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jeudi 18 mars 2010
Tchad-Soudan : les dessous d'une réconciliation
Tchad-Soudan : les dessous d'une réconciliation
25/02/2010 à 12h:04 Par Cheikh Yérim Seck, envoyé spécial à N'Djamena
jeune Afrique
Béchir (à dr.) accueille son homologue Déby Itno à Khartoum, le 8 février
© AFP Les deux chefs d’État ont signé un accord qui doit mettre fin à cinq ans de conflit entre leurs pays. Conseillers et diplomates négociaient depuis septembre 2009.
Annoncée à la surprise générale, après cinq ans de guerre larvée entre le Tchad et le Soudan par rebelles interposés, la visite du président Idriss Déby Itno à Khartoum, les 8 et 9 février, est le fruit d’un intense et discret travail diplomatique mené entre les deux pays.
Tout commence en septembre 2009, quand Ghazi Salaheddine, conseiller spécial d’Omar el-Béchir chargé du dossier du Darfour, parvient à convaincre ce dernier de la nécessité d’éteindre « le front ouest » en faisant la paix avec le Tchad. À l’appui de sa thèse, le conseiller argumente : la guerre coûte cher, envenime la situation au Darfour, pour financer une rébellion qui a peu de chances d’arriver de nouveau jusqu’à N’Djamena.
Le 9 octobre suivant, Ghazi Salaheddine arrive à N’Djamena, rencontre le président Idriss Déby Itno et lui fait part de la volonté de son homologue soudanais d’aller vers un processus de normalisation de leurs rapports. Le chef de l’État tchadien pose un préalable aux discussions. Il veut que « les mercenaires tchadiens » massés à la frontière du côté soudanais soient éloignés d’au moins 300 km. En témoignage de sa bonne volonté, Béchir s’exécute : les rebelles, qui se trouvaient à El-Geneina, à quelque 30 km de la ligne de démarcation, sont délocalisés à 400 km de là.
Vers une force mixte
Après ce geste, Déby Itno envoie à Khartoum, le 24 décembre, son ministre des Affaires étrangères, Moussa Faki Mahamat, accompagné de l’ambassadeur du Tchad aux États-Unis, Mahamoud Adam Béchir (qui connaît beaucoup de membres du régime soudanais pour avoir fait ses études universitaires à Khartoum) et d’officiers de l’armée. La délégation rencontre Béchir et lui remet un message personnel de son homologue. Le numéro un soudanais exige alors à son tour l’éloignement du territoire tchadien du Mouvement pour la justice et l’égalité (JEM, la rébellion qui sévit au Darfour) et de son chef, Khalil Ibrahim.
N’Djamena s’exécute illico presto. Khalil Ibrahim est convoqué, sommé de négocier avec le pouvoir soudanais ou de quitter le Tchad. Après avoir accepté le principe du dialogue, il est mis en contact téléphonique le 29 décembre avec Ghazi Salaheddine. Les deux hommes conviennent de se rencontrer le 15 janvier 2010 à N’Djamena. Ils se verront à la date convenue, auront un entretien de plus de trois heures, avant qu’Ibrahim ne remette à son interlocuteur un long mémorandum contenant ses doléances et sa vision de la fin de la guerre.
Avant de quitter Khartoum, la délégation tchadienne a commencé à travailler avec un groupe soudanais composé de Salaheddine, bien sûr, mais aussi de Mohamed Attar, directeur des renseignements, et de hauts officiers. Les deux parties se reverront à N’Djamena et à Khartoum avant d’aboutir, le 5 février, à un accord.
Dans ce texte, il est prévu la mise en place d’une force mixte de surveillance de la frontière commune composée de 1 500 Tchadiens et de 1 500 Soudanais. Ces hommes se répartiraient sur dix points de contrôle, cinq au Soudan et cinq au Tchad. Pendant les six premiers mois, le commandement serait basé à El-Geneina, avec un commandant soudanais assisté d’un adjoint tchadien. Les six mois suivants, il serait basé à Abéché, au Tchad, avec un commandant tchadien et un adjoint soudanais.
« Un énorme travail »
Sur la question des combattants, l’accord prévoit, d’ici au 21 mars, « délai de rigueur », que les rebelles tchadiens se trouvant au Soudan soient, pour ceux qui le désirent, rapatriés dans leur pays d’origine. Et vice versa. Pour ceux qui ne le souhaitent pas, ils bénéficieront du statut de réfugié politique là où ils se trouvent. À condition cependant que leur pays d’origine l’accepte. En clair, si, par exemple, le chef rebelle Timane Erdimi ne veut pas retourner à N’Djamena, il devra trouver une autre terre d’accueil dans le cas où Déby Itno ne voudrait plus de sa présence au Soudan.
Sur la question du Darfour, le Tchad, qui a tenu à signaler qu’il ne croyait pas à une solution militaire, s’engage à ne plus servir de base arrière aux rebelles du JEM, mais également à contribuer à leur désarmement et à leur rapatriement, conformément au processus de Doha.
Voilà pour le texte. Reste sa mise en œuvre. Elle a déjà commencé en ce qui concerne la formation de la force de surveillance de la frontière, et la confection de la liste de rebelles évoluant sur le territoire a elle aussi été lancée (chaque pays a l’obligation de transmettre à l’autre, afin de lui permettre de faire le tri entre ceux qu’il accueille, ceux qu’il laisse chez le voisin et ceux dont il demande l’éloignement).
Le processus ira-t-il jusqu’au bout ? Une seule certitude : jamais conjoncture politique n’a été aussi favorable à la paix. Omar el-Béchir, affaibli par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) et des menaces de nouveaux soulèvements au Sud-Soudan, veut aller aux élections générales d’avril prochain le boulet tchadien en moins.
De son côté, Idriss Déby Itno, qui est en année préélectorale et entend accélérer le rythme pour terminer des réalisations à exhiber à ses compatriotes, a besoin d’affecter à ces défis l’énergie et l’argent qu’il consacrait à la guerre.
Il veut y croire et lançait à son hôte avant son départ : « Après tout ce qui s’est passé, ce serait dommage si vous laissiez les mercenaires m’attaquer à nouveau. Et un véritable gâchis après l’énorme travail que nous avons dernièrement abattu. »
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