Libération de Camatte : Un geste déloyal
mercredi 3 mars 2010 - 08h:56
Yazid Alilat - Le Quotidien d’Oran
La libération rocambolesque, à la manière d’un mauvais thriller américain, de l’otage français Camatte par les terroristes de l’AQMI, qui ont berné le gouvernement et l’armée du Mali en empochant une coquette somme d’argent et la libération de quatre de leurs sbires, est un défi à tous les accords de coopération entre Alger et Bamako.
Certes, l’intrusion catastrophique et maladroite de la France dans cette affaire n’a pas arrangé les choses. Bien au contraire. Car au moment où l’Algérie réclamait en vain l’extradition des terroristes de l’ex-GSPC alors aux mains de l’armée malienne, Paris et Bamako négociaient pour leur libération en échange de l’otage français. Et, ce qu’il y a de plus dangereux dans ce marché de dupes, et on se croirait au temps de la « guerre des barbouzes », c’est que le gouvernement malien a foulé aux pieds tous les accords et conventions, notamment celles sur l’entraide en matière de lutte antiterroriste, avec l’Algérie. A Bamako, les choses sont, hélas, vues autrement, jusqu’à travers la presse locale qui tente de renverser les rôles pour accabler l’Algérie de tous les maux, même si officiellement aucune réaction n’a été enregistrée. Certes, l’Algérie, pour rester fidèle à ses principes, a rappelé pour consultation son ambassadeur, également facilitateur dans les négociations entre le gouvernement malien et l’opposition armée du nord-Mali, à la suite de cet infâme échange accepté par les Maliens, envers et contre tous les accords de coopération qui les lient avec Alger.
Car, non seulement Bamako a plié devant les exigences injustifiées de la France pour libérer de dangereux terroristes activement recherchés et demandés par l’Algérie, mais il a permis le financement des groupes terroristes de l’AQMI qui écument le nord du mali et dont les nuisances ne vont se répercuter que contre les pays de la région, l’Algérie en premier lieu, qui a payé le prix fort de la lutte antiterroriste. On doute fort que là est l’objectif du Mali ; mais force est de reconnaître, hélas, que beaucoup de pays d’Afrique anciennement colonies de la France, restent toujours fascinés par l’ancienne puissance coloniale.
Quels arguments, autres que financiers et politiques, Paris a-t-il donnés au gouvernement malien pour qu’il organise un simulacre de procès et libère quatre dangereux terroristes ?
Devant une amnésie soudaine de tout ce qu’il a convenu avec l’Algérie, cela est lourd de conséquences pour la paix dans le Sud algérien mais également le Nord malien, le gouvernement du Mali reste, jusqu’à ce qu’il reconnaisse officiellement ses errements dans cette scabreuse affaire Camatte, comptable d’une grave dérive politique. A moins que devant l’ombre de l’ancienne puissance coloniale, tout s’efface et redevienne comme avant, pour beaucoup de gouvernements africains, jusqu’à exaucer les vœux les plus déments de la France, au détriment de sa propre survie politique. La presse malienne a beau faire du nombrilisme dans cette triste affaire, elle ne pourra, pour autant, cacher les terribles conséquences d’une infâme abdication devant des terroristes et l’ancienne puissance coloniale. Mais le geste irréfléchi de Bamako a surtout donné un coup de poignard dans le dos de ses voisins, qui l’ont soutenu dans les moments difficiles, défendu son intégrité territoriale, et encouragé la réconciliation nationale au Mali.
Est-ce là la rançon de l’engagement franc et sincère de l’Algérie pour un pays qui reste, au-delà des contingences politiques et sécuritaires actuelles et futures, un pays ami ? Parfois, l’amnésie est terrible.
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