France 24 - (Melissa BELL , envoyée spéciale au Niger) 14 juin 2010
Le carnet de route de Melissa Bell
lundi 14 juin 2010
Notre reporter Melissa Bell se trouve au Niger où elle réalise un reportage sur la crise alimentaire qui frappe le pays. Suivez les coulisses du tournage grâce à son carnet de route.
Autrefois, le désert ne commençait que bien plus loin. Mais aujourd’hui, c’est Tanout qui marque la frontière entre Sahel et Sahara, et pour les gens du coin, entre civilisation et barbarie. Il était donc sans doute inévitable que le préfet de Tanout choisisse de se mêler de notre projet dès qu’il en a eu vent.
Notre idée était de partir au nord de la ville pour voir les troupeaux des Touaregs, qui, selon eux, sont en train de mourir de faim et de soif. Une idée très naïve, selon le préfet, qui, sans vouloir parler de rébellion touareg, préfère évoquer le banditisme.
Un danger qui l’obligeait à nous confier à quatre soldats, armés jusqu’aux dents, qui nous accompagneront jusque chez les Touaregs pour nous ramener avant la tombée de la nuit. Tout cela, bien sûr, à notre charge.
Et c’est comme ça que nous sommes partis dans le désert à bord d’un camion militaire aussi inconfortable qu’impressionnant. Deux heures plus tard, nous étions a Kanak, une collection de tentes touaregs posées au milieu du sable avec tout autour des troupeaux de chèvres et des charognes.
Pour les Touaregs, c’est le désastre. Pour vivre, ils vendent leurs chèvres à Tanout, un voyage qui leur demande une semaine aller retour et qui leur permet aussi d’acheter le mil et la farine de blé dont ils vivent. Sans leurs chèvres, ils n’ont rien.
C’est une version légèrement différente d’une histoire qu’on a entendu un peu partout au Niger. L’histoire d’une vraie crise alimentaire provoquée par des pluies insuffisantes et qui menace de se transformer en famine.
Ce qui était curieux à Kanak, c’était l’attitude de nos militaires. A chaque fois que j’essayais de m’éloigner un peu, l’un d’entre eux se rapprochait davantage, semblant craindre que les Touaregs puissent nous parler seuls. Agacée par leur surveillance, j’interrogeais le colonel qui m’expliquait qu’il ne fallait pas se fier aux apparences calmes et plutôt accueillantes des Touaregs. Ce sont, selon lui, des guerriers sans pitié, capables, sous le nez des militaires, d’organiser une embuscade pour nous enlever. Et bizarrement, notre interprète, un civil ordinaire, partageait l’avis des militaires. La longue rébellion touareg a laissé des traces dans l’esprit des nigériens.
Mais au moment de partir, c’est tout de même ensemble que les Touaregs et les soldats se sont agenouillés afin de prier pour que notre retour se passe bien. Car le désert reste plus menaçant que l’homme, même quand il s’agit de l’ennemi.
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