lundi 15 décembre 2008

Exploitation des ressources naturelles au Niger : de l’euphorie au désenchantement ?

Ali Idrissa-ROTAB PCQVP Niger- décembre 2008

dimanche 14 décembre 2008, par temoust

Pendant que le monde travers une crise financière grave, Anne Lauvergeon, la présidente du directoire du groupe nucléaire français Areva, a annoncé que sa société se porte en bonne santé. Cet optimisme de la responsable du N° 1 du nucléaire français est-il dû aux mines d’uranium du Niger qui pourraient assurer une stabilité financière à son groupe ?

Si Areva se porte bien, comment expliquer que malgré sa réserve en uranium exploitée depuis plus de 40 ans, le Niger soit l’un des derniers pays en termes d’indice de développement humain ? L’Uranium a-t-il permis au Niger de se développer ?

Ni Areva, ni la France encore moins les Nigériens ne peuvent soutenir cette thèse. L’uranium a apparemment plutôt sous-développé le Niger. Les raisons sont multiples mais tiennent essentiellement à l’exploitation mercantilistes de la compagnie qui laisse peu d’opportunités pour les populations locales et les nigériens de manière générale.

L’analyse des premiers accords atteste bien cela.

Deux conventions dites de longue durée sous-tendent l’exploitation des mines de la SOMAÏR et de la COMINAK. La Convention de longue durée relative aux conditions d’établissement et de fonctionnement de la Société des mines de l’Aïr signée le 2 février 1968 entre la République du Niger et la Société des mines de l’Aïr et la Convention de longue durée relative aux conditions d’établissement et de fonctionnement de la Compagnie minière d’Akouta (COMINAK) signée le 9 juillet 1974 entre la République du Niger et la Compagnie minière d’Akouta.

Ces deux conventions ont la même caractéristique :

D’abord elles sont de longue durée, respectivement 20 et 25 ans au départ.
Ensuite, elles lient juridiquement pour une longue durée le Niger à des conditions plus avantageuses pour le partenaire.

Les deux conventions ne seraient susceptibles de modification qu’à des conditions encore avantageuses pour le partenaire : « La législation minière applicable au Niger à la date de signature de la présente Convention restera applicable aux titres miniers accordés ou amodiés à la Société pendant toute la durée de ladite convention.

Au cas où des modifications d’ordre législatif ou réglementaire interviendraient ultérieurement concernant le régime des titres miniers, le Niger maintiendra, par dérogation expresse au profit de la société, le bénéfice des textes antérieurs sauf si la société demandait à se prévaloir des nouvelles dispositions plus favorables » Art 13 Titre VI Convention de longue durée SOMAÏR/ Article 13 Titre VI Convention de longue durée COMINAK. Il est curieux et très frappant de constater que cette disposition est mot pour mot la même dans les deux conventions.

Les deux conventions ne comportaient pas de clauses en matière de développement des zones concernées et de protection de l’environnement. Le Titre I de deux Conventions portant sur Les Obligations Générales de la Société, ne comporte que des mesures relatives aux infrastructures scolaires, médicales et aux loisirs du personnel. Aucune disposition n’est prise dans les deux conventions relativement au développement local, aux investissements locaux ou régional, à l’environnement et à la santé des populations et des travailleurs miniers.

On comprend, en lisant de près ces documents, comment elles ont lié l’Etat du Niger à des clauses désavantageuses pendant plus de 30 ans et comment le Niger a été lésé en violation du droit des populations de jouir de leurs ressources conformément au pacte international des Nations Unies relatif aux droits sociaux, économiques et culturels.

On comprend aussi comment le Niger, tout en étant 3ème producteur mondial du minerai, n’en a jamais profité. On comprend pourquoi enfin, aucune stratégie d’anticipation des conséquences sur l’environnement et la santé des populations n’ait pas été envisagée au départ.

C’est pourquoi l’uranium est l’un des sujets qui fâchent le plus au Niger. D’abord les populations des régions minières qui croulent sous la misère et la pauvreté et sur un minerai qui a rapporté en termes de vente près de 2500 milliards de FCFA, sans aucune incidence sur leur niveau de vie et le développement local.

La suite, on la connaît ! Le Niger a signé un contrat qui revisite les prix du kg sans qu’aucun ministre, aucun député, aucun acteur de la société civile, ne soit consulté. Depuis cette renégociation des prix, c’est l’opacité totale sur ce contrat et sa valeur ajoutée.

L’affirmation de la première responsable du groupe doit amener les autorités nigériennes à ne rien céder dans la signature du contrat d’exploitation d’Imouraren (un milliard de dollars pour 5000T/an d’uranium) à savoir les 40% dans le capital de la société, les 15 % de la production au Niger et la construction d’un chemin de fer jusqu’à Dosso (notons que le Niger ne dispose pas encore de voie ferrée) pour évacuer le minerai par le port de Cotonou (Bénin).

L’arnaque dont a été victime le Niger par rapport à l’uranium est-elle en train de s’opérer avec le pétrole aussi ? Cette question mérite d’être formulée quand on apprend qu’un cabinet de consultation a empoché 7 millions de dollars (3. 150.000.000 francs CFA) sur le bonus de la convention pétrolière de partage de production signée entre le Niger et la China National Oil ans Gas Development and E x p l o r a t i o n C o r p o r a t i o n (CNODC) par rapport au bloc d’Agadem dans la région de Diffa. L’information a été rapportée par La Lettre du Continent (N°551 du 30 octobre 20008).

La même source révèle que la stratégie de construction de raffinerie a déjà été utilisée par les Chinois dans plusieurs pays africains pour décrocher les licences d’exploitation, ce qui naturellement suscite nos inquiétudes quand aux retombées réelles pour le Niger.

Le pétrole nigérien apportera- t-il dans ces conditions le bonheur du peuple ? Aucune étude d’impacts n’a été menée. Les autorités nigériennes, excitées par l’odeur d’argent frais, n’ont pas daigné prendre les précautions d’usage. Dans les conditions où les choses se passent, il faut assurément redouter que le rêve du pétrole, qui commence à se matérialiser à travers la pose de la première pierre de la raffinerie à Zinder, ne devienne un cauchemar pour les Nigériens.

Ali Idrissa

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