleh Idriss, surnommé "el-Noss", ou "milieu de terrain", était un ex-joueur de football professionnel, bien connu à Benghazi et combattant de la première heure de la révolution.
Il a été tué d'une balle dans la tête par un sniper pendant qu'il supervisait la sécurisation d'un quartier de la zone résidentielle de Brega, explique l'un de ses frères, les yeux embués de larmes.
L'imam donne le signal de la fin de la prière. Aux cris d'"Allah akbar!" (Dieu est grand), la foule s'empare des cercueils, chacun veut toucher ou porter le coffre de bois, un signe de bénédiction dans la tradition musulmane.
Au recueillement succède la douleur. "Le sang des martyrs sera vengé!", crie un proche, le visage perlé de sueur. Un premier coup de feu éclate, les rafales se multiplient vers le ciel.
A l'entrée de l'enceinte de prière réservé aux femmes, une mère voilée de noir s'effondre en pleurs, tend une main implorante vers les cercueils.
A bout de bras, les corps sont portés en quelques instants vers des pick-up et une ambulance qui stationnent à proximité pour être emmenés jusqu'au cimetière, en périphérie ouest de la ville.
Agglutinés autour du carré des martyrs, des centaines d'hommes attendent là pour les funérailles. Kalachnikov à la main, visage buriné, ou le front enserré d'un keffieh, beaucoup sont des combattants de la "Brigade des martyrs de Gorasha", à peine revenus du front pour rendre un dernier hommage à leur chef.
Le convoi funéraire fait son entrée, suivi d'un 4X4 surmonté d'une mitrailleuse lourde de 20 mm, dont les servants endeuillés sont couverts de poussière. Dans un vacarme infernal, les rebelles vident leurs chargeurs. "Nos martyrs au paradis, vos morts en enfer!", hurle toute l'assistance.
La dépouille de Saleh el-Noss est portée jusqu'à un alignement de tombes ouvertes, une ligne de rectangles de briques aménagée dans la terre brune. Avec la chaleur, et malgré les parfums, l'odeur de la mort commence déjà à percer.
Les corps vêtus d'un linceul blanc sont déposés là, immédiatement ensevelis. "Aujourd'hui, c'est le deuil. Demain ce sera la vengeance", promet un lieutenant du chef de guerre, qui se prépare à repartir pour la ligne de front de Brega.

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