mercredi 29 juillet 2009

Les Touaregs : Seigneurs du désert ou boucs émissaires ?


Les Touaregs : Seigneurs du désert ou boucs émissaires ?
28/07/2009 - 21H34


Les récents affrontements entre les Forces Armées Maliennes et les terroristes de l’Aqmi dans le Sahara, a démontré que ce phénomène de terrorisme dans le Nord Mali est à prendre au sérieux, d’autant plus que cette fois-ci l’Aqmi promet la guerre ouverte aux militaires Maliens.
De tout cela, il faut en tirer des leçons.
Dans un premier temps, l’armée malienne est face à un ennemi « imprévu », déterminé, et à la hauteur de sa cruauté, car l’Aqmi utilise les mêmes méthodes que les armées Nigériennes et Maliennes utilisent contre les civils Touaregs : assassinats, exécutions sommaires…
Quand il s’agit de traquer et tuer des civils Touaregs ou Maures (Arabes), l’armée Malienne sait s’y prendre, mais quand il s’agit de poursuivre et combattre un ennemi pour la sécurité du Pays, ils manquent d’inspiration.
Nul ne peut accepter le massacre perpétré par l’Aqmi dans les rangs de l’armée Malienne, mais il faut savoir qu’en ce monde, il y a et il y aura toujours une Justice. A force de tuer des innocents nomades, on retrouve sur son chemin une organisation qui a fait du crime sa vocation, et qui peut rivaliser (avec les armées du Niger et du Mali) en terme d’atrocités.
Ce qui nous inquiète c’est que depuis la signature des accords d’Alger, rien n’a été fait pour rendre la Paix effective, viable et définitive au Mali ; et aujourd’hui on voit un regain d’intérêt pour les Touaregs, afin de les utiliser pour combattre le terrorisme.
La sécurisation et la gestion des nord Niger et Mali a toujours été le souhait de la communauté Touarègue, dans le respect de la loi Républicaine, mais cela n’est pas le souhait de Bamako ou Niamey. Pour exemple, je prendrais le cas du Niger où sur une dizaine de gouverneurs de régions, aucun Touareg ne figure, il en est de même des Directeurs de grandes sociétés nationales (Cominak, Somaïr, Sonichar, Sonidep, Nigelec, Sonitel…), du commandement militaire !
C’est là, le point de départ des inégalités sociales, et le principal alibi des rébellions à répétition.
Les différentes rebellions sont des piqures de rappel, afin que les régimes successifs se souviennent de la Question Touarègue dans les différents Pays, de l’Injustice qui dure depuis les indépendances, et de réduire l’écart entre le nord et le sud du Pays.
Les Touaregs, sont un instrument de propagande folklorique, ou cette-fois-ci, de combat contre le fléau terroriste, dont les états semblent redouter l’impact sur leurs armées.
Bahanga, qu’on caricature à tout vent comme « l’ennemi public numéro 1 », n’a-t-il pas démontré qu’il était soucieux de l’intégrité territoriale Malienne, en donnant une véritable leçon à l’Aqmi en 2006 ? Et pourtant, le fait qu’il soit Touareg, et militant de l’autodétermination, lui a attiré toutes les foudres des opinions de la capitale Mandingue.
Il y va de l’intérêt de tous, que les populations locales Touarègues, Songhais et Maures, soient associées au combat contre le terrorisme, et cela conformément aux lois et règlements nationaux et internationaux. Ainsi, tout travail de coopération avec les populations autochtones Touarègues, ne doit souffrir d’ambigüité, car il fut un moment, où ces mêmes Touaregs sont qualifiés de terroristes, et aujourd’hui on identifie clairement les terroristes comme étant les salafistes, et les Touaregs, comme le bouc émissaire pour combattre ces derniers.
Mais entre temps, on a oublié que Bamako a armé une milice Arabe pour faire le sale boulot. Et voila qu’on se rend compte à Koulouba, qu’on a peut-être armé les soutiens locaux de l’Aqmi, et que ces mêmes milices refusent catégoriquement de déposer les armes.
Le même scénario est en train de se reproduire au nord Niger, où les Arabes (maures), ont monté une milice qui a emprisonné six (06) civils Touaregs dans le Talak, sous prétexte de défendre leurs intérêts économiques menacés par un groupe de bandits armés issus des fronts (MNJ, FPN) qui ont signé une Paix sans condition avec Tandja. Et d’ailleurs, il n’y a pas que les Arabes qui ont été victimes de ce banditisme, des Touaregs en ont fait les frais ! Donc même s’il y a de « vrais bandits », il faut éviter la prolifération de milices qui sera favorable à la circulation des Salafistes dans le Sahara, du nord Mali vers le nord Niger, même si cela pourrait avoir comme conséquence de forcer Tandja de reconsidérer sa position, et d’intégrer à son tour 10.000 jeunes Touaregs, comme veut le faire ATT.
A mon point de vue, on veut utiliser les Touaregs pour combattre l’Aqmi, non pas pour les aider à être réintégrés, mais pour les envoyer au front anti-terroriste, et donc de les sacrifier en quelque sorte, sur l’autel de la République, pour la Patrie (qui ne les as Jamais reconnus). Mais ce qu’ignore Koulouba, les Touaregs combattront n’importe quel adversaire avec Détermination.
