dimanche 16 décembre 2012

Colonel-major Garba Maikido, gouverneur de la région d'Agadez : «Il faut cultiver la passion de la paix et agir pour enrayer toute menace d'où qu'elle vienne...»

Vendredi, 14 Décembre 2012 10:24 Ancien Chef d'Etat-Major adjoint de l'Armée de Terre, le Colonel Major Garba Maikido, qui préside aujourd'hui aux destinées de la région d'Agadez en tant que Gouverneur, n'est plus à présenter. Homme de terrain efficace et opérationnel, cet officier s'est fait découvrir par les Nigériens, en 1983, lorsque, avec Ibrahim Maïnassara Baré, il déjoua la tentative de putsch visant à renverser le Général Seyni Kountché. A l'époque, tout jeune officier, il avait choisi le métier des armes par vocation, alors même qu'il était détenteur d'un Baccalauréat scientifique. Après l'Escadron Blindé de Niamey et les Compagnies sahariennes motorisées de N'Guigmi et de N'Gourti, il devient Commandant de l'Escadron Blindé de Madawéla à Arlit. Premier Officier de l'armée nigérienne à affronter les rebelles du FLAA à la création, en 1991, de ce mouvement de résistance armée à Mamanet, un kori de la région d'Arlit, le Colonel Major Garba Maikido, qui a pratiquement fait le tour de la quasi-totalité des garnisons militaires du Niger, a dû gérer la situation qui a conduit au siège de T'in Galène, obligeant ainsi les rebelles à demander une trêve. Il fait partie des officiers qui se sont faits distinguer jusqu'à la reddition des fronts rebelles. En 2007, Chef d'Etat-Major adjoint de l'Armée de Terre des FAN, c'est en qualité de Chef d'Etat Major tactique en charge de toutes les opérations dans le nord, chargé de régler cette affaire du MNJ, qu'il séjourna encore à Agadez. L'un des militaires les plus médaillés du Niger, il a cette particularité d'avoir développé ses propres tactiques de combats que l'on peut de nos jours enseigner dans les grandes écoles de guerre. C'est sans doute au regard de ses états de service très édifiants que l'intéressé occupe le poste de Gouverneur de la région d'Agadez où il s'efforce de créer les conditions d'un réel maintien d'un climat de paix et de stabilité dans la région. Tout d'abord, pouvez-vous nous dresser le tableau de la situation sécuritaire qui prévaut actuellement dans la région d'Agadez ? Pour répondre à votre question, je voudrais tout simplement dire que, pour la question touarègue, il faut la prendre en compte dans sa globalité : c'est-à-dire ses aspects historique, géographique, culturel et politique .C'est pour vous dire que c'est un phénomène qui ne date pas d'aujourd'hui. Il date de plusieurs siècles et s'étend dans le temps et l'espace au Mali, au Niger, en Algérie et en Libye. En ce qui concerne ce climat de défiance je voudrais simplement dire que, de mon point de vue, c'est un phénomène culturel, et il faut faire avec. Vous voyez, quand un problème arrive, moi j'ai l'habitude de dire qu'il n'est jamais petit. Il faut le considérer comme tel et essayer de lui trouver la solution appropriée. Et la réponse à ce climat de défiance est dans ce que nous faisons en ce moment, c'est-à-dire sensibiliser les communautés, les jeunes, pour les amener justement à prendre en compte cette culture de la paix chère à l'ensemble du peuple nigérien. La réponse se trouve aussi dans ce que nous faisons dans la protection des personnes et de leurs biens au niveau de la région d'Agadez. C'est le lieu aussi d'anticiper un peu à travers des analyses, des réponses à rechercher, à travers des hypothèses par rapport à la situation qui nous entoure chez nos voisins et aussi à travers des actions de développement, pour tenter d'amoindrir un tant soit peu la pauvreté, parce que, comme vous le savez, la misère est à la base de tous les problèmes. Et la misère peut entraîner l'insécurité. Si vous voulez, c'est la réponse que je peux donner à votre première question, qui vraiment se trouve dans ce que nous sommes en entrain de faire pour sécuriser les populations et leurs biens au niveau de la région. Mais quel que soit l'angle sous lequel on regarde les choses, est-ce qu'une rébellion peut se justifier sous le fallacieux prétexte de chômage, sachant qu'au Niger ce sont des milliers de jeunes diplômés qui sont en situation de chômage depuis plus de 15 ans sans avoir jamais menacé de prendre des armes contre