mercredi 19 décembre 2012

les mouvements rebelles de l’Azawad appellent à l’union sacrée/El Wtan

Ils veulent se présenter en rangs serrés face à Bamako les mouvements rebelles de l’Azawad appellent à l’union sacrée | © D. R. En dépit du fossé qui les sépare, les leaders du MNLA et d’Ançar Eddine font preuve d’une grande retenue et refusent d’insulter l’avenir. Depuis près d’un mois, l’infatigable colonel Hassan Ag Mehdi, l’une des figures emblématiques des révoltes touareg des années 1990 et aujourd’hui chef du Front populaire de l’Azawad (FPA), ne compte plus le nombre de fois où il a rencontré les leaders du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) et ceux de Ançar Eddine pour les persuader de cesser de s’entredéchirer et d’unir leurs forces. Ouagadougou (Burkina Faso) De notre envoyé spécial Cet ancien haut fonctionnaire du ministère malien de la Défense ne s’en cache pas : son rêve est de voir le MNLA, Ançar Eddine et, bien entendu, son «Front» constituer un seul et même mouvement et se présenter ainsi en «rangs serrés» face à Bamako le jour où il faudra négocier l’avenir de l’Azawad. Bien que la tâche se soit révélée, à chaque tentative de conciliation, d’une incroyable âpreté, Hassan Ag Mehdi refuse de désarmer. Pour lui, cette «union sacrée» doit avoir lieu «car il s’agit là, avant tout, de l’une des plus grandes attentes des Azawadiens» qui, aujourd’hui, sont plus que las d’être écartelés entre les différentes factions qui composent la rébellion du nord du Mali. S’il est assez facile d’imaginer une fusion entre le FPA et le MNLA (les deux mouvements sont laïcs et ont des revendications qui se rejoignent), le colonel Hassan Ag Mehdi aura, en revanche, bien du mal à rapprocher le MNLA et Ançar Eddine, «un groupe constitué aussi de fils de la région». Et le point de discorde qui les oppose n’est, en effet, pas des moindres. Il est inhérent précisément à la charia (loi islamique) que les dirigeants du mouvement islamiste touareg veulent imposer aux populations de l’Azawad dans sa version la plus rigoriste. Attablé autour d’un café avec deux de ses compagnons de lutte à la cafétéria de l’hôtel Laïco, situé dans le quartier huppé de Ouaga 2000, Moussa Ag Assarid, membre du Conseil transitoire de l’Etat de l’Azawad (CTEA, ex- MNLA) chargé de l’information et de la communication, scrute nerveusement son téléphone qui n’arrête pas de sonner. C’est là, dans ce bel établissement auréolé de 5 étoiles construit par les Libyens du temps où Mouammar El Gueddafi était «roi d’Afrique», que sont logées, depuis le début mois de décembre, les délégations touareg ayant pris part au tout premier contact avec le gouvernement malien. Vu l’importance de l’événement, tout le monde veut avoir bien évidemment une idée sur la teneur de leurs échanges. Les deux frères ennemis Bien qu’éprouvé par de longues journées de travail, Moussa Ag Assarid ne «zappe» aucun appel et répond systématiquement à toutes les sollicitations. «La lutte pour la liberté vaut bien tous les sacrifices», lâche sur un ton amical et amusé Mouaouia, un marabout polyglotte de l’Azawad, venu faire bénéficier la direction du MNLA de ses lumières et, surtout, de sa sagesse. Mais il faut quand même prendre garde, car il y a un sujet que M. Ag Assarid n’aime pas aborder et c’est particulièrement celui se rapportant à Ançar Eddine. Dès qu’il en entend parler, il éprouve toutes les peines du monde à contenir sa colère. «Posez-moi toutes les questions que vous voulez sur ce que vous voulez, mais je n’en veux pas sur Ançar Eddine. Si vous voulez savoir quelque chose sur eux, ils sont là. Vous n’avez qu’à aller les voir. Moi je ne parle que du MNLA», répond-il sèchement. Inutile d’en savoir