Le réalisateur nigérien Sani Magori
invité au festival de Cannes
Le célèbre tapis rouge de la croisette acceuille cette année des réalisateurs africains dont notre compatriote Sani Magori, réalisateur notamment du documentaire "Pour le meilleur et pour l'oignon".
Le cinéma africain a retrouvé une adresse, celle des grands festivals. A Cannes, une trentaine de jeunes réalisateurs de ce continent sont venus présenter un film ou un documentaire. Comme si une nouvelle génération arrivait.
"Les festivals sont le seul territoire qui nous reste. C'est le désert en Afrique", explique le Tchadien Mahamat-Saleh Haroun, réalisateur d'Un homme qui crie, en compétition officielle à Cannes. La plupart des salles du continent ont fermé, et les aides publiques à la production sont rarissimes. "On a affaire à des gouvernements qui n'ont aucun intérêt à financer un art subversif", explique Mahamat-Saleh Haroun. Mais ce dernier ne veut "pas jouer les pleureuses".
Pas plus que les jeunes réalisateurs qui ont été invités à Cannes via Culturesfrance, opérateur public visant à favoriser les échanges culturels. Invités, aussi, l'Ethiopien Abraham Haile Biru, qui a créé l'unique école de cinéma d'Afrique de l'Est (Blue Nile Academy). Ou encore, le producteur congolais Djo Tunda Wa Munga, qui veut adapter à l'écran six œuvres de littératures contemporaines africaines. Comment leurs projets sont-ils arrivés jusqu'à Cannes ? Un documentariste et une cinéaste racontent.
Le documentaire du Nigérien Elhadj Magori Sani, Pour le meilleur et pour l'oignon, a peu de chances de sortir en salles ou à la télévision. Il fait sa vie dans les festivals et accumule les prix au fil de sa tournée (New York, Guangzhou, Munich...). Ce film est une parabole de la mondialisation.
A Galmi, village du Niger, les habitants vivent au rythme de la culture de l'oignon violet, et de ses 400 000 tonnes de production qui irriguent l'Ouest africain. Quand l'oignon va, tout va...
Mais Elhadj Magori Sani nous donne à voir le cauchemar de l'oignon, à travers une histoire intime : le mariage de sa cousine, sans cesse retardé parce que la récolte de son père ne rapporte jamais assez. Les paysans sont aux mains des spéculateurs...
Elhadj, comme tout le monde l'appelle, a découvert le cinéma à 11 ans. "Mon père avait une entreprise de transport. Un chauffeur m'emmenait tous les soirs en douce au cinéma de Malbaza, à quatorze kilomètres." Depuis, toutes les salles ont fermé, il n'en reste plus qu'une dans le pays.
La productrice Magali Chirouze, de la société Adalios, a repéré le cinéaste en 2006 au moment où il présentait son scénario à Saint-Louis (Sénégal). "Il parlait avec beaucoup d'humour et il connaît bien son sujet", raconte-t-elle. Elhadj, 39 ans, est agronome de formation. Adalios et la société nigérienne Dangarama sont les deux producteurs délégués de ce film, tourné avec un budget de 95 000 euros.
"Le cinéma est un outil de développement pour le pays", souligne le réalisateur, qui forme à son tour des cinéastes au sein d'Africadoc, programme de l'association Ardèche Images pour le développement du documentaire africain. C'est via Africadoc, et sa collection de films Lumière d'Afrique, que L'Oignon a été envoyé à Cannes.
Loin de l'ethnographie, le long métrage de la Kényane Wanuri Kahiu, From a Whisper, revisite l'attentat contre l'ambassade américaine de Nairobi, commis le 7août 1998, par une organisation islamique.
"Les actes terroristes laissent derrière eux des statistiques, le nombre de morts, etc. J'ai voulu montrer le drame intime vécu par une famille, raconte la jeune femme de 29 ans, qui a étudié le cinéma à la School of Film and Television, à Los Angeles. Une association voulait commémorer les attentats, dix ans après. J'ai accepté, à une condition : faire un film de fiction. C'est un film de commande, financé par des fonds privés."
Facile, à l'entendre. Pourtant, le tournage de From a Whisper fut éprouvant. "Comme le terrorisme est un sujet très sensible, on était protégé par un garde du corps. Il a fallu négocier pour tourner des scènes dans la mosquée." C'est un responsable audiovisuel de la France au Kenya qui a remarqué le film et l'a signalé à Culturesfrance, explique-t-elle. Attachée à l'Afrique et à son pays, où elle vit toujours, Wanuri Kahiu n'exclut pas de faire des films en dehors du continent, "là où les sujets me porteront".
Elle a réalisé un court métrage de science-fiction, Pumzi – l'Afrique au lendemain d'une catastrophe écologique –, sélectionné au dernier Festival de Sundance. Elle ne le cache pas : "Mon rêve est de revenir à Cannes, un jour, avec un film en sélection officielle."
Clarisse Fabre
source: Le Monde du 19 Mai 2010
Lisez l'interview de Sani Magori par RFI à l'occasion de son invitation au festival de Cannes
mercredi 19 mai 2010
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