leur pays ? Disons qu'à l'heure actuelle, et à l'état actuel des choses, rien, absolument rien, ne peut justifier une rébellion. Les problèmes des Nigériens sont multiples et multiformes. Aujourd'hui, d'Ayorou à Bilma, de Gaya à N'Gourti en passant par N'Guigmi, on rencontre les mêmes problèmes à des degrés variables, tous liés à la pauvreté et à l'incapacité de l'Etat seul à faire face et à trouver des solutions à ces problèmes. C'est pourquoi d'ailleurs, depuis la première rébellion, l'Etat s'est engagé résolument à apporter des réponses à ces différentes crises d'abord au plan politique, à travers une décentralisation pour que les communautés se prennent en charge elles-mêmes, tout en se faisant accompagner par l'Etat et ses structures décentralisées ainsi que les partenaires au développement ; à combattre le chômage à travers l'intégration de plusieurs jeunes diplômés, quand ont sait qu'aujourd'hui qu'il y a des centaines de milliers de jeunes diplômés qui sont en chômage au Niger. Il faut saluer ici les efforts faits récemment par l'Etat à travers le recrutement au sein de la fonction publique d'un nombre considérable de médecins, d'infirmiers et d'enseignants. L'Etat s'efforce également de créer des emplois aux jeunes désœuvrés à travers des initiatives privées. Ici à Agadez, par exemple ces initiatives sont prises à travers le programme d'urgence où des milliers d'emplois ont été créés pour atténuer les effets de la crise alimentaire dans la récupération des terres (Cash For Work), appuis en intrants agricoles et pastoraux. Sur l'ensemble du territoire d'ailleurs, l'Etat a élaboré des Projets et Programmes d'Appui aux jeunes avec l'appui des partenaires. L'Initiative ''3N'', un programme étalé sur cinq (5) ans qui va bientôt démarrer et qui fait partie d'une des principales priorités du Président de la République durant toute sa campagne électorale, permettra de faire face aux vrais défis de développement, parce que je pense que le programme de l'initiative ''3N'' va permettre aux Nigériens de se nourrir effectivement par eux-mêmes. Les partenaires eux-mêmes ne sont pas restés les bras croisés. C'est ainsi qu'au niveau de la région d'Agadez, à travers le projet ''Paix et Développement'' que l'Union Européenne est entrain de financer à travers le PNUD, d'importantes sommes seront investies pour la sécurité et le développement. Et je pense que nous avons démarré avec un premier volet qui est celui de l'instrument de stabilité à court terme et c'est un programme de dix huit (18) mois. Et nous venons récemment de procéder au recrutement de 250 jeunes pour la police municipale des quinze (15) communes. D'un autre côté, les Américains, à travers l'USAID, sont aussi entrain de financer le Projet Paix à travers le Développement, dans lequel des jeunes auront des appuis en équipement et en formation pour certains, afin de mieux travailler au sein de leurs communautés et au profit de celles -là. Vous savez aussi que le Président de la République a prévu également de consacrer 25% du budget national à l'école, sans compter de multiples problèmes à résoudre qui sont dans son programme. Ceci pour vous dire qu'aucune catégorie de la société ne doit se particulariser. Parce que les réponses données à l'ensemble du peuple nigérien, par les autorités de la 7ème République, sont des réponses globales, bien sûr en tenant compte de certaines spécificités, par des appuis aux jeunes et aux ex-combattants comme vous le dites, dans le cadre de leur réinsertion sociale. Maintenant, par rapport aux menaces globales, nous sommes entrain de chercher des solutions globales au niveau de notre pays. Lors de votre première rencontre avec les différents corps des Forces de Défense et de Sécurité, en juin 2011, vous avez demandé de redoubler d'efforts pour contrecarrer toute action déstabilisatrice. Avec le risque d'une contagion de la situation malienne, quelles assurances vous donnez aux Nigériens ? Je vais dire qu'en matière de sécurité, il n'y a pas d'assurance à 100%. Pour moi, il s'agit d'anticiper et de se préparer à toute éventualité, surtout quand on sait que nous sommes entourés, sur le plan géopolitique, par des Etats plongé dans un climat d'insécurité et d'instabilité, à savoir la Libye dont l'instabilité a engendré celle du Mali qui