mercredi 9 décembre 2009

Lettre de la CERDN à la Commission européenne


[Contribution] Écrit par Coordination Europe pour La Restauration De la Démocratie Au Niger (CERDN)
Mercredi, 09 Décembre 2009 12:24
Objet : Situation politique au Niger
Nos réf. : CERDN/2009/12/002

Monsieur le Président de la Commission Européenne


La Coordination Europe pour la Restauration de la Démocratie au Niger (CERDN) est une organisation née de la volonté des ressortissants nigériens résidant en Europe, à l’issue d’une Assemblée Générale Constitutive tenue à Bruxelles le 22 août 2009.Les objectifs assignés à ce collectif qui regroupe dix structures à l’échelle européenne s’inscrivent dans le cadre de la lutte historique engagée par les forces démocratiques tant au plan national qu’à l’extérieur pour la défense et la restauration des libertés démocratiques et de la légalité constitutionnelle, mises à rude épreuve par un régime autocratique fondé sur le népotisme et l’esprit de clan
La Coordination regroupe tous les nigériens vivant en Europe, attachés aux idéaux de la démocratie, de l'Etat de droit et de la bonne gouvernance, valeurs fondatrices de la 5è République et qui conditionnent pour une large part le développement économique et social du Niger dans ce monde globalisé

Excellence, Monsieur le Président
C’est avec tout le respect dû à votre rang que les membres de la CERDN ont souhaité vous faire part de leur vive préoccupation quant à l’évolution de la situation politique et institutionnelle qui prévaut dans notre pays
Il vous souviendra Monsieur le Président que le chef de l’état Tanja Mamadou a procédé à la liquidation de toutes les institutions de la République afin d’assoir un référendum scélérat et illégal (arrêt de la cour constitutionnelle du 12 juin 2009) dont le seul but est de lui octroyer 3 années de mandat supplémentaire hors élection, processus inédit dans l’histoire

Il apparait clairement que si le régime de dictature est historiquement décrit comme une prise de pouvoir anti démocratique et sa matérialisation par le règne d’un pouvoir sans partage avec pour corollaire le non respect des libertés fondamentales, un régime dictatorial est désormais instauré au Niger au regard des actes anticonstitutionnels posés par le Président censé être pourtant le garant de la constitution. Ces actes illégaux sont l’illustration parfaite de la perversion démocratique que vit notre pays :

- la dissolution de l’Assemblée Nationale ;
- la dissolution de la Cour constitutionnelle
- Le non respect de l’arrêt de la cour constitutionnelle qui s’impose à tous les pouvoirs civils et militaires
- l’attribution de pouvoirs exceptionnels en violation des dispositions de la constitution du 09 aout 1999
- l’exercice du pouvoir et la prise de décisions engageant l’Etat du Niger par ordonnances, sans contrôle parlementaire
- la mise sous tutelle des médias privés ;
- l’interdiction d’accès aux médias publics à l’opposition et à la société civile
- le harcèlement quotidien et les arrestations arbitraires des leaders et militants des partis politiques de l’opposition, des acteurs de la société civile et des syndicats opposés à l’avènement de la 6è République
- Le sacre de l’impunité et de la mal gouvernance avec la poursuite de l’enrichissement illicite des proches du pouvoir et la prise en otage de l’appareil d’Etat par des réseaux clientélistes et informels

L’approbation des résultats issus de référendum anti constitutionnel du 04 août 2009, malgré le boycott massif de ce scrutin par les populations (95 % d’abstention) en est si besoin une preuve supplémentaire de cette dérive autocratique

L’obstination du Président Tandja Mamadou à organiser unilatéralement les élections législatives du 20 octobre 2009 sans la participation de l’opposition, malgré les injonctions et les demandes insistantes de la CEDEAO et de l’Union Européenne d’y surseoir a malheureusement accéléré l’isolement diplomatique de notre pays
Il a également méprisé les missions de bons offices dépêchées par les grandes démocraties de ce monde, les organisations sous-régionales et les institutions internationales, préférant continuer son bras d’honneur à travers des campagnes de dénigrement savamment orchestrées par des organisations fantoches sponsorisées à grands frais prenant régulièrement à partie ces honorables institutions accusées semble t-il d’avoir commis le péché de rappeler au Président Tandja son obligation de respecter la légalité constitutionnelle
La CERDN considère que la suspension du Niger des instances de la CEDEAO est l’aboutissement logique du refus obstiné du chef de l’Etat à respecter les accords et traités régionaux et internationaux auxquels notre pays a souscrits et à s’engager dans une perspective de dialogue sincère et ouvert avec l’opposition pour la résorption de cette crise

