Gilles Denamur
Les Touareg accusés de tous les maux…
dimanche 17 octobre 2010
NDLR:Merci GD de cette analyse réaliste et pleine de bon sens .On voit la difference tout de suite avec les pseudos-specialistes vissés sur leurs préjusgés dans leurs bulles exagonales!!
Il a été navrant de constater, dès l’annonce de la prise d’otages d’Arlit le 16 septembre dernier, la stigmatisation dont a été l’objet la communauté Targuie du Niger. Un ministre français, et non des moindres, évoque très vite une éventuelle piste Targui tandis qu’une chaîne de télévision passe des images d’archives relatives à la dernière rébellion, entretenant ainsi une confusion peu admissible et que de nombreux médias semblaient s’étonner de constater qu’AREVA avait embauché des Touareg…en pays Targui, la belle étrangeté !!! Ignorance, recherche d’un bouc émissaire facile, critique systématique d’AREVA, sans doute un peu de tout cela. Etonnant venant de Français de la métropole, habituellement plus circonspectes voire même presque passifs en ce qui concerne cette partie du monde si on considère l’attitude de la France au cours de la dernière rébellion. Côté Niger, les réactions semblent avoir été plus mesurée , nuancées et réfléchies. En réaction à ces contrevérités, ma modeste connaissance du Niger m’incite à intervenir sur ce sujet. Mais avant de poursuivre, revenons succinctement à l’histoire récente.
Cette communauté Touarègue Nigérienne a été par le passé profondément déstructurée par la grande sécheresse des années 1975/80. Disparition des troupeaux, exode vers les villes, perte d’identité nomade ont été les principaux maux dont elle a souffert. Avant cette sécheresse, elle s’était elle-même fragilisée pour au moins une génération par une résistance au colonisateur qui a eu pour effet de lui faire rater le train de l’éducation alors que les populations les plus favorisées du sud s’ouvraient à la formation d’élites tant universitaires que techniques et militaires. Un équilibre séculaire, qui leur était favorable, fut alors rompu au sein de la société Nigérienne. Deux sévères rébellions en ont découlées dans les 20 dernières années. Les raisons en étaient multiples. Paupérisation des populations nomades, sentiment d’exclusion fantasmé (en partie seulement) et maladresses graves dans la gestion de la crise (massacre de Tchintabaraden…). Puis, pour la rébellion de 2007 sentiment justifié semble-t-il de voir son territoire « dépecé » et vendu aux multinationales par un pouvoir sans vergogne et sans que les habitants du Nord bénéficient de la manne ainsi générée. La France s’était beaucoup impliquée dans la résolution de la première rébellion aux côtés de l’Algérie et du Burkina-Faso. On comprend moins son silence et son attitude passive lors de la deuxième alors que ses intérêts y étaient, avec l’exploitation future de l’énorme gisement d’Imouraren, encore plus évidents ! Il faut en outre considérer deux facteurs importants. D’une part ces évènements se déroulent dans l’un des pays les plus pauvres du monde dont les moyens sont cruellement insuffisants dans tous les domaines et d’autre part les accords de paix qui ont mis fin à ces deux rébellions n’ont, sauf sous la présidence de feu le Général Ibrahim Baré Maïnassara, été suivis que de peu d’effets pour les populations. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne la dernière rébellion qui n’a débouché que sur l’enrichissement des principaux leaders, frustrant ainsi davantage encore des combattants qui avaient fait la preuve de leur pugnacité sur le terrain. On connaît la suite et l’intervention salutaire des Forces Armées Nigériennes qui ont mis fin au coup d’Etat constitutionnel commis par Monsieur Tandja Mamadou et ses partisans.
Mais revenons à notre sujet. De ces combats qui furent parfois violents nous pouvons retenir quelques constantes.
L’intensité des combats. Pour durs qu’ils aient été, ils n’ont jamais atteint la violence des combats qui se sont déroulés au Mali voisin, dans un contexte comparable. Il existe une retenue « Nigérienne », tant du côté d’un pouvoir qui a su éviter, à quelques exceptions près, les exactions que de celui d’une communauté habitée par une certaine éthique qui fait qu’on ne s’attaque pas aux femmes ou aux enfants, par exemple. Par ailleurs, un tissu relationnel étroit unit toutes les ethnies du pays grâce aux nombreux liens familiaux tressés à l’occasion des mariages, tout comme y participe l’extraordinaire « cousinage à plaisanteries » si caractéristique du Niger. Ce tissu, s’il était cultivé davantage, constituerait un ferment prometteur pour l’émergence d’une Nation Nigérienne à laquelle je pense que les Nigériens sont déjà plus attachés qu’on ne le croit.
L’extrémiste religieux. Il n’a jamais été évoqué en dehors de positions individuelles non reconnues par les clans Touareg, qui ont toujours pratiqué un islam tolérant et peu prosélyte. Il ne faut donc pas confondre la proximité créée par la vie dans le désert entre différents groupes, telles les tribus arabes de l’Azawag ou actuellement les « katibas » d’AQMI. Elles sont toutes amenées à se connaître et se côtoyer sans avoir nécessairement une communauté d’opinion et de destin. Si l’extrémisme religieux existe au Niger, ce n’est par au sein de la communauté Targui qu’il faut le chercher mais plutôt au Sud, dans les régions de Maradi et de Zinder si proches de la Katsina Nigériane qui est elle-même le siège d’un intégrisme religieux virulent et d’affrontements intereligieux féroces et réguliers.
La prise d’otage. Elle n’a pas été pratiquée, à ma connaissance, au cours de la première rébellion. Au cours de la seconde, deux prises d’otages ont été rapidement réglées et sont plus à considérer pour l’une, comme une action d’opportunité et pour l’autre, pour une action de semonce. Cela ne les excuse en aucun cas mais il semble important des les recadrer par rapport aux évènements que nous vivons actuellement.
Naturellement, il serait naïf d’exclure la possibilité d’actes individuels concourrant à une complicité avec les activistes d’AQMI. La pauvreté, le manque de perspectives d’avenir, le simple fait qu’il existe également, comme dans toutes les communautés, une frange délinquante ont pu amener certains jeunes (et moins jeunes) à se servir des armes pour s’enrichir rapidement dans le contexte de non-droit qui caractérise cette région du pays. Mais il ne s’agit en aucun cas de l’état d’esprit de la majorité des Touareg qui ne cherche que la stabilité afin de pouvoir vivre du tourisme, des activités agropastorales et commerciales ainsi que des activités minières.
Et là sera le principal challenge du futur Président du pays. Donner à chaque composante de ce vaste pays la juste place qui lui revient dans toutes les activités possibles dans une région à fort potentiel. Ce sera principalement une question de volonté politique car ces problèmes récurrents du Nord ont souvent été laissés à la seule responsabilité des militaires, lesquelles n’ont jamais été soutenus résolument par une classe politique qui a trop souvent par lâcheté, par dogmatisme ou par calcul, refusée de résoudre cette difficulté majeure qui ronge le Niger. Mais ceci est, comme disait Kipling, une autre histoire.
Gilles Denamur
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