mercredi 2 décembre 2009

Quand les terroristes se trompent de cible

"Le Pays"-Ouagadougou-01-12-09
mercredi 2 décembre 2009

On ne parle plus que de kidnappings, de rapts et de prises d’otages dans la bande sahélo-saharienne, depuis un certain temps déjà, à tel point que le phénomène est en passe d’être l’effet de mode du moment : Mali, Niger, Tchad, Soudan, Centrafrique et tout dernièrement, la Mauritanie. Les otages enlevés ont tous une caractéristique commune : Français, Espagnols, Britanniques, ils sont tous Européens.

Le modus operandi des kidnappeurs, demeure sensiblement le même, mais les revendications varient. Preuve que les auteurs de ces rapts ne sont pas d’une même obédience et que forcément ce qu’ils revendiquent n’est pas le même dans tous les cas.

Le cas de l’enlèvement des humanitaires espagnols en Mauritanie par exemple, tranche, par sa singularité : 3 personnes enlevées, alors que l’argent ainsi que les effets personnels qu’ils avaient par devers eux, sont restés intacts. Qui plus est, jusqu’à présent, on n’enregistre aucune revendication, même s’il s’en trouve des voix pour attribuer la paternité d’un tel acte crapuleux à l’aile dure d’Al Qaïda au Maghreb islamique. C’est cette même organisation qui retiendrait le français enlevé tout dernièrement, dans le Nord Mali.

Toujours dans la même zone et pas vraiment loin de là, un autre groupe, les « Aigles de la libération de l’Afrique » revendique, il y a quelques jours, l’enlèvement de trois humanitaires au Tchad et en Centrafrique, et menace à présent de les tuer si la France refuse des négociations directes avec lui. Les « Aigles », eux, préfèrent ennoblir leur cause et justifient leur acte par le reproche qu’ils font à la France à propos de sa « politique dans la région ». On pourrait spéculer à l’infini sur l’identité, l’origine ainsi que la validité des revendications que les instigateurs de pareils actes crapuleux et criminels posent de plus en plus fréquemment et de plus en plus librement, sans doute avec l’aide que leur offre l’inexistence d’une politique appropriée de sécurisation des Etats dans cette partie de l’Afrique. On pourrait même tenter une approche de compréhension de certains des idéaux qu’ils portent, encore faut-il qu’ils soient en mesure de les présenter de manière appropriée. Mais l’argument de la mauvaise politique française en Afrique est décidément obsolète, éculé et manque, pour tout dire, de fondement sérieux et rationnel. Car, après tout, la politique française en Afrique ne peut se faire sans l’aval des chefs d’Etats africains. Pour se mettre en pratique, l’idéologie ainsi que la philosophie politique de l’ancienne métropole ont besoin de l’onction des dirigeants des pays du continent noir. Il peut se trouver des gens qui, pour une raison ou une autre, désapprouvent le comportement de la France en Afrique. Et ils sont sans doute nombreux. Mais de là, à s’attaquer à ce pays en passant par le truchement de ses humanitaires qui n’ont commis que le tort de donner de leur vie pour venir en aide à des personnes nécessiteuses, cela va à l’encontre de la raison et dépasse l’entendement. Car, enfin, on peut se demander à quoi riment ces tortures physiques et psychologiques allant même jusqu’à des menaces de mort qui pèsent sur d’innocentes victimes dont la seule faute, après tout, aura été d’avoir trouvé sur leur chemin des individus dont la morale personnelle permet et justifie toutes formes d’injustices et d’abus. Et lorsqu’on se rappelle que des otages ont même perdu la vie au cours de leur triste aventure, on se rend compte à quel point les tenants de ces idéaux professent tout mais ignorent la plus simple humanité. La cause la plus noble, si elle passe par la destruction d’une vie, perd aussitôt toute valeur.

A supposer que la cause de ces « combattants » soit vraiment l’affranchissement du continent africain des serres de quelque puissance « néo-coloniale », la sagesse commanderait qu’ils s’en prennent d’abord aux dirigeants de leurs pays, qu’ils leur réclament bonne gouvernance et saine démocratie pour leurs peuples. Il s’est trouvé en Afrique, des chefs d’Etats qui ont eu le « culot » de dire un niet cinglant à l’ancienne métropole et ont refusé qu’elle se comporte chez eux comme en territoire conquis. Le rwandais Paul Kagamé ainsi que l’ivoirien Laurent Gbagbo ont eu la prouesse d’afficher leurs divergences d’avec la France et, de toute évidence, ne s’en portent pas plus mal. Que leurs pairs africains n’arrivent-ils pas à faire pareil, demeure une équation aux multiples inconnues, mais dont la résolution commande de pénétrer le sacro-saint sanctuaire de la politique et de la diplomatie. De plus, les preneurs d’otages savent bien comment il serait difficile d’obtenir quoi que ce soit d’un Déby ou d’un El Béchir. Prudence ou sagesse oblige. Réalisme aussi. Mais on y décèle aussi quelques bribes de lâcheté. Et il n’en demeure pas moins que s’en prendre à la vie de ces humanitaires européens qui viennent soulager la misère des nécessiteux dans les villes et villages africains est tout simplement odieux, intolérable et inhumain.

Sans compter tout le mal que ces rapts crapuleux infligent à l’ensemble des pays se trouvant dans cette zone africaine désormais infestée de preneurs d’otages irréfléchis et imprévisibles. Qu’ils le veuillent ou pas, ces pays sont désormais classés à « hauts risques », le natif n’y voyagera pas, le touriste ne s’y aventurera pas. Sans oublier toutes les conséquences négatives qui en découlent, en termes de retombées financières et d’investissements. Malheureusement, rien ne semble indiquer que les dirigeants africains s’apprêtent à changer de mentalité. Et on ne voit pas davantage ce qui permet de dire que les preneurs d’otages renonceront bientôt à leurs credo. Autant dire que le fléau a de beaux jours devant lui. Très triste et bien dommage.

"Le Pays"

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