dimanche 28 août 2011

L’Algérie résiste au changement


Le pays est en proie à une recrudescence d’actes terroristes. Vendredi 26 août, un double attentat-suicide contre l’académie militaire de Cherchell, revendiqué dimanche 28 août par Aqmi, a fait 18 morts.
L’absence de soutien aux rebelles libyens atteste de la volonté du gouvernement de ne pas réformer le pays.
Les Algériens se préparent à de nouvelles manifestations.
Avec cet article
Depuis le début du printemps arabe, le gouvernement algérien promet des réformes. Des consultations politiques menées en juin ont, de fait, débouché ces jours-ci sur une série de projets déjà très controversés sur le fonctionnement des partis politiques, des associations et de la presse. 
Les principaux partis d’opposition avaient boycotté ces consultations qualifiées de « monologue contre le changement » par le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD). Abdelhamid Mehri, l’ancien secrétaire général du FLN qui fait figure de sage, leur donne raison. « Je ne perçois aucune volonté de changement de la part du régime », déclarait-il le 20 août à El Watan, le quotidien qui s’autorise de plus en plus ouvertement à critiquer le pouvoir en place.

DES PROMESSES POUR APAISER LES RÉVOLTES

« Qu’importent les textes, ils ne sont de toute façon pas appliqués en Algérie », soupire Nacer Djabi, sociologue à l’université Bouzareah d’Alger qui lui non plus ne perçoit « aucun indice annonciateur de changement ». 
Le « système », comme il est convenu d’appeler le régime algérien englobant le gouvernement, le puissant département du renseignement et de la sécurité, l’armée, le parti-État, ne peut pas s’autoréformer. « Il faudrait alors que les responsables s’envoient en prison », estime Lahouari Addi, politologue de l’université de Lyon 2.
Les promesses de réforme ont depuis le début été perçues de toutes parts comme une manière pour Alger de faire le dos rond dans l’espoir que le vent de liberté qui souffle sur le monde arabe retombe. Plus le temps passe, plus le régime algérien montre qu’il a choisi le camp de l’immobilisme, comme en atteste son mutisme assourdissant face aux bouleversements en Libye, voire son soutien aux forces loyalistes libyennes. 
C’est en tout cas le point de vue des insurgés libyens qui accusent Alger d’avoir soutenu en hommes et en armes le régime de Kadhafi, alors que l’Algérie n’entretenait pas de bonnes relations avec son encombrant voisin.

POSITION AMBIGUË ENVERS LA LIBYE

Plusieurs centaines de mercenaires sahraouis du Polisario (qui militent depuis l’Algérie pour l’indépendance du Sahara occidental) seraient prisonniers des insurgés libyens, selon une source du Conseil national de transition (CNT). Les rebelles, dès leur entrée dans Tripoli il y a huit jours, se sont rués à l’ambassade d’Algérie en quête de documents compromettants. Le ministre algérien des affaires étrangères s’est alors ému auprès de l’ONU des « violations de l’enceinte diplomatique algérienne ».
L’Algérie a certes opposé des démentis aux accusations proférées par les représentants du nouveau régime libyen, mais s’est bien gardée de réclamer le départ du colonel Kadhafi, de reconnaître le CNT ou même de nouer avec lui des liens informels, alors même que les diplomates libyens ont hissé le drapeau du CNT sur leur ambassade à Alger.
« L’Algérie est dirigée dans un esprit de mafia, il est très plausible qu’un des clans au pouvoir, désireux d’en finir avec l’épineuse question du Sahara occidental, ait soutenu l’envoi de membres du Polisario en Libye pour discréditer ce dernier. Il est sûr en tout cas que, si cela est avéré, des Sahraouis n’ont pas pu se rendre en Libye sans l’aide des autorités », explique Lahouari Addi.

CONTESTATION SOCIALE ENDÉMIQUE

La recrudescence d’attentats terroristes témoignerait aussi de déchirements au sein du régime. Vendredi 26 août, 18 personnes ont trouvé la mort, parmi lesquelles deux officiers syriens, dans le double attentat-suicide le plus meurtrier de ces derniers mois perpétré contre l’académie militaire de Cherchell, à une centaine de kilomètres à l’ouest d’Alger. Il a été revendiqué dimanche 28 août par Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi).
La question libyenne a ainsi été instrumentalisée à des fins de politique intérieure. « L’Algérie ne peut pas soutenir le changement à l’extérieur alors qu’elle le refuse sur la scène intérieure. Elle voit de plus d’un très mauvais œil l’arrivée de l’Otan et de l’armée française à ses frontières et finit par être bien seule », analyse Nacer Djabi.
 « On se dirige, pour les mois ou les années à venir, vers des troubles graves car le bilan est catastrophique, le régime résiste encore, mais il finira par s’effondrer », pronostique, de son côté, Lahouari Addi. Cela prendra du temps car « la société algérienne est épuisée ». 
Cela n’empêchera pas la rentrée d’être « chaude », prévoit Nacer Djabi. Les Algériens se préparent à nouveau à grossir les cortèges de manifestants après la trêve du Ramadan : la contestation sociale est devenue endémique dans le pays, et le pouvoir y répond en distribuant sans compter l’argent de la manne pétrolière.
MARIE VERDIER
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28/8/11 - 17 H 28 MIS À JOUR LE 28/8/11 - 17 H 28

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