est devenue maintenant plus compliquée et plus complexe. Face à cette situation, nous nous devons de nous préparer en conséquence en essayant d'obtenir le moindre mal, à défaut de la meilleure des situations. Aussi, le gouvernement qui a pris conscience de l'enjeu est entrain d'essayer de trouver des réponses à travers le collectif budgétaire et de doter les FDS de moyens substantiels pour faire face à la situation. Et vous savez très bien qu'il y a un adage qui dit que ''qui veut la paix prépare la guerre''. Et je pense que nous sommes dans cette logique. Il ne faut pas attendre jusqu'à ce que cela nous arrive. Il faut en tout cas se préparer pour faire face à toute éventualité. Mon Colonel, vous avez pris part, en Algérie, à une importante rencontre sur la menace terroriste dans les pays sahéliens. Quelle appréciation faites-vous du rôle de l'Algérie quant à la recherche de solutions aux menaces terroristes ? Vous savez, l'Algérie a l'expérience des mouvements armés et de groupes terroristes. Et comme l'a dit le Président de la République lors d'une récente interview accordée à d'un média international, l'Algérie est partie prenante dans cette crise au Mali, et je pense qu'il faut lui faire confiance dans un cadre de partenariat, comme dans un cadre d'acteur, car dans tous les cas, nos destins sont liés. Nous avons, non seulement un devoir de solidarité entre les peuples et les Etats, mais aussi nous devons prendre ensemble des mesures idoines de protection de notre environnement commun. Face à la déliquescence de la crise au Nord Mali, beaucoup d'observateurs craignent que cette situation ne se répercute sur notre pays. Quel est l'avis de l'officier de notre armée sur la question ? Si un tel scénario se présente, la réponse sera d'abord nigérienne. Et je suis persuadé qu'à la demande du Niger, les partenaires au développement, sûrement tous les amis régionaux, voire internationaux épris de paix, de stabilité et de démocratie, vont nous appuyer pour que nos peuples se développent, sans contraintes et en toute liberté. Il faut se réjouir du faut que depuis la mise en place du dispositif de vigilance, tout groupe armé ayant tenté de pénétrer sur le territoire a été systématiquement désarmé ou détruit. Il est vrai que notre pays est très vaste, mais je puis vous garantir l'efficacité du dispositif militaire dénommé ''Dispositif Mali Béro '', et qui a pour mission, non seulement de défendre l'intégrité territoriale et d'assurer la protection des personnes et de leurs biens dans la partie nord du territoire, mais aussi de contrôler également les trafics en tous genres dans cette zone. La situation est très sécurisée et je suis très satisfait du travail que font nuit et jour nos FDS dans le cadre de la défense de notre intégrité territoriale et de la protection des populations et de leurs biens, en tout cas dans la région d'Agadez. Le dispositif mis en place donne entière satisfaction et nous ne pouvons que remercier les autorités de la 7ème République au premier rang desquelles le Chef de l'Etat pour leur engagement politique en matière de sécurité. Maintenant, l'objectif est de l'améliorer et d'octroyer beaucoup plus de moyens à nos FDS pour garantir au mieux la sécurité de notre pays. Déjà, avec les moyens dont elles disposent, elles ont fait beaucoup de travail et je pense qu'avec les moyens à venir, elles feront encore beaucoup mieux. Vos perspectives pour cette région ? Au niveau de la région d'Agadez, c'est d'abord de continuer à sensibiliser toutes les couches sociales pour une stabilité et une paix retrouvée qu'il faudra consolider à travers des actions de développement, que l'Etat et ses partenaires se doivent de mettre en œuvre dans un délai raisonnable. Il va falloir aussi continuer à sensibiliser les populations afin de cultiver une bonne culture de la paix et comme je l'avais bien dit au forum d'Arlit, il faut surtout cultiver la passion de la paix et agir pour enrayer toute menace d'où qu'elle vienne, à nos frontières comme à l'intérieur du territoire. Vous savez, comme on le dit, la paix, le développement et la sécurité vont ensemble, mais leurs contraires aussi, c'est à dire la misère, la pauvreté et l'insécurité vont ensemble. Abdoulaye Harouna Le Sahel

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