Si la volonté de Bamako d’intégrer les Touaregs était sincère, elle aurait dû intervenir bien avant les événements sanglants où des dizaines de soldats sont tombés sur le champ d’honneur face à l’horreur terroriste.
C’est encore une autre occasion de rappeler ce en quoi la Paix n’est pas le souci de nos dirigeants, qui obéissent plus aux exigences du moment (combattre l’Aqmi, et libérer ses otages), ou du besoin ponctuel de sécurité au nord Mali-Niger, plutôt qu’à une stratégie réfléchie qui doit aboutir à une Paix durable, qui est le souhait des populations autochtones Touarègues.
Faut-il le rappeler haut et fort ? : aucune Paix dans le Sahara ne sera effective, sans la participation des populations Touarègues, qui en sont les maîtres incontestés de tout temps?
Une volonté d’éradication du terrorisme, doit se traduire tout d’abord par une volonté de Paix véritable dans le nord Niger et Mali.
Une intégration sérieuse des ex-rebelles dans des corps militaires et paramilitaires, sans compter un réajustement des effectifs de la fonction publique, proportionnellement aux composantes ethniques, afin que tous s’y retrouvent et que le sentiment d’exclusion disparaisse avec les rebellions répétitives. Oui la proportionnelle !
Cela semble utopique, mais c’est une des voies sans lesquelles, une Paix durable ne sera possible. On ne peut pas continuer à dire aux Touaregs qu’ils sont égaux aux autres ethnies du Niger ou du Mali, si leur représentation au niveau des organes de décision est insignifiante. Qu’il s’agisse de postes ministériel, responsabilité militaire, jusqu’au plus petit poste administratif, il faut que chaque ethnie soit représentée, même si cela doit passer par une politique de quotas. Il faut des leviers législatifs qui obligent les dirigeants à plus de Justice et d’Equité, gages de stabilité, d’Unité nationale, de Cohésion sociale et donc de Paix, pour un développement véritable et durable.
Tout cela relève d’un effort de Bonne Gouvernance, d’autant plus qu’au niveau international, la loi existe déjà, et demande qu’à être appliquée et respectée.
Ainsi, des articles 1èr au 5 de la Déclaration des Nations Unies sur le Droit des Peuples Autochtones, nous lisons :
Article premier
Les peuples autochtones ont le droit, à titre collectif ou individuel, de jouir pleinement de l’ensemble des droits de l’homme et des libertés fondamentales reconnus par la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme(4) et le droit international relatif aux droits de l’homme.
Article 2
Les autochtones, peuples et individus, sont libres et égaux à tous les autres et ont le droit de ne faire l’objet, dans l’exercice de leurs droits, d’aucune forme de discrimination fondée, en particulier, sur leur origine ou leur identité autochtones.
Article 3
Les peuples autochtones ont le droit à l’autodétermination. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.
Article 4
Les peuples autochtones, dans l’exercice de leur droit à l’autodétermination, ont le droit d’être autonomes et de s’administrer eux-mêmes pour tout ce qui touche à leurs affaires intérieures et locales, ainsi que de disposer des moyens de financer leurs activités autonomes.
Article 5
Les peuples autochtones ont le droit de maintenir et de renforcer leurs institutions politiques, juridiques, économiques, sociales et culturelles distinctes, tout en conservant le droit, si tel est leur choix, de participer pleinement à la vie politique, économique, sociale et culturelle de l’État.
(Source : http://www.un.org/esa/socdev/unpfii/fr/drip.html)
En lisant ces articles, on se croirait dans un autre temps, et pourtant NON !
Cette déclaration des Droits des Peuples Autochtones du 13 Septembre 2007, doit être connue de tous, afin qu’on sache qu’il y a désormais une alternative à la lutte armée.
Si nos états acceptent d’honorer leur engagement de respecter ce texte, il y a tous les éléments à même de garantir aux autochtones quels qu’ils soient, de jouir de droits que leurs reconnaissent le concert des Nations démocratiques.
Ainsi, nous pourrons espérer, qu’au lieu de faire recours aux armes, les Touaregs défendront leurs droits reconnus par les Nations unies par la voie légale, mais nous n’en sommes pas là, car aussi bien le Niger que le Mali boudent cette déclaration alors même qu’ils l’ont signée. Paradoxal !
Ce qui est sûr, c’est que grâce à cet instrument universel qu’est la déclaration des droits des Peuples Autochtones, beaucoup d’autochtones du Canada, et d’Amérique latine ont été réhabilités, et des conflits évités, même les multinationales se sont inclinées.
Seydou-Kaocen MAIGA
Chargé des Relations Extérieures (l’Internationale Touarègue)

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