Areva, une malédiction nigérienne17 Dec 2013

Areva au Niger, ce sont deux sociétés basées à Arlit, à 200 km au nord d’Agadez, en plein désert : la Somaïr (Société des mines de l’Aïr), créée en 1968, et la Cominak (Compagnie minière d’Akouta), créée en 1974. Le lieu passe pour être l’un des plus inaccessibles au monde. Ici, on n’aime pas trop les journalistes, et encore moins les caméras qui, à l’occasion de quelques tournages clandestins, ont pu attester du peu de cas que le géant du nucléaire français faisait des conditions de sécurité de ses employés autochtones. Exposition aux puissants rayons gamma, manipulation de liquides radioactifs avec de simples gants en caoutchouc… Les mineurs sont souvent mal informés des risques qu’ils encourent. En effet, hormis environ 4000 emplois directs créés par la compagnie à Arlit, la présence d’Areva sur le sol nigérien n’a pas apporté grand-chose aux populations, si ce n’est un taux de radioactivité parmi les plus élevés de la planète.

pathologies multiples

Pourtant, les responsables d’Areva continuent à soutenir qu’Arlit serait un paradis de santé publique. Les deux seuls hôpitaux de la ville appartiennent au groupe et sont réputés être les mieux équipés du pays. Toutefois, en des décennies d’exercice, ils n’ont jamais décelé la moindre maladie radio-induite, ni le moindre cas de cancer. Quelle ville au monde pourrait s’enorgueillir d’un tel bilan ? Si des centaines d’anciens mineurs nigériens d’Areva succombent aujourd’hui en silence à des affections inconnues, le cas d’un ancien chef mécanicien de la Cominak a fait beaucoup de bruit en France.
Serge Venel a servi Areva entre 1978 et 1985 et témoigne d’un temps où les employés travaillaient en short et chemisette, sans casque ni masque. Il est décédé en juillet 2009 à l’âge de 59 ans des suites d’un cancer du poumon. Selon son médecin, son cancer est dû à l’inhalation de poussières d’uranium. En novembre 2012, le tribunal des affaires de la Sécurité sociale (Tass) de Melun a condamné Areva à verser la totalité de son salaire à sa veuve, ainsi que 200 000 euros de dommages et intérêts. La fille de la victime parle d’une victoire qui ouvrira la porte à d’autres familles qui avaient jusqu’ici peur de parler ou d’attaquer Areva. Le géant du nucléaire, lui, a déclaré au journal Le Monde ne pas comprendre un tel jugement et qu’aucun lien n’avait été établi entre la cause de la maladie et l’employeur. Feu S. Venel aurait probablement inhalé des poussières d’uranium à Melun…
Fleuron de la Françafrique

L’ancienne puissance coloniale a également procédé à 17 essais nucléaires secrets dans le Sahara algérien entre 1960 et 1966 et consommé de l’uranium malgache entre 1953 et 1960. Selon un collectif d’associations qui luttent contre les méthodes d’Areva, la compagnie aurait obtenu en 2009 un mémo pour l’extraction du minerai jaune sur l’ensemble du territoire de la RDC. Le Sénégal pourrait aussi accueillir les activités d’Areva, qui s’y est implanté fin 2007. En Centrafrique, où la France commence à envoyer des soldats, le minerai a été extrait jusque dans les années 1970. Areva y a acquis une mine en 2006, mais le projet est actuellement gelé. En 1961, la France a signé un partenariat avec le régime de l’apartheid et a contribué à son programme nucléaire civil et militaire en échange d’uranium en provenance de la Namibie, occupée par l’Afrique du Sud. D’ailleurs, la mine namibienne de Trekkopje, propriété d’Areva, dont l’exploitation est actuellement gelée, pourrait bien redevenir l’un des principaux fournisseurs de l’énergie « propre » hexagonale.
Zineb El Rhazoui
1. Oxford Commitee for Famine Relief, confédération d’ONG qui luttent contre la pauvreté et les injustices dans le monde
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