mardi 23 août 2011

Kadhafi : Le fou du désert


INTERVENTION MILITAIRE EN LIBYE

Publié le 23 août 2011 à 08h22


Fort de ses pétrodollars, Mouammar Kadhafi rêvait d’être le roi d’un monde arabe unifié ou, à défaut, celui des Etats-Unis d’Afrique. Son règne fut violent et chaotique.
Mouammar Kadhafi, trois ans après son arrivée au pouvoir
Mouammar Kadhafi, trois ans après son arrivée au pouvoir SIPA
C’est le 1er septembre 1969 que le capitaine Kadhafi, âgé de 27 ans à peine, accède au pouvoir. A la tête d’un groupe composé d’autres jeunes officiers, il profite d’un voyage à l’étranger du roi Idriss 1er pour le renverser, en douceur.
Un an plus tard, Septembre noir : le roi Hussein de Jordanie est accusé du massacre de plusieurs milliers de Palestiniens. Une réunion de crise, à laquelle participent la plupart des leaders arabes de l’époque, est organisée à la hâte, au Caire, par le président Nasser. Le souverain jordanien, qui doit s’expliquer devant eux, se fait attendre. Soudain, un homme se lève, brandissant un revolver à la main : « Je vais abattre ce chien d’Hussein dès qu’il franchira le pas de cette porte ! », assure-t-il. C’est le nouveau chef d’Etat libyen, le (désormais) colonel Kadhafi. Nasser se lève et quitte la pièce en lâchant : « Kadhafi est un fou ».
Quatrième et dernier enfant d’une famille de Bédouins de la tribu des Kadhafa, Mouammar Kadhafi est né le 19 juin 1942, sous une tente dressée dans le désert, près de la ville de Syrte. Renvoyé de son lycée à l’âge de 19 ans – où il s’illustre déjà par son activisme politique –, il entre à l’Académie militaire, seul tremplin social pour un jeune Libyen déshérité.
Mouammar Kadhafi en 1982 Crédit : Sippa

"Le Livre vert", la naissance du Guide

Mégalomane, fantasque, charmeur et provocateur, le nouvel homme fort libyen veut s’imposer comme un prophète arabe. Suivant les pas de Mao Tsé-toung et de son « Petit Livre rouge », il publie en 1973 sa bible politique : « Le Livre vert ». Le colonel y présente une « troisième théorie universelle », censée dépasser le capitalisme et le communisme. La représentation parlementaire, explique Kadhafi, est une imposture. Pas de Parlement, donc, ni de gouvernement, ni de parti en Libye. Le pouvoir, selon lui, doit s’exprimer au travers de « Congrès populaires », des assemblées locales où tout le monde peut se présenter et s’exprimer. C’est la « Jamahiriya arabe libyenne », qui signifie « l’Etat des masses », système politique mis en place en 1977. Le colonel s’invite parfois dans ces assemblées de base, en tant que simple citoyen, histoire de montrer qu’il n’occupe aucune fonction officielle. « Je ne suis pas président, je ne suis pas chef d’Etat, je ne reçois pas les ambassadeurs, je ne signe pas les lois et les décrets », se plaît-il à expliquer à ses visiteurs étrangers.
Les diplomates en poste à Tripoli ont bien du mal à comprendre comment fonctionne réellement le régime libyen. D’après la Constitution, Kadhafi n’a pas de pouvoir. Mais, dans les faits, il dirige tout. En matière sociale, la Jamahiriya propose cependant ce qui se fait de plus moderne dans le monde musulman. Ainsi, Kadhafi établit une égalité absolue entre les femmes et les hommes. Bien que musulman rigoriste (il ne boit pas d’alcool et ne fume pas), il appelle les Libyennes à « ne pas rester voilées à la maison devant leur poste de télé ». Les islamistes s’étranglent. Pour eux, Kadhafi est un hérétique…
On a tendance à l’oublier, mais c’est à l’instigation de la Libye que fut lancé par Interpol, en 1998, le premier mandat d’arrêt international contre Oussama Ben Laden.
Mouammar Kadhafi à la célébration du 18e anniversaire de la Révolution en Libye, 1987 Crédit : Sippa

