mercredi 26 novembre 2014

Les clés de la guerre au Nord Le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) contrôle depuis la fin mars tout le nord du pays. L’analyse du journaliste britannique Andy Morgan.

Les clés de la guerre
au Nord
Le Mouvement national de libération de
l’Azawad (MNLA) contrôle depuis la fin mars
tout le nord du pays. L’analyse du journaliste
britannique Andy Morgan.
MNLA - Le site web du mouvement national de
libération de l’Azawad
En vérité, ni la chute de Kadhafi, ni Al-
Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), ni
la drogue, ni encore l’insécurité ne sont
les causes directes de la révolte des
Touaregs. Mais ces éléments ne sont que
des circonstances nouvelles pour une
lutte très ancienne. La première
rébellion des Touaregs a éclaté en 1963.
Six ans avant que Kadhafi ne s’empare
du pouvoir en Libye et quarante-quatre
ans avant qu’un groupe terroriste
algérien, le Groupe salafiste pour la
prédication et le combat (GSPC),
rebaptisé Aqmi, ne devienne la
franchise nord-africaine du prospère
mouvement terroriste islamiste mondial.
Les années 1970 et 1980 furent des
décennies de sécheresse extrême et de
souffrance dans la région. Des milliers
de Touaregs ont dû se réfugier dans les
pays voisins : Algérie, Libye, Niger,
Mauritanie et Burkina Faso.
En juin 1990, la deuxième grande
rébellion touareg s’est engagée lorsque
Iyad Ag Ghali, le chef du Mouvement
populaire pour la libération de
l’Azawad (MPLA), a attaqué un poste de
police de Ménaka avec un petit groupe
de soldats rentrés des camps de l’armée
libyenne. Ce soulèvement a pris fin avec
un traité de paix négocié sous l’égide de
l’Algérie : le Pacte national de 1992. Le
mouvement touareg s’est ensuite dissous
dans une soupe amère d’acrimonie et
d’acronymes alors que le MPLA éclatait
au gré des lignes de fracture ethniques
et tribales. Une certaine dose
d’autodétermination a été concédée par
le gouvernement de Bamako. Les
combattants et chefs rebelles sont
“réintégrés” dans l’armée malienne et
au sein de l’administration. Mais les
principales clauses du Pacte national
n’ont jamais été honorées, et les
Touaregs ont ruminé leur ressentiment
pendant les quatorze années qui ont
suivi. Le 23 mai 2006, un nouveau
groupe rebelle, l’Alliance démocratique
du 23 mai pour le changement (ADC), a
attaqué des installations de l’armée
malienne à Kidal et à Ménaka avant de
se replier. L’Algérie est encore une fois
intervenue pour négocier un nouvel
accord de paix et un nouveau traité,
connu sous le nom d’accord d’Alger, qui
a en fait repris bon nombre des
exigences déjà formulées dans le Pacte
national.
Et en janvier 2012 le Mouvement
national de libération de l’Azawad
(MNLA) a rassemblé l’un des plus
impressionnants arsenaux jamais vus
dans le nord du Mali. Il provient de la
Libye mais aussi de vols dans les
magasins d’armes perpétrés par les
officiers et les agents touaregs et arabes
qui ont déserté l’armée malienne. Ce
qui commence à apparaître clairement,
cependant, c’est que ce processus de
collecte et de stock d’armes fait partie
d’un plan soigneusement préconçu.
L’homme à l’origine de ce plan s’appelle
Ibrahim Ag Bahanga. C’est un vétéran
de la rébellion de 1990, ainsi qu’un des
leaders de l’insurrection de 2006, aux
côtés d’Iyad Ag Ghali, Hassan Ag Fagaga
et Ahmada Ag Bibi.
En septembre 2007, Ag Bahanga a formé
un nouveau groupe dissident appelé
l’Alliance touareg du Nord-Mali pour le
changement (ATNMC ). A partir de cette
date et pendant un an et demi, jusqu’à
ce qu’il soit finalement chassé du
territoire malien par des milices
soutenues par l’armée, Ag Bahanga a
mené une campagne de harcèlement et
de terreur contre l’armée malienne.
Après sa défaite en février 2009 et le
démantèlement de ses campements
rebelles, Ag Bahanga a trouvé refuge en
Libye. Il a ensuite disparu des écrans
radars médiatiques pendant près de
deux ans, jusqu’à son retour au Mali, en
janvier 2011. Il apparaît maintenant
que, loin de se complaire dans
l’inaction, dans le confort et le luxe
d’une villa libyenne aux frais de
Kadhafi, Ag Bahanga a utilisé son temps
en Libye pour concevoir et exécuter un
plan stratégique destiné à octroyer au
mouvement touareg une capacité
militaire supérieure à celle de l’armée
