lundi 2 janvier 2012

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Un appel au secours des Touaregs du Mali


Lundi 2 janvier à 9h05. Je ne suis pas encore à mon bureau que le téléphone sonne. C'est mon ami Mohamed qui m'appelle de Gao (Mali). Rien là de très exceptionnel, hormis l'heure et la date.
Mohamed était notre chauffeur lors d'un voyage un peu chaotique, en octobre 2007, chez les Touareg de l'est malien. Nous avons noué des rapports d'amitié et, depuis, nous continuons de correspondre régulièrement par téléphone.
Et par téléphone seulement puisque toute cette région nord et est du Mali est devenue inaccessible aux « toubabs » (les blancs) que nous sommes du fait des agissements terroristes d'AQMI. Pour ce Songhaï (minorité noire du Mali), mon numéro de téléphone est le lien ultime et minuscule qu'il parvient à entretenir avec le monde extérieur.
S'il m'appelle ainsi dès 9 heures du matin un 2 janvier, c'est qu'il est en compagnie de Farouk, « grand frère » (en réalité le cousin) d'Alagha, le remarquable chef de la petite communauté Touareg à l'invitation de laquelle nous nous rendions. Plus de trois ans qu'Alagha et les siens, par dépit et découragement, refusent catégoriquement tout contact avec les « toubabs. » Or, cette fois, Farouk veut profiter de ce lien si ténu entretenu par Mohamed avec le monde extérieur. Il veut me parler. Et ce qu'il m'a dit, ce matin d'année toute neuve, c'était à la fois un pathétique appel au secours et un immense cri d'espoir.
« Il faut que tu dises... » m'a-t-il moult fois répété tout au long de son long discours. Que le sac de mil est aujourd'hui à 30.000 francs CFA (environ 45 euros) sur le marché de Gao. Il coutait moitié moins cher il y a un an ; qu'il n'y a plus la moindre structure médicale à l'est de Gao ; que les populations nomades sont totalement livrées à elles-mêmes et dans un état sanitaire épouvantable ; qu'à Gao même, il n'y a plus rien à faire qu'à survivre d'expédients et de petits (et moins petits...) trafics...
Un pays que l'ostracisme qui lui est imposé par la peur des agissements d'ACMI et notre impuissance à y faire face condamne à une mort lente. Un pays qui n'a plus rien pour vivre alors que lui parviennent d'énormes quantités d'armes en tous genres exfiltrées de Lybie...
Et pourtant « la sécurité est en train d'être rétablie » m'affirmait Farouk ce matin. « La preuve, ajoutait-il, on a arrêté les ravisseurs des deux Français enlevés à Hombori, il y a quelques semaines. » Ces deux Français-là et quelques autres n'en restant pas moins entre les mains d'AQMI probablement fort loin de là, au nord du Mali.
J'ai promis à Farouk de ne pas garder pour moi ce qu'il venait de me dire. Nous nous sommes quittés. Sur France Inter, au même moment, passait un reportage sur le début délirant des soldes d'hiver en Lorraine...
Didier Cornaille

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