Ne jamais dormir deux nuits de suite au même endroit

« Mon peuple mourra pour me protéger », assurait le Guide de la révolution, au mois de mars, à des visiteurs étrangers stupéfaits. Au même moment, à Benghazi, Ajdabiya ou Tobrouk, villes tenues par les insurgés, la foule piétinait son portrait… Inconscience, folie, provocation ? Dans une Libye où le système clanique demeure puissant et où des régions, comme la Cyrénaïque, ont toujours montré de fortes velléités séparatistes, l’homme, quatre décennies durant, est toujours resté sur ses gardes. Par peur d’un attentat, il apparaît rarement en public. Parmi les six millions de Libyens, rares sont ceux qui peuvent prétendre l’avoir approché. Conseillé, à la fin des années 1970, par des agents communistes venus de République démocratique allemande (RDA), il dort rarement deux nuits d’affilée au même endroit, modifiant sans cesse et au dernier moment ses itinéraires, utilisant durant ses voyages une voiture ou un avion « appât », servant de leurre pour les roquettes et les tirs qui lui sont destinés… Des conseils qui se sont révélés utiles, à l’heure où Rafale et F16 de la coalition internationale commençaient à bombarder la caserne de Bab al-Azizia, sa résidence officielle.

Soutien au terrorisme et opposants liquidés

La vie du dictateur n’aura rien eu d’un fleuve tranquille. Outre son soutien à différents groupes armés et l’implication de son régime dans plusieurs attentats terroristes, il fera emprisonner ou tout simplement liquider de nombreux « ennemis du peuple », réels ou inventés. Le début des années 1980 voit ainsi une dizaine d’opposants assassinés à Londres, Rome, Athènes et Bonn (capitales où ils vivaient en exil) par des commandos issus de ses services secrets. Des services qui disposent aussi, à l’intérieur du pays, d’un important réseau d’agents et d’informateurs, chargés de mener la chasse aux « forces réactionnaires ». A savoir : les fondamentalistes musulmans, les officiers supérieurs trop ambitieux ainsi que les hommes d’affaires voyageant fréquemment dans les pays de l’Ouest. Difficile de dire combien de coups d’Etat et de tentatives d’assassinat ont été déjoués par la police du Guide. En mars 1978, une roquette pulvérisa, au-dessus de Tripoli, un hélicoptère militaire où il était censé avoir pris place. En 1980, l’avion qui devait le ramener de Moscou est abattu à l’atterrissage. Encore une fois, il ne s’y trouve pas. En 1986, il échappe de justesse au bombardement de son palais par des avions américains. Raid ordonné par Ronald Reagan, en représailles à un attentat commis à Berlin dans une discothèque fréquentée par les GI. Enfin, en 1996, des opposants islamistes, proches d’al-Qaida, mitraillent sa voiture alors qu’il se rend en Egypte (il est blessé au coude et trois de ses gardes du corps sont tués). L’attentat est alors revendiqué par le Mouvement islamique des martyrs, un groupe composé de plusieurs centaines de Libyens « afghans », qui opèrent dans la région de Benghazi…
Le 22 août 2001, c'est la chute du régime de Kadhafi Crédit : Sippa
Les dates du règne de Kadhafi
1942 : Naissance à Syrte.
1961 : Entrée à l’Académie militaire.
1969 : Prise du pouvoir après un coup d’Etat militaire.
1973 : Publication du « Livre vert ».
1984 : Lancement de la Grande Rivière, projet pharaonique destiné à acheminer l’eau douce du désert libyen vers les grandes villes du pays.
1986 : Attentat contre des soldats américains dans une discothèque de Berlin (deux morts). En représailles, le président américain Ronald Reagan fait bombarder Tripoli et la résidence du Guide (40 morts, dont la fille adoptive de Kadhafi).
21 décembre 1981 : Attentat de Lockerbie, village écossais sur lequel s’écrase un Boeing 747 de la Pan Am (270 morts).
10 septembre 1989 : Attentat contre le DC10 d’UTA au-dessus du désert du Niger (170 morts).
1992 : L’ONU place la Libye sous un embargo aérien total et gèle ses avoirs financiers à l’étranger.
1999 : Kadhafi accepte de livrer les deux auteurs présumés de l’attentat de Lockerbie. L’embargo aérien est levé.
1999 : Début de l’affaire des cinq infirmières bulgares accusées par Tripoli d’avoir contaminé des enfants libyens avec le virus du sida.
2003 : La libye annonce qu’elle renonce à tout programme d’armes de destruction massive.
24 juillet 2007 : Libération des infirmières bulgares.
8 décembre 2007 : Visite officielle du colonel Kadhafi à Paris, qui installe sa tente dans le parc de l’hôtel Marigny.
Février 2011 : Début de l’insurrection à Benghazi.
19 mars 2011 : Premières frappes françaises contre les troupes loyales à Kadhafi.
16 mai 2001 : Mandat d’arrêt contre Kadhafi pour crimes contre l’humanité.
22 août 2001 : Chute du régime
C'est sur France Soir ! 

Aucun commentaire: