lundi 23 décembre 2013

LIBYE - 
Article publié le : lundi 23 décembre 2013 à 13:12 - Dernière modification le : lundi 23 décembre 2013 à 13:12

Libye: vers une guerre du pétrole?

RFI
Ibrahim Jadhran, leader de l'Autonomie pour la province de la Cyrénaïque, lors d'une conférence de presse le 15 décembre, principal responsable du bloquage des ports d'exportation de pétrole.
Ibrahim Jadhran, leader de l'Autonomie pour la province de la Cyrénaïque, lors d'une conférence de presse le 15 décembre, principal responsable du bloquage des ports d'exportation de pétrole.
REUTERS/Esam Omran Al-Fetori

Par Christophe Boisbouvier
Voila six mois que la Libye n'exporte pratiquement plus de pétrole. Six mois que des autonomistes bloquent les terminaux pétroliers de l'est du pays. Aujourd'hui, le gouvernement de Tripoli est au bord de la banqueroute et le ministre du Pétrole Abdelbari al-Aroussi menace de recourir à la force pour lever le blocus. Va-t-on vers une guerre du pétrole ? Othman Bensasi est un ancien membre du Conseil national de transition et un ex-conseiller du Premier ministre Ali Zeidan. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
 

Le blocus des terminaux pétroliers, dans l’est de votre pays, est-il le signe que le pouvoir de Tripoli ne contrôle plus cette région ?
Othman Bensasi : Ne contrôle plus ? Peut-être pas tout à fait. Mais effectivement dans les circonstances il y a en fait ce monsieur qui était chargé de surveiller les infrastructures pétrolières de l’est. C’est lui qui a pris l’initiative d’arrêter l’exportation du pétrole et aujourd’hui il contrôle cette zone. Il se trouve que lui est armé. Son travail, c’était de surveiller et maintenant c’est lui qui contrôle ces installations. Il sort en fait du contrôle de l’Etat. Sa tribu a décidé ces derniers jours de reprendre l’exportation lors d’une réunion avec d’autres tribus voisines, mais lui refuse aujourd’hui de reprendre l’exportation du fait que l’Etat n’a pas satisfait ses demandes. Dans ses demandes il y a deux points. Le premier point : il veut installer une commission de contrôle composée de gens de l’ouest, de l’est et du sud et en même temps, partager les revenus avec la région de Cyrénaïque. L’Etat a refusé ces demandes et lui continue à bloquer l’exportation.
Ce monsieur s’appelle Ibrahim Jadhran. Il est très influent dans la région de Benghazi ?
Il n’est pas du tout influent, ce sont les circonstances. En fait, c’est parce que les tribus voisines qui se trouvent dans cette zone ont dernièrement décidé de reprendre, ça veut dire qu’ils ne sont pas tout à fait d’accord avec lui. Mais lui il se trouvait qu’il payait avec des armes, avec des véhicules armés avec du monde autour de lui. Et en même temps, ça sert à certains autonomistes qui réclament bien sûr des services pour l’est de la Libye, ils réclament beaucoup de choses. Et cette pression les arrange, arrange cette personne qui travaille au nom du fédéralisme.
Est-ce que cet individu, Ibrahim Jadhran, n’a pas le soutien de sa tribu al-Maghariba ?
Non pas vraiment parce que le chef de la tribu, dans sa dernière déclaration, disait « nous avons décidé de reprendre l’exportation même s’il refuse ». Là actuellement on cherche à savoir si effectivement, la tribu fait quelque chose ou pas. Il est souvent difficile pour une tribu de faire quelque chose car c’est lui qui est armé, ce n’est pas la tribu.
Ce monsieur et ses miliciens réclament notamment un système fédéral avec une Libye divisée en trois régions comme avant 1963. Est-ce que cela est négociable ?
Je pense qu’il travaille à son compte et ne représente pas les gens de l’est de la Libye. Si on demande aux gens qui habitent l’est de la Libye, soit à Benghazi ou soit à Tobrouck ou ailleurs, on ne retrouve pas ces idées vraiment partout. C’est juste une petite minorité qui réclame ce système de fédéralisme et qui ne représente pas vraiment la majorité des habitants de l’est de la Libye.
Depuis le début de cette crise pétrolière, les revenus de votre pays ont diminué de 80%, c’est énorme. Est-ce que le gouvernement de Tripoli va pouvoir tenir longtemps ?
Non, il ne tiendra pas longtemps. Le Premier ministre lui-même avait déclaré que les salaires vont s’arrêter au mois de janvier ou février. Et le gouvernement actuellement qui est au bout de son mandat parce que le Congrès lui-même devrait s’arrêter le 7 février. Il me semble que le gouvernement va s’arrêter avant le 7 février et qu’il va y avoir un changement de gouvernement avant la date finale du Congrès.
Pourquoi ce gouvernement n’arrive-t-il pas à mettre en place une armée, une police professionnelle pour mettre au pas ces milices armées ?
Depuis le début de la révolution, il y a une opposition à l’installation d’une armée et d’une police. D’une part du fait qu’il y ait des intérêts de la part des islamistes qui veulent maîtriser la situation d’un point de vue de la sécurité. Eux-mêmes ils ont des milices, assez fortes, qu’ils ont payées plus de 900 millions de dinars pour certains groupes. Tout cet argent c’est pour renforcer certaines forces qui sont du côté des islamistes. Ils ne veulent pas l’installation de la police et de l’armée. Ce n’est pas leur stratégie actuellement. Et en même temps, ils ont réussi à contrôler le Congrès. Ils ont réussi à contrôler le Haut commissariat pour les élections. Ils sont en train d’étudier et contrôler le groupe des 60. Et ils ont aussi le plan de contrôler les municipales, prochainement en janvier.
Selon le journal allemand Welt Am Sonntagles chefs islamistes de plusieurs pays, dont le Tunisien Abou Iyad, se seraient rencontrés secrètement à Benghazi en septembre dernier ? Est-ce que vous confirmez ?
Je n’ai pas de confirmation mais effectivement, le pays est ouvert à tout. C’est tout à fait possible. Les extrémistes circulent sans problème.
Et qui est derrière les attentats, les assassinats qui sont quasi-quotidiens depuis plusieurs mois à Benghazi ?
Il y a déjà 3 000 officiers qui se sont mis à la retraite. Si on assassine les officiers qui sont vraiment très actifs et très importants dans l’armée libyenne, ça veut dire qu’on fait tout cela pour que l’armée n’ait plus d’existence. Et en même temps, effectivement, la panique c’est un élément important. La population commence à vraiment être très saturée de tout cela. On met toute l’accusation sur le gouvernement et on accuse également l’armée et la police, le fait qu’ils ne sont pas à la hauteur de la situation de maîtriser la situation à Tripoli et à Benghazi également.
Qu’est-ce qui peut empêcher à l’heure actuelle les islamistes de prendre le pouvoir ?
La rue. Les gens. La population est contre. C’est pour cela qu’ils cherchent par tous les moyens effectivement de prendre le pouvoir, mais pas par les urnes. Si c’est par les urnes c’est la voie démocratique, ils ne vont pas avoir beaucoup de soutien. Donc ils sont en train de chercher une autre solution.

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