malienne.
En Libye, Ag Bahanga a pris langue avec
un groupe de vétérans rebelles des
années 1990 qui, par dépit après la
signature du Pacte national de 1992,
avaient quitté le Mal, étaient devenus
officiers supérieurs de l’armée libyenne
et commandaient des unités spéciales
d’élite mises en place par Kadhafi pour
mener ses guerres du désert. Parmi eux,
le plus important était le colonel
Mohammed Ag Najim. Lorsque les
premières fissures sont apparues dans
les fondations de la dictature de
Kadhafi, peu de temps après le début des
protestations à Benghazi en
février 2011, Ag Bahanga et quelques
proches alliés ont commencé à mettre
leur plan en action. Ils se sont efforcés
de convaincre Ag Najim et ses collègues
officiers touaregs d’abandonner leurs
postes dans l’armée libyenne et de
rentrer au Mali avec autant d’armes que
possible. Au début de l’été, alors que le
régime de Kadhafi commençait à se
désintégrer, le plan d’Ag Bahanga était
déjà bien avancé. Des déserteurs
touaregs se sont rendus en convoi vers le
sud-ouest avec d’importants stocks
d’armes et de munitions. Dans l’après-
midi du 26 août 2011, Ibrahim
Ag Bahanga est mort dans un accident
de voiture, non loin de sa base de
Tin Assalak. Il avait beaucoup
d’ennemis : l’armée et la population
maliennes, d’autres dirigeants touaregs
qui n’appréciaient pas son agressivité
sans compromis, les trafiquants de
drogue arabes qui avaient subi ses
attaques et ses vols à de nombreuses
reprises, ainsi que les services secrets de
l’Algérie et de la Libye.
Kadhafi et les Touaregs n’ont jamais été
de très bons amis ni de fidèles alliés. Ils
n’étaient partenaires que lorsque leurs
intérêts se rencontraient. Certes, de
nombreux Touaregs ont combattu aux
côtés de Kadhafi. Mais ils étaient
souvent contraints ou payés. C’était une
question d’opportunisme plutôt que
d’adhésion idéologique. Il convient
également de rappeler qu’un nombre
important de Touaregs ont aussi
combattu pour le Conseil national de
transition (CNT ) contre Kadhafi.
Ag Bahanga mort, l’accumulation des
armes et des soldats dans le nord-est du
Mali s’est poursuivie. Au début du mois
d’octobre, tous les leaders du nouveau
mouvement rebelle touareg sur le point
d’éclore se sont rassemblés dans la base
de Zakak pour ce que l’on peut
considérer comme une session
d’introspection et de réflexion pendant
dix jours.
En décembre, avant le déclenchement
des hostilités, un essai révélateur
intitulé Azawad, c’est maintenant ou
jamais a été publié sur le site Internet
Toumast Press. Ecrit par
Ahmeyede Ag Ilkamassene, il soulignait
le climat géopolitique apparemment
favorable à la cause de l’Azawad qui
existait à la fin de 2011, faisant
référence à l’indépendance du Soudan
du Sud et de l’Erythrée comme exemples
d’erreurs commises au moment de la
décolonisation, réparées depuis, et de
preuves que l’idée d’un Azawad
indépendant n’était pas un rêve
inaccessible. Il notait que les structures
qui avaient dominé la vie politique
internationale depuis la Seconde Guerre
mondiale étaient en train d’évoluer, que
de nouveaux pouvoirs comme la Chine,
la Russie, le Brésil et l’Inde émergeaient
et que ces pouvoirs étaient plus ouverts
à l’idée de remettre en cause la
géographie postcoloniale des pays
africains.
Le MNLA n’a pas non plus ménagé ses
efforts pour se présenter comme un
mouvement révolutionnaire pour la
libération de tous les peuples de
l’Azawad – Touaregs, Songhaïs, Arabes,
Peuls – et pas uniquement un
mouvement rebelle touareg. Azawad est
le nom que les membres du MNLA
donnent à l’Etat indépendant qu’ils
cherchent à créer, qui selon eux
comprendra les trois principales régions
du Nord-Mali : Gao, Kidal et
Tombouctou. Si un Azawad indépendant
devait exister, cela amputerait le Mali de
plus de 50 % de sa superficie. Le MNLA
dit aussi qu’il n’a pas de revendications
sur des parties du Sahara habitées par
les Touaregs au-delà des frontières du
Niger, de l’Algérie et de la Libye. Ses
membres prétendent qu’un grand
nombre d’Arabes et de Songhaïs se
battent déjà à leurs côtés. Que le MNLA
parvienne ou non à maintenir sous une
même coupe les différents groupes
tribaux et ethniques dans le nord du
Mali jusqu’à ce que ses objectif

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