lundi 8 mars 2010

Otages européens dans le désert malien : Après la France, Al Qaïda fait chanter l’Espagne et l’Italie

Abdoulaye Diakité L’indicateur Renouveau, 08/03/2010
Otages européens dans le désert malien : Après la France, Al Qaïda fait chanter l’Espagne et l’Italie
lundi 8 mars 2010

Après avoir réussi à libérer ses semblables détenus au Mali en contrepartie de l’élargissement de l’otage français Pierre Camatte, Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), cherche maintenant à ériger cette stratégie en loi. Après le Mali, c’est autour de la Mauritanie de se faire presser par le chantage d’AQMI dans la libération des otages espagnols et italiens. Comme pour dire que désormais chaque fois que l’organisation criminelle aura ses membres emprisonnés quelque part, elle cherchera toujours à kidnapper des européens afin d’imposer la loi du chantage pour obtenir leur libération.

C’est le lundi 1er mars que l’ultimatum lancé par Al Qaïda au Maghreb Islamique, appelant la Mauritanie à libérer ses membres en contrepartie de l’élargissement du couple italien, s’est expiré. L’ultimatum a pris fin sans que le souhait d’Al Qaïda ne soit réalisé. Les membres d’Al Qaïda emprisonnés en Mauritanie n’ont pas été relâchés (ce pays ayant refusé de négocier avec les terroristes) et l’organisation criminelle n’a pas aussi exécuté le couple italien (Sergio Cicala et son épouse Philomène Kaboré, d’origine Burkinabè) fait otage depuis le 18 décembre 2009 à la frontière mauritanienne, au moment où il se rendait au pays des hommes intègres.

Pendant qu’on était préoccupé par leur sort du côté de l’Italie (qui a préféré négocier autrement avec les terroristes à travers le président ATT), c’est vers l’Espagne qu’Al Qaïda s’est aussi tourné avec les mêmes exigences (c’est-à-dire la libération de ses membres en Mauritanie) en contrepartie de la libération des trois espagnols. Le Premier Ministre espagnol, José Louis Rodriguèze Zapatéro s’est dit surpris par cette nouvelle exigence, le vendredi 5 mars 2010. Lui que la presse espagnole a déclaré en train de négocier une rançon avec les terroristes. En effet, la presse espagnole avait affirmé il y a quelques semaines qu’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) réclamait une rançon en vue libérer les trois humanitaires enlevés en territoire mauritanien le 29 novembre. Le 21 février, le quotidien espagnol El Mundo avait même affirmé que Madrid était en train de payer 5 millions de dollars à Al-Qaïda pour la libération des trois otages.

Mais il faut dire que depuis le début de ce mois, en plus de la rançon, Al Qaïda exige la libération de ses ressortissants en Mauritanie. Donc pour la libération des otages espagnols et italiens, Al Qaïda exige que ses membres soient libérés en Mauritanie.

Les négociateurs que le président malien, Amadou Toumani Touré (saisi entre-temps par italiens et espagnols), a mis sur ce dossier d’otages européens, sont à présent bloqués par cette nouvelle condition d’Al Qaïda. « Les responsables d’Al-Qaïda exigent désormais la libération de plusieurs islamistes, notamment détenus en Mauritanie", nous a déclaré une source proche des négociations. "Je reviens de là-bas (de chez les ravisseurs ndlr), ils ont vraiment insisté pour la libération de leurs combattants", a déclaré ce négociateur à notre source.

Selon toujours les mêmes sources, le 1er mars, un autre négociateur n’était guère optimiste. "Le dossier des otages espagnols est au point mort. Les otages se portent bien. Mais depuis quelques jours, ça ne bouge plus", a-t-il indiqué. "C’est comme quand tu construis une maison. Quand il manque du matériel, la construction n’avance plus. Les otages espagnols peuvent être libérés demain ou dans dix, vingt jours", ajoutera-t-il encore

Le hic, c’est qu’il n’est pas évident que l’Italie et l’Espagne puissent réaliser avec la Mauritanie (la faire libérer les membres d’Al Qaïda) ce que la France a pu faire avec le Mali, car, le jeudi 4 mars, le Premier Ministre mauritanien, Moulaye Ould Mohamed Laghdhaf, a affirmé que son gouvernement refusait de négocier avec "les groupes terroristes" ou de faire un échange de prisonniers contre des otages en leur possession. "Il n’y aura pas de négociations avec ces groupes terroristes et il n’y aura pas d’échange de qui que ce soit, contre qui que ce soit, avec les preneurs d’otages", a-t-il affirmé au cours d’une conférence de presse.

"Autrement, on n’en finira jamais", a expliqué le Premier ministre mauritanien, affirmant cependant que son pays entendait "faire tout ce qui est en son possible pour que les otages pris sur notre territoire puisse retrouver leur liberté et regagner les leurs".

Les trois otages espagnols sont détenus par l’un des chefs d’Aqmi au sud du Maghreb, Moctar Ben Moctar. Le couple d’Italiens est quant à lui retenu par Abou Yaya Hamane, un lieutenant de Abou Zeïd, qui détenait l’otage français Pierre Camatte, libéré le 23 février. Cette libération avait suivi la mise en liberté par le Mali de quatre islamistes réclamés par Al-Qaïda. Le 2 mars, l’Algérie a souhaité que la décision malienne de libérer des islamistes en échange d’otages ne se répète pas. D’ailleurs cette libération a entraîné une crise diplomatique entre le Mali et ses deux voisins. Alger et Nouakchott ayant rappelé leurs ambassadeurs à Bamako, qu’ils accusent d’être le maillon faible de la lutte contre Al-Qaïda dans le Sahel.

Il faut rappeler que les trois volontaires espagnols (Albert Vilalta, Roque Pascual et Alicia Gamez) de l’ONG Barcelona Accio Solidaria avaient été enlevés le 29 novembre 2009, sur la route côtière très fréquentée Nouadhibou-Nouakchott, à 170 km au nord de la capitale mauritanienne, alors qu’ils circulaient à bord du dernier véhicule d’un convoi acheminant de l’aide vers l’Afrique de l’Ouest. Pour leur libération, Al Qaïda exige désormais du gouvernement espagnol non seulement le payement de 7 millions de dollars, mais aussi la libération de ses membres détenus en Mauritanie, c’est-à-dire comme le redoutable réseau a su le faire avec la France en faisant libérer ses membres par Bamako. Quant au couple italien (Sergio Cicala et son épouse Philomène Kaboré) pour sa libération AQMI avait accordé 25 jours à partir du 4 février dernier, à l’Italie pour libérer aussi ces mêmes membres détenus en Mauritanie. Comme pour dire combien de foi Al Qaïda tient à la libération de ces prisonniers en question et que désormais la méthode sera érigée en loi. Désormais chaque fois qu’Al Qaïda aura ses membres emprisonnés dans un pays, il cherchera toujours à kidnapper les ressortissants des grandes puissances pour les faire chanter.

Abdoulaye Diakité

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