davantage pour comprendre qu’il faudra au colonel Hassan Ag Mehdi et au médiateur de la Cédéao (le Burkina Faso) - qui s’est lancé aussi le pari de «fédérer» les groupes rebelles du Nord-Mali sous une même casquette - déployer des trésors de diplomatie pour parvenir à réconcilier les deux frères ennemis, que sont le MNLA et Ançar Eddine et de les convaincre de la nécessité de s’entendre sur une plateforme commune de revendications. Entre les deux mouvements rebelles, il y a une profonde crise de confiance «que seul un pays comme l’Algérie peut parvenir à dissiper». C’est du moins ce que pensent des dirigeants du MNLA présents dans la capitale burkinabè. Leur conviction repose sur le fait, que «les autorités algériennes bénéficient de toute l’attention de ce groupe rebelle et qu’elles ont les moyens d’infléchir sa position sur la question de la charia». Nombre d’entre eux soutiennent, en tout cas, qu’Ançar Eddine, un mouvement «aux revendications floues et étrangères à l’Azawad», n’aurait pas eu l’importance qu’il a aujourd’hui, si Alger ne lui avait pas conféré le statut d’interlocuteur. Bref, au MNLA on croit dur comme fer que «la clé du problème se trouve chez nos grands frères algériens et chez personne d’autre». Bref, si à Bamako on soupçonne (voire même on accuse) Alger d’avoir fermé les yeux sur la rébellion du nord du Mali, des militants indépendantistes de l’Azawad n’hésitent pas, quant à eux, à reprocher «au pouvoir d’Alger» de chercher «à freiner» leur «printemps». En attendant, il n’est pas nécessaire non plus d’être dans le secret des tractations en cours sur le destin de l’Azawad ou au cœur de la querelle qui les oppose pour comprendre que le MNLA et Ançar Eddine se détestent cordialement. Parmi les griefs que retient le mouvement que dirige aujourd’hui Bilal Ag Cherif à l’encontre d’Ançar Eddine est celui d’avoir essayé de «dynamiter» la rébellion. Les responsables du MNLA se disent néanmoins confiants car, précisent-ils, «le mouvement conserve ses capacités opérationnelles, bénéficie du soutien de la population et, contrairement à ce qui se raconte, est représentatif de toutes les ethnies». En parlant de capacités opérationnelles, l’avertissement est adressé surtout à tous ceux qui parlent de récupérer le Nord-Mali par la force. Sur ce point, tous les groupes rebelles sont d’accord pour résister face aux éventuels agresseurs. Tractations secrètes Ançar Eddine, dont la délégation à Ouagadougou a été conduite par Al Gabass Ag Intalla, reste pour le moment imperturbable face aux critiques du MNLA. En dehors des déclarations aussi alambiquées que contradictoires faites par ses nombreux porte-parole, les vrais chefs de ce groupe islamiste touareg sont connus pour être peu loquaces. Sauf d’avoir exprimé clairement leur souhait d’instaurer la charia dans la région, avant d’avoir été récemment amenés à nuancer leur position, ils restent vagues concernant leurs objectifs. Bien que beaucoup sollicités par la presse, ils se sont tous cantonnés dans un prudent et méfiant silence. Un cadre du mouvement, qui a souhaité requérir l’anonymat, tiendra quand même à signaler qu’«au plan du principe personne ne peut interdire à quiconque de vouloir défendre de manière pacifique un projet politique inspiré ou fondé sur la charia». En dehors donc du débat inhérent à la question de la place de l’islam dans l’Etat malien, Ançar Eddine ne paraît avoir aucun autre problème avec Bamako. En dépit du fossé qui les sépare et, disons-le aussi, de la guerre de position qui les oppose sur le terrain, les leaders du MNLA et d’Ançar Eddine font preuve d’une grande retenue. Tout le monde prend soin d’éviter de sombrer dans le dénigrement. Le constat est d’autant plus valable