vendredi 19 décembre 2008

Tandja et la politique du silence




Les Nigériens et les observateurs de la politique à Niamey sont restés sur leur faim. Le discours tant attendu de Tandja, à l’occasion de la célébration du cinquantenaire de la République, est resté sans intérêt. Au lieu d’évoquer les questions brûlantes du moment, celui-ci s’est borné à louer les prouesses de son régime. Et pourtant, l’heure est grave. S’agit-il d’une fuite en avant ou d’une manœuvre intelligemment orchestrée ?

1. Des élections de 2009
Les Nigériens attendaient que le président se prononçât officiellement sur ses intentions par rapport au respect de la constitution et de ce qu’il pense du « Tazartché ». 2009 sera une année électorale mais le président a préféré garder le flou sur ses propres intentions. C’est là une stratégie militaire qui s’appelle « effet de surprise ». C’est une démarche intelligente, car pour l’instant nul ne peut attaquer Tandja sur son intention de briguer un troisième mandat. On reste dans le domaine des suppositions, ce qui barre la route à une quelconque action des politiques et du peuple visant à l’en dissuader. Le suspens restera entier jusqu’au dernier moment et Tandja passera à l’action.

2. Du conflit au Nord
Cela fait près de deux ans que Tandja ressasse sa sempiternelle formule « bandits armés », voulant nier à tout prix l’existence d’un conflit armé fondé sur des revendications politiques. Après avoir, à maintes reprises, annoncé avec éclat le ratissage de la zone sous quelques jours, il refuse de reconnaitre que son armée peu motivée est tenu en échec par le MNJ, un mouvement dont les revendications concernent la politique nationale du pays. Au prix d’un maladroit calcul politique, il s’obstine à nier l’indéniable, se bornant à interdire l’accès à la région d’Agadez à toute personne étrangère et à toute presse. Retranché dans sa bulle de président d’une république souveraine dont il est tant imbu il ne peut admettre la réalité selon laquelle la communauté internationale est bien informée de tout.

3. De l’enlèvement du diplomate
Même si la politique du silence a été payante pour Tandja durant son mandat, sa tentative de minimiser l’événement est plutôt périlleuse. D’autant que le régime nigérien est susceptible d’être tenu directement responsable de cette affaire. Convaincu qu’au nom de la souveraineté nationale, il est en droit d’enlever, supprimer ou faire disparaitre quiconque sans devoir s’en expliquer dès lors que cela se produit sur le territoire nigérien. La vérité est que Monsieur Fowler dérange car il est mandaté par Monsieur Ban Ki Moon pour déclencher un processus de paix au Niger, l’ONU ne souhaitant pas voir renaître un nouveau Darfour dans cette partie du Sahara. Monsieur Fowler dérange car il est le seul officiel étranger à avoir pu séjourner récemment à Agadez et Arlit et interroger des citoyens de cette zone. Le seul à être témoin de la réalité des populations du Nord Niger qui voient en lui la fin possible de son calvaire. Il est le seul à découvrir les atrocités commises dans ce no man’s land créé de toutes pièces par l’équipe de Tandja pour avoir sous le coude une possibilité de prolonger son règne en violation de la constitution.
Tandja et son équipe ont-ils préféré faire le ménage, convaincus qu’après quelques jours de bruit tout rentrera dans l’ordre et l’épine onusienne sera définitivement extirpée de leur pied ? Chose qui dissuadera l’institution quand à sa démarche de faire admettre au Niger la nécessité de ramener le calme et la paix. De la même façon qu’ils viennent d’éliminer physiquement Ahmed Mamadou, entrepreneur à Elmiki. Oubliant sans doute que si ce dernier n’a que sa femme et ses sept orphelins pour le pleurer, Fowler symbolise la communauté internationale.
Tandja opte pour la politique de l’autruche : « Fowler et son assistant sont venus de manière impromptue et n’ont pas informé le ministère de la défense nationale de leur déplacement ». La faute leur incombe donc quant à leur disparition. Etrange façon de se dédouaner et véritable mépris de la personne humaine. Le président de la république n’a pas à s’en préoccuper étant donné qu’il a pour priorité de tordre le cou aux Nigériens et à la constitution dont ils se sont librement dotés pour se maintenir au pouvoir.
Cela peut coûter la vie à des centaines de personnes, ruiner l’économie du pays, provoquer des exodes massifs, seul le résultat compte : le fauteuil présidentiel.
Quant à la communauté internationale, on peut dire qu’elle est mise à mal dans cette affaire : ayant fermé les yeux sur la détresse d’un peuple depuis près de deux ans au nom de la souveraineté nationale, voilà que celle-ci est frappée dans ses rangs.
Va-t-elle faire allégeance au Niger pour éviter un incident diplomatique ou va-t-elle enfin obéir au caractère sacré de la vie ? Au-delà des fonctions des deux Canadiens et de ce qu’elles symbolisaient, ce sont avant tout des êtres humains. La communauté internationale doit penser à leurs familles, à leur pays, à leurs personnes tout simplement.
4/ En conclusion
Tandja tient le bon bout au nom de la souveraineté nationale. Grâce à sa politique de « tout nier », il arrive à ses fins. La crise alimentaire de 2005 a été niée justifiant l’expulsion d’ ONG humanitaires qui laissaient derrière elles des familles victimes de la famine et la maladie. Nul n’avait le droit de commenter cette non assistance à personne en danger car le Niger est souverain. Le conflit du Nord est nié pour éviter la présence de la presse et des organisations non gouvernementales. Le massacre des populations est occulté, la disparition des diplomates onusiens est expédiée, le paysage politique est affaibli et l’opinion internationale est ignorée car le Niger est souverain.
Le pays est pris en otage en attendant qu’enfin soit mise en œuvre la fameuse résolution onusienne « The responsability to protect ».

Issouf ag Maha
Maire de Tchirozerine

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