mercredi 19 décembre 2012

« Nous, Touaregs, nous sommes nous-mêmes auteurs de ce que nous vivons. Nous n’avons plus d’avenir… Attendre sans savoir quoi attendre, voilà ce que nous vivons »

19 déc, 2012 Non classé Voici un témoignage recueilli par téléphone d’un ex-combattant d’AnsarDine, aujourd’hui exilé au Burkina Faso. http://assaleck.mondoblog.org/2012/12/19/nous-touaregs-nous-sommes-nous-memes-auteurs-de-ce-que-nous-vivons-nous-navons-plus-davenir-attendre-sans-savoir-quoi-attendre-voila-ce-que-nous-vivons/
Deux jeunes hommes qui se saluent style R&B dans la rue principale de Kidal au Nord du Mali Qu’est-ce qui t’a découragé à quitter le mouvement Ansar Dine? C’est leur système. Il ne me plaît pas. Parfois, ils sont pour le Jihad et disent qu’ils ne veulent pas d’un territoire, et, en même temps, ils ne veulent pas céder le territoire. Moi, je ne crois pas à un Jihad en ce moment et je me rends compte qu’ils ne savent pas vraiment ce qu’ils veulent. Leur organisation ne motive pas du tout, et c’est pourquoi les jeunes gens qui sont habitués à travailler correctement les abandonnent de plus en plus. Il faut que l’on sache ce qu’ils veulent et pour qui ils travaillent : soit avoir le contrôle du territoire, soit faire le Jihad ! Nous, les combattants, nous avons besoin de bien comprendre de quoi il s’agit. S’ils avaient abandonné ce Jihad, ils auraient fait adhérer la majorité de la population. Ils ne s’entendent pas, même entre eux. Mauvaise organisation. Comme dit un proverbe touareg : « On ne fait pas des tresses sur la teigne ! » Pour le moment, j’observe et j’attends, comme beaucoup de jeunes combattants. Comment ton abandon est-il perçu par ton entourage ? Nous sommes tous dans la même situation. Personne ne sait où aller. Soit fuir ou les (les islamistes, ndlr) rejoindre. Au sud (Bamako), c’est hors de question. Tous les combattants comme moi n’ont donc aucune perspective. Au sujet de la motivation du leader d’Ansar Dine Iyad ag Aghaly au Jihad, rien n’est encore clair. Tantôt il est favorable, tantôt il est contre, puis il annonce dans la même foulée qu’il va remettre le contrôle du territoire aux propriétaires, la chefferie traditionnelle, en l’occurrence. Des déclarations contradictoires. Tout récemment, il a déclaré qu’il est désormais« l’Emir des Al-Mouminines» (commandeur des croyants, représentant le chef suprême des musulmans, selon les règles de la charia). Nous sommes musulmans depuis longtemps, comme l’Arabie Saoudite, mais notre pratique de l’islam n’est pas celle que ces gens nous imposent. Les habitants qui intègrent ces islamistes deviennent plus radicaux que ceux qui les ont initiés, ils sont presque comme envoûtés. En plus, ils sont en première ligne et sont contraints de faire appliquer cette loi aux populations. Qu’est-ce qui retient encore certains combattants sous leur commandement ? Certains sont obligés de rester avec eux. Ils n’ont pas le choix. Ils ne peuvent pas retourner du côté du Mali ; c’est pratiquement impossible. Nous, qui rejetons cet islamisme radical, ne pouvons ni retourner chez nous ni réintégrer du côté malien. On nous stigmatise toujours, même si tu n’es coupable de rien. Voici un exemple : Un ami déserteur d’Ansar Dine qui voulait réintégrer son poste à la Garde nationale du Mali à Sikasso a été emprisonné par un colonel (touareg) de sa hiérarchie, lui refusant son salaire et sa réintégration. Au final, après plusieurs tractations, mon ami s’est rendu compte que le problème était du racisme inter-tribu et que, dans son cas, il était du mauvais côté. Si tu ne viens pas de la tribu qui commande, tu n’as plus ta place. Tu risques d’être suspecté et traité d’agent de renseignement d’Ansare Dine ou d’un groupe islamiste. Il n’y a plus de confiance entre nous. Moi-même, c’est ce qui m’a empêché de réintégrer mon poste à la Garde nationale. Donc, nous, Touaregs, nous sommes nous-mêmes auteurs de ce que nous vivons. Nous allons observer le résultat du match parce que c’est un match qui se joue là-bas en ce moment. C’est qui ou quoi la solution ? C’est Iyad ag aghaly la solution, il est incontournable. Il a fait adhérer à son mouvement de plus en plus de gens et demeure le maître du jeu. C’est le pion incontournable pour la résolution de ce conflit. Propos recueillis et traduits du tamasheq en français par AG TITA Assaleck

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