Crise nigérienne: Convaincre Yar’Adua ou périr ?
C’est une lapalissade que de dire que le Niger est plongé dans une crise politique sans précédent. Le responsable de cette situation délétère, Mamadou Tandja, qui a tripatouillé la loi fondamentale de son pays pour rallonger de trois ans son deuxième mandat, lequel expirait normalement en 2009.
Grâce à ses conseillers occultes, il avait préalablement pris soin de sauter tout oukase constitutionnel entravant le bon aboutissement de son forfait. En effet, pour être à la hauteur de son péché, il a d’abord dissous l’Assemblée nationale et la Cour constitutionnelle, puis a organisé un référendum pour valider son vœu.
Le bouquet final de cette marche forcenée vers la 5e République a eu lieu le 20 octobre 2009 à travers des législatives, boycottées par l’opposition. Ce qui lui a permis de se tailler ainsi un Parlement totalement acquis à sa cause.
Durant tout ce processus, l’homme fort de Niamey est resté sourd à tous les appels de l’opinion internationale et de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dont fait partie le Niger, à renoncer à son projet, que ses opposants ont qualifié de « coup d’Etat constitutionnel ».
Et voilà que, depuis quelque temps, contre toute attente, Mamadou Tandja, le teigneux, a retourné sa veste, se montrant disposé à « privilégier la voie du dialogue ». Comment peut-on comprendre une telle reconversion du président nigérien ? S’est-il senti enfin ébranlé par l’exclusion momentanée de son pays des instances de l’organisation sous-régionale pour non-respect des règles du jeu démocratique ?
C’est ce qui explique, peut-être, la tournée d’une délégation d’émissaires, pilotée par le Premier ministre, Ali Badjo Gamati, auprès de ses homologues à Bamako, à Dakar, à Abidjan, à Ouagadougou, à Malabo et à Lomé. Certainement pour solliciter le soutien de ces derniers auprès de l’organisation sous-régionale pour la levée de la sanction infligée contre le pays du Ténéré.
Depuis lundi dernier, une autre délégation, forte d’une vingtaine de membres et représentant la mouvance présidentielle, séjourne à Abuja, la capitale nigériane. Conduite par l’ancien Premier ministre Seïni Oumarou, actuel chef du Mouvement national pour la société de développement (MNSD), parti au pouvoir, celle-ci compte en son sein deux dirigeants de partis soutenant Tandja, Cheiffou Amadou du Rassemblement social démocrate (RSD) et Hamid Algabid du Rassemblement pour la démocratie et le progrès (RDP).
Elle a la lourde mission de débattre avec le médiateur nommé à cet effet par la CEDEAO, le général Abdusalami Abubakar (ancien chef d’Etat nigérian) pour une sortie de crise. Mais au-delà du plaidoyer contre la suspension du pays d’Amani Diori de l’organisation communautaire, la délégation dépêchée par Tandja inscrira, inévitablement, un autre point à l’ordre du jour de cette rencontre, la fermeture partielle par le Nigeria de sa frontière avec le Niger au niveau de Maradi et de Zinder.
Selon les informations à notre disposition, si les passagers continuent de circuler librement, ce n’est pas le cas des marchandises, dont l’entrée et la sortie seraient empêchées par les douaniers nigérians. Ce qui n’est pas sans conséquences sur l’approvisionnement des Nigériens en produits de première nécessité provenant du Nigeria. A ce qu’on dit, même si les informations ont été démenties par les autorités des deux pays, le Nigeria aurait pris cette stratégie pour amener le président Mamadou Tandja à reconsidérer les règles du jeu démocratique.
En tout cas, sur ce point précis, on pourrait comprendre ce qui fait courir l’homme fort de Niamey. Il peut bien faire la sourde oreille aux lamentations de certains de ses pairs de la sous-région qui n’ont d’ailleurs pas de leçons à lui donner, puisque ayant, eux aussi, accédé à la magistrature suprême après avoir tordu le coup à la loi fondamentale de leur pays. Mais, avec le Nigeria, le géant de l’Afrique, dont le Niger, sur le plan économique (en produits de première nécessité comme en électricité), dépend fortement, il n’y a pas match comme on le dit.
A présent, il est à se demander si l’intervention du médiateur, le général Abdusalami Abubakar, à l’étape actuelle, peut amener Tandja à rebrousser chemin. Bref, ces pourparlers, compliqués donc, que les Nigériens viennent d’entamer avec le Grand Nigeria, auxquels s’ajoutent bien d’autres, encore plus embarrassants comme ceux de la Côte d’Ivoire, du Togo, de la Guinée et de la Guinée Bissau, nous amènent à nous interroger sur l’avenir de la sous-région ; cet espace communautaire tourmenté qui passe son temps à courir derrière la paix, voire à éteindre des feux.
Hamidou Ouédraogo
http://www.lobservateur.bf/spip.php?article12758
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