vendredi 4 décembre 2009

Insécurité dans la bande sahélo-saharienne : Quand Paris viole le principe de la liberté de circulation


BrunoSejebdji-L’Indépendant
04/12/2009
Les indépendantistes corses avaient fait planer, pendant longtemps, une insécurité grandissante à Ajaccio, Bastia et dans les contrées environnantes. Cela n’avait poussé aucun Etat dans le monde à décourager le voyage de ses ressortissants vers la France. La mafia sicilienne et son cortège d’assassinats n’ont pu dissuader les touristes du monde entier de visiter les belles plages italiennes. Pour une cigale qui chante aujourd’hui dans Menaka (Mali) ou Tahoua (Niger), Paris s’empresse d’ameuter… l’Europe à s’abstenir de venir dans le Sahel

Le fait est que le gouvernement français n’a jamais apporté son concours pour mobiliser les énergies et les ressources, de par le monde, afin d’appuyer l’initiative du président Amadou Toumani Touré en vue de trouver une solution durable à la question sécuritaire dans la bande sahelo-saharienne. Premier partenaire stratégique du Mali, l’Etat français semble s’accommoder d’un certain laxisme par rapport à l’insécurité dans le Nord-Sahel. Et, puisque la nature a horreur du vide, la Libye du frère Guide Mouammar Khadafi, l’Algérie du président Abdel Aziz Bouteflika ont fini par s’attribuer les premiers rôles dans les efforts de pacification de ces zones plus ou moins prédisposées à un certain nombre d’irrédentismes. Tant au Mali, au Niger, au Tchad qu’ailleurs. Ces efforts de pacification avaient plus que jamais besoin d’être soutenus ; ce ne fut pas le cas.

Au Mali, c’est le moment que certains groupuscules de bandits choisissent pour poser des actes de fragilisation du processus de développement des régions nord. C’est ainsi qu’un ressortissant français, Pierre Camatte, a été récemment enlevé à Menaka, dans la région de Gao. Des efforts sont actuellement en cours pour le retrouver et le libérer des mains de ses ravisseurs. Cela n’a pas empêché les autorités françaises de lancer une campagne médiatique visant à déconseiller tout voyage vers le Sahel aux ressortissants français. "Le Ministère des Affaires Etrangères et Européennes rappelle que le Sahel dans son ensemble est une zone dangereuse et recommande fortement aux Français résidents ou de passage de respecter les consignes de prudence et de vigilance qui leur sont données, notamment à travers le site " Conseils aux voyageurs " du Ministère ". Ce sont là les termes du fameux avertissement que le président Sarkozy et ses amis donnent à la France " black blanc beurre " ! La France des Alou Diarra, Lassana Diarra, Aly Sissoko, etc, pour ne parler que des Bleus, doit arrêter de venir vers le bercail ! Seulement, François Fillon, Eric Besson et leurs amis oublient qu’en tympanisant par ces communiqués, ils enfreignent les principes sacro- saints de la liberté de circulation des personnes et des biens sur toute l’étendue de la planète. La France, mère-patrie des droits de l’homme et des libertés fondamentales, peut alors se permettre de tuer les efforts de développement du tourisme dans nos pays. Ce qui a mis le ministre N’Diaye Bah de l’Artisanat et du Tourisme dans tous ses états, cette semaine.

Paris a-t-il de si tôt oublié la crise sécuritaire qui l’avait secoué en Corse ? Les vendettas sanglantes avec leurs nombreuses victimes et les assassinats crapuleux à Bastia et dans les environs d’Ajaccio dans les années 2000-2001 avaient-ils émoussé les ardeurs des touristes allemands et belges dans cette zone ? Quel Etat avait en ce moment publié des communiqués déclarant la zone " dangereuse " ? Aucun.

Les derniers enlèvements d’expatriés, tant au Mali qu’en Mauritanie, ont ébranlé et meurtri les autorités en général. Les députés et conseillers nationaux en étaient récemment très émus. Ainsi, appelaient-ils à redoubler de vigilance pour retrouver et punir les coupables. Par contre, le dernier message de l’État français appelant au repli sur Bamako de ses ressortissants résidents ou de passage au Mali, inquiète particulièrement nos élus municipaux, notamment les conseillers nationaux et plus d’un Malien en général.

Cet appel risque de compromettre en partie les rapports de coopération et de collaboration avec des collectivités sœurs jumelles tant françaises qu’européennes, a relevé le mardi dernier, le président du Haut Conseil des Collectivités Territoriales, Oumarou Ag Mohamed Ibrahim Haïdara.

Les collectivités maliennes en général et celles du nord en particulier, déplorent, a-t-il assuré, toute action de violence et ne pensent pas que la situation sécuritaire actuelle au Nord-Mali, soit en proportion avec les mesures exceptionnelles préconisées par les autorités françaises. Les ressortissants de nos pays ont souvent été victimes de cette insécurité résiduelle condamnée par nos peuples et nos gouvernements à travers des actes toujours empreints de sagesse et de pondération, a rappelé le président du Haut conseil des collectivités territoriales.

En définitive, on ne peut prêcher que la pondération pour que Paris ne torpille les efforts de développement de nos pays sous prétexte de vouloir protéger ses ressortissants. Des ressortissants à propos desquels le Gouvernement français ne montre aucune gêne à ordonner le rapatriement alors que leur terre d’accueil est en train de brûler.

Bruno D SEGEBDJI

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