vendredi 31 juillet 2009

La discrimination positive dans la protestation diplomatique

Le Messager N° 2908 (Cameroun)
jeudi 30 juillet 2009

L’interférence des facteurs idéologiques et géopolitiques dans l’orchestration des protestations internationales : observations à partir des situations iraniennes, nigériennes et honduriennes (suite)

c) La discrimination positive dans la protestation diplomatique Il faudrait remonter à l’appréciation faite par l’administration Reagan sur le régime dictatorial chilien conduit par Augusto Pinochet pour établir une ligne conceptuelle précise. La Maison-Blanche opère alors une classification entre les régimes dictatoriaux qui appliquent une politique totalitaire, antilibérale et impropre au développement économique et au bien être des citoyens d’une part, et les régimes autoritaires qui construisent une société certes critiquable par certains aspects, mais qui sont libérales et favorisent la croissance économique et le développement humain. Dans le premier cas, ce sont les régimes communistes, et dans le deuxième cas ce sont les régimes soutenus et conseillés par Washington, le Fmi et la Banque mondiale comme le Chili du général Pinochet.

La même thèse a toujours été défendue par la France à propos de ses possessions d’Afrique francophone dont la plupart n’ont en réalité jamais quitté le statut de simple comptoir colonial. Alors que l’on croyait que les choses avaient évolué à Paris avec le passage des socialistes au pouvoir et les soubresauts des conférences nationales en 1990 consécutives au vent de la pérestroïka, la décennie 2000 a vu le conservatisme diplomatique français sur l’Afrique se manifester de façon encore plus ouverte. Lorsque Paris ne se tait pas tout simplement comme dans le cas du Niger, elle étale publiquement aux yeux du monde et sans honte ni scrupule, son soutien aux régimes dictatoriaux d’Afrique. L’on a ainsi entendu le ministre des affaires étrangères Bernard Kouchner traiter le régime du dictateur tchadien Idriss Déby de régime démocratique. Le ministre voulait ainsi justifier l’intervention de l’aviation et des troupes françaises pour sauver ce régime menacé par une insurrection rebelle en février 2008.

L’on sait que dans le cas du Niger, la France qui à travers le groupe Areva, contrôle la production du minerais d’uranium dans le pays, a le souci de ne rien faire qui puisse à terme compromettre un marché juteux objet de nombreuses convoitises, surtout chinoises. Mais de façon générale, Paris n’a pas à propos de l’Afrique, la même analyse et la même exigence de gestion, de gouvernance et de gestion politique et économique que pour le reste du monde. La démarche est encore plus répugnante que celle de Washington en Amérique centrale à l’époque des républiques bananières contrôlées par les multinationales américaines. La France proteste rarement lorsque des cas de violation grossière des droits de l’Homme et d’atteinte à la démocratie sont signalés en Afrique. L’on peut ainsi rappeler que les modifications constitutionnelles pour allonger les mandats présidentiels et remettre en scène des présidents à vie, n’ont presque jamais suscité la moindre émotion du côté de l’Elysée, idem pour les fraudes électorales et les répressions à répétition. Cette politique a reçu une formulation théorique dans une déclaration faite par Jacques Chirac alors Premier ministre lors d’une visite officielle à Abidjan : « la démocratie n’est pas faite pour les africains, et si l’on essaye de trop critiquer les élections, les chefs d’Etat n’en feront plus du tout ».

La compréhension de cette déclaration d’un des hommes d’Etat les plus représentatifs de l’idéologie internationale française contemporaine renvoie à une sorte de discrimination positive de circonstance motivée par des exigences géopolitiques. La même déclaration ne pourrait pas être faite pour l’Europe centrale ni pour une partie de l’Asie. En conséquence, il n’y a pas de protestation possible si les régimes africains prennent une coloration totalitaire, massacrent leurs citoyens, violent les constitutions, consacrent des présidences à vie, pillent les caisses publiques et organisent le gouvernement de comparses et de mafieux.

Si l’on revient à la Chine et à la Russie face à la situation en Iran, on retrouve une tradition similaire d’abstention, mais davantage à cause des proximités géopolitiques et dans une certaine mesure, pour sauvegarder une possibilité unique et extraordinaire de conserver une hypothèque voir une épée de Damoclès sur la tête de Washington. Moscou alimente Téhéran en armements de pointe, particulièrement des missiles antiaériens performants de nouvelle génération, et contribue à la fourniture des éléments cruciaux de son programme nucléaire. Cette coopération ne procure pas seulement des devises, elle constitue un moyen de chantage et d’influence dans le jeu global de redéfinition et de stabilisation de l’équilibre géopolitique dans les régions du Golfe persique, du Moyen et Proche-Orient. Ce que Moscou ne contrôle pas à Ryad, il le tient par une alliance de circonstance avec l’Iran, lequel de surcroît constitue un véritable casse-tête pour tous les régimes conservateurs, théocratiques et proaméricains du coin. A suivre

Par SHANDA TONME

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