devant une personne étrangère à l’Azawad. «Pas question de provoquer de nouvelles fractures ou d’insulter l’avenir. N’oublions pas que nous avons tous l’Azawad en commun», prévient un membre du MNLA. A ce propos, il révèlera qu’il y a actuellement des «touches» et des contacts discrets destinés à recoller les morceaux entre les différents groupes rebelles. Mais aussi bien pour le Mouvement national pour la libération de l’Azawad ou pour le Front populaire de l’Azawad, c’est à Ançar Eddine qu’il revient désormais de faire des concessions et de dissiper les soupçons qui pèsent sur lui. Devant la perspective prometteuse d’une fusion des groupes rebelles nord-maliens, les Azawadiens sont presque heureux que les négociations, proprement dites, n’aient pas encore débuté avec Bamako. Des sources à Ouagadougou ont confié à El Watan qu’il n’a pas été en effet question de négociations lors du premier face-à-face entre les représentants du MNLA et ceux du pouvoir malien, qui a eu lieu le 4 décembre. Les deux camps ont plutôt préféré saisir l’opportunité pour vider leurs sacs et se dire les vérités en face, durant deux bonnes heures. Concrètement, rien n’a été signé et aucun engagement n’a été pris. En attendant que les décideurs maliens apprennent à parler d’une seule voix et se décident, ensuite, à revenir à la table des discussions, des dirigeants du MNLA ont préféré quitter la banlieue chic de Ouagadougou pour rejoindre Nouakchott, afin de peaufiner la stratégie du «Mouvement» et de «coucher» sur le papier leurs revendications. Pour cela, ils bénéficient des conseils d’experts burkinabés et suisses. Al Gabass Ag Intalla et ses hommes ont, quant à eux, regagné, dit-on, l’Azawad via le Niger. Lui aussi aura probablement à faire un long point de situation avec le fondateur du mouvement Ançar Eddine, le mystérieux Iyad Ag Ghali. Diango Sissoko forme son gouvernement Le nouveau Premier ministre malien, Diango Cissoko, a formé son gouvernement, dont la composition a été rendue publique, samedi, dans un communiqué lu à la Télévision nationale. Le ministre de l’Economie, Tiénan Coulibaly, le ministre de la Défense, le colonel Yamoussa Camara, et le ministre des Affaires étrangères, Tiéman Coulibaly, ont été maintenus à leurs postes. L’ex-junte militaire, dirigée par le capitaine Amadou Haya Sanogo, reste bien représentée dans ce gouvernement. Elle garde des portefeuilles-clés, dont ceux de la défense et de la sécurité intérieure. Les principaux regroupements politiques sont également représentés dans ce gouvernement, qui se fixe comme objectif principal la «reconquête du Nord», sous le contrôle de différents groupes armés depuis huit mois. Django Cissoko a été nommé, mardi dernier, par le président Traoré, après la démission forcée de Cheick Modibo Diarra qui n’était plus en bons termes avec le capitaine Sanogo. Ce dernier est le véritable détenteur du pouvoir à Bamako. Les régions du Nord, qui se plaignaient de n’avoir pas été suffisamment représentées dans le précédent gouvernement, se voient attribuer trois ministères supplémentaires. La tâche de la nouvelle équipe gouvernementale s’annonce toutefois difficile, puisqu’elle devra convaincre les plus sceptiques qu’une intervention militaire pour récupérer le Nord est toujours possible malgré les ingérences des hommes de Kati dans le processus politique à Bamako. Elle devra aussi rapidement édifier l’opinion nationale et internationale sur un calendrier qui permettrait l’organisation d’élections que beaucoup considèrent même comme un préalable à une éventuelle offensive militaire contre les groupes armés qui refuseraient le dialogue avec Bamako. Zine Cherfaoui

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