Lettre hebdomadaire d’ Informations Stratégiques-19 mai 2010 - n°759
Tiraillements géopolitiques en pays touareg
lundi 31 mai 2010
Selon nos sources au pays Touareg, la situation reste particulièrement précaire dans l’ensemble de la région.
La dernière rencontre de janvier 2010 entre cadres politiques et militaires du Mouvement Touareg a fait ressortir les pistes pour faire revenir la stabilité dans la région : entre autres, le mouvement a sollicité une reprise de dialogue entre l’Etat et les Touaregs dans l’esprit de l’Accord de Paix signé entre les deux parties en 2006.
La partie touarègue a également proposé la mise en place d’un projet de lutte contre les groupes islamistes dans la région (les inviter à retourner dans leur pays d’origine, l’Algérie ou la Mauritanie).
Dans la vision des Touaregs, les autorités maliennes ont montré une fois de plus leur mauvaise volonté en boudant ce projet de réconciliation. L’esprit des autorités maliennes serait ailleurs : chasser les Touaregs de leur espace. Ces derniers utiliseraient aussi cette instabilité non seulement pour vendre armes et minutions aux groupes terroristes d’Al-Quaida au Maghreb islamique (AQMI), mais également pour protéger par des escortes certains convois de drogue, dont les principaux fournisseurs se trouvent dans l’entourage de la présidence de la République malienne et au niveau de l’état major de l’armée du Mali.Cette vision touarègue est-elle légitime et fondée ? Les Touaregs ne profitent-ils pas eux aussi de la situation ? Toujours est-il que la rupture avec le Mali est définitivement consommée.L’expérience et les données recueillies sur le terrain montrent que l’AQMI serait devenu le partenaire privilégié de certains officiers et officiels maliens, n’en déplaise au Quai d’Orsay.
D’après nos sources, les deux principaux chefs terroristes de l’AQMI (Abou Zeid Abdelhamid et Ben Moktar Laouar) ont réceptionné aux mois de novembre 2009, février, avril et le 9 mai 2010, des tonnes de munitions diverses en provenance de l’armée malienne (par l’intermédiaire de réseaux bien établis et bien connus). Ces deux terroristes posséderaient, depuis quelques mois, une quantité non négligeable de petits missiles portatifs. Ils auraient blanchi des sommes importantes (recettes de rançons, trafics de drogue...) en investissements dans les régions de Gao, Mopti et Bamako, par leurs antennes locales et nationales.
Le 21 avril, lors de l’enlèvement du ressortissant Français au nord du Niger, l’armée malienne était censée quadriller les entrées sur son territoire, pour identifier et intercepter les auteurs du rapt. En réalité, l’armée a ouvert une brèche au nord-est, et les patrouilles de l’armée malienne sont parties du 22 au 26 avril vers le sud de la ville de Kidal (à Intibzaz et Tassak, où elles ont inquiété et fouillé les campements d’éleveurs touaregs, asphyxiés par la sécheresse et qui ne reçoivent aucun secours de l’Etat).
Le 23 avril, l’otage français se trouvait déjà en territoire malien dans l’une des bases de l’AQMI située à 60 km à l’est du cercle de Tessalit, où se trouvent un bataillon de l’armée malienne, une brigade de la gendarmerie, une brigade de la douane, une garnison de la garde nationale ; l’armée malienne était parfaitement informée de l’entrée des ravisseurs (issus du groupe terroriste d’Abou zeid Abdelhamid, qui a une base fixe près de la base militaire malienne de Tessalit) au Mali, mais elle n’a fait aucun mouvement dans leur direction.
L’otage a ensuite été transféré en toute tranquillité, au regard de tous, vers un site plus discret, qui serait proche de celui où sont détenus deux humanitaires espagnols. Il semblerait que les autorités françaises se soient lassées depuis la dernière mascarade organisée par Bamako, pour libérer Pierre Camate, d’entrer une seconde fois dans un « coup tordu »...
Les Touaregs originaires de la région de Kidal (Adrar des Iforas) sont donc toujours au cœur du conflit. Il est regrettable que les médias français ne leur apportent pas plus de considération et de crédit.
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