Monsieur le Président,

Au regard ce qui précède, l'aventure politique du Président Tandja Mamadou n'a d'autre objectif que de sonner l’ode funèbre de dix ans de stabilité politique qui ont scellé le pacte de consolidation de la démocratie et de l’état de droit grâce à l'engagement de toutes les forces vives de la nation et des institutions africaines et internationales dont la vôtre dans leur volonté affirmée de traduire dans la réalité la légitime aspiration du peuple nigérien à la liberté, à la démocratie et au progrès.

IL est utile de rappeler que le Niger est l’un des pays les plus pauvres de la planète (182ème sur 182 pays classés, IDH PNUD septembre 2009) ; 85% de la population vit sous le seuil de la pauvreté avec moins d’1€ par jour, avec un taux d’analphabétisme de l’ordre de 70%, 3 enfants sur 5 meurent avant l’âge de 5 ans ; l’espérance de vie à la naissance du nigérien est 47 ans, soit 15 de moins que la moyenne mondiale.

Face à des statistiques aussi déconcertantes, le sens de l’état commande le respect des normes démocratiques de gouvernance et la recherche de la stabilité politique et institutionnelle nécessaires à la poursuite des politiques de développement.
Or les agissements du régime Tandja sont de nature à compromettre durablement les efforts des partenaires au développement au rang desquels l’Union Européenne. Il est aussi évident que les actes antidémocratiques posés depuis huit mois visent à mettre en péril l’unité nationale et la cohésion sociale, sans lesquelles aucune œuvre de construction nationale n’est possible
L’argumentaire de la délégation gouvernementale nigérienne que vous avez l’honneur de recevoir au titre des consultations prévues par l’article 96 de l’accord de Cotonou repose on le sait sur la problématique d’un déficit de communication qui parait –il n’a pas permis une compréhension claire de la situation politique et institutionnelle du Niger
Il ne vous a pas échappé Monsieur le Président que l’avènement de la 6è république est de par ses différentes péripéties l’aboutissement dramatique d’un processus inconstitutionnel et illégal du début à la fin. Ce constat, est corroboré outre mesure par la non reconnaissance des institutions qui en résultent par l’ensemble de la communauté africaine et internationale .

Au demeurant, le prétendu “appel du peuple“ pour poser les fonds baptismaux d’une soi disant refondation de la République relève tout simplement d’une imposture morale et politique car comment expliquer que celui-ci renierait sine die les valeurs cardinales de liberté, de démocratie et de justice auxquelles il est profondément attachées ?
Du reste, de quelle légitimité un chef d’état peut-il se targuer pour présider davantage aux destinées d’un pays lorsqu’il détient le triste record d’avoir hissé trois (3) fois son pays au dernier rang du classement du PNUD en IDH, notamment dans le dernier rapport de 2009 ?

La CERDN réaffirme son attachement aux institutions de la 5è la République et salue par ailleurs les efforts de la CEDEAO, de l’Union africaine, de l’Union Européenne, de l’OIF, des partenaires et pays amis notamment les USA, le Canada pour leur précieuse contribution dans la recherche d’une dynamique de sortie de crise au nom de l’intérêt supérieur du Niger .C'est dans ce sens que la Coordination sollicite, avec beaucoup d'espoir, votre concours, tant sur le plan politique que diplomatique
Consciente de la gravité de la dérive autoritaire du régime actuel et de ses conséquences incommensurables et convaincue de la justesse de sa lutte pour la défense de la démocratie et de la de la légalité constitutionnelle, la CERDN vous demande d’examiner sans complaisance les implications et conséquences de cette crise politique et institutionnelle sur l’avenir démocratique du Niger et des autres pays de la sous-région en usant de tous les moyens en votre possession pour éviter ce revirement dramatique pour le peuple nigérien déjà meurtri par la pauvreté et des sécheresses répétées.
Nous vous serons gré de toutes les mesures que vous serez amenés à prendre pour faire prévaloir le seul idéal qui vaille, celui de la démocratie pluraliste, de la garantie de l’état de droit et des libertés fondamentales

Par la Présente et dans l’espoir que vous allez nous lire, nous vous prions de croire, Monsieur le Président, en l’assurance de notre très haute considération.

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