dimanche 7 mars 2010

L’Algérie inquiète du trafic de cocaïne et des activités des terroristes : Le pouvoir malien transforme le nord de son pays en poudrière


El Watan : 6 mars 2010
L’Algérie inquiète du trafic de cocaïne et des activités des terroristes : Le pouvoir malien transforme le nord de son pays en poudrière


Jamais le nord du Mali n’a connu une situation aussi explosive que celle subie actuellement par sa population. A la pauvreté et la sécheresse est venu se greffer le fléau de l’insécurité, imposé par les activités d’une alliance diabolique entre les terroristes et les barons de la cocaïne. Encouragés par la passivité et en même temps la complicité de Bamako, ces trafics constituent une lourde menace pour toute la région.

En fermant les yeux sur les graves événements qui se déroulent sur son territoire du nord, Bamako joue avec le feu et compromet la sécurité de toute une population déjà lourdement affectée par la pauvreté et la sécheresse. Par sa politique très controversée et le non-respect de ses engagements vis-à-vis de ses voisins immédiats, mais également des représentants de la communauté touareg, le régime malien a fini par s’isoler. Et ce n’est certainement pas les propos rassurants de son ministre des Affaires étrangères, Moctar Ouane, tenus le 3 mars, devant les diplomates accrédités au Mali, qui peuvent affirmer le contraire. En effet, ce dernier s’est senti obligé de redorer le blason de son pays après l’élargissement des quatre terroristes en contrepartie de la libération d’un otage français, comme l’exigeait Al Qaîda.

Au cours d’une rencontre avec les diplomates des pays étrangers accrédités au Mali, il a tenu à expliquer le geste de son président en précisant que les quatre criminels recherchés par la Mauritanie et l’Algérie, « les sieurs Mohamed Ben Ali et Tayed Naïl de nationalité algérienne, Béïd Ould Nafaâ de nationalité mauritanienne et Houdo Karifo de nationalité burkinabé (…) ont été condamnés à 9 mois de prison ferme pour détention illégale d’armes et de munitions. Cette peine étant couverte par le temps de détention des prévenus, ceux-ci ont été libérés ». Le ministre a ajouté qu’« à la suite d’intenses efforts, le gouvernement du Mali, sollicité par la France et appuyé par d’autres pays et des bonnes volontés nationales, a obtenu, le 22 février dernier, la libération de Pierre Camatte, qui était détenu depuis le 26 novembre 2009 par Aqmi ».

Il a tenu à préciser que son gouvernement « demeure respectueux de ses lois et règlements comme de ses engagements bilatéraux, régionaux et internationaux, notamment la Convention générale de coopération en matière de justice entre le Mali et la Mauritanie, et la Convention relative à la coopération judiciaire entre le Mali et l’Algérie, signée en 1983 ». Pour le ministre, la libération des terroristes « demeure une décision rendue par une justice indépendante et dans le respect de principe de la séparation des pouvoirs qui est une règle cardinale de l’Etat de droit auquel est fermement attaché le gouvernement du Mali ». Déclaration qui ne reflète pas du tout les conditions dans lesquelles a eu lieu ce simulacre de procès, tenu, rappelons-le en moins d’une demi-heure, au lever du jour et presque à huis clos.

Le chef de la diplomatie malienne a annoncé une « nouvelle stratégie de lutte » élaborée par son gouvernement et qui devait être examinée hier par le Haut-Conseil de la défense.
Il a cependant précisé que « seule une approche globale et concertée des Etats de la région sahélo-saharienne permettra d’endiguer et de lutter efficacement contre ces formes nouvelles de menaces que constituent le trafic de drogues, d’armes, d’êtres humains et le terrorisme, notamment les prises d’otages ».
Comme pour lancer la balle à ses voisins, il rappelle que la mise en place par son pays « a offert aux pays voisins sur le territoire desquels des actes criminels seraient commis par lesdits réseaux d’exercer un droit de poursuite sur son sol ». Des propos qui tranchent totalement avec la réalité d’un terrain contrôlé non seulement par les groupes terroristes mais également par les barons de la cocaïne.

En effet, la région est aujourd’hui, pour bon nombre de spécialistes, une plaque tournante du trafic de cocaïne, provenant en quantité industrielle du Venezuela et de la Colombie, par… avions, que les locaux appellent Aircocaïne. En cette fin de semaine, un notable arabe, qui a pignon sur rue, a été assassiné à Anefis, dans le cercle de Kidal, et de nombreuses sources locales n’écartent pas la piste du règlement de comptes entre sa tribu et celle des Kountas, dont le patriarche a été enlevé, il y a quelques semaines, puis relâché après de longues tractations.

Règlement de comptes pour le contrôle de la cocaïne

Cet enlèvement est intervenu après un violent affrontement, entre deux groupes des mêmes tribus à cause du refus du paiement d’un droit de passage imposé par les Kountas à la tribu arabe pour l’acheminement de la drogue. En représailles à la confiscation de la cocaïne (10 tonnes), le notable des kountas a mis à prix la tête de Baba Ould Sidi Al Moktar, avant qu’il ne soit enlevé de chez lui et libéré quelques jours plus tard, à la suite d’un deal. Lequel ? On n’en sait rien. Ce qui est certain, c’est que Albosta, de son vrai nom Baba Hamdi, tué devant chez lui par une rafale de kalachnikov, tirée d’un 4x4, n’est pas un simple personnage. C’était une personnalité influente à Anéfis.

Ce qui pourrait être considéré par beaucoup comme les premiers ingrédients d’une forme de vendetta intercommunautaire, sur fond de trafic de drogue, d’autant qu’il intervient à quelques mois de l’atterrissage du Boeing colombien bourré de cocaïne, à Tarkint, dans le cercle de Bourem, et qui a été brûlé par son équipage. Ce vol ne semble être ni le premier ni le dernier. L’on se rappelle que deux autres cargaisons ont été déchargées de la même manière et probablement sur la même piste.

Ce qui porte à croire que l’affaire n’est pas celle de quelques trafiquants, mais plutôt d’une organisation d’Etat.
A ce titre, il est important de préciser que la CIA, après avoir arrêté de gros bonnets de la drogue, dont un Malien au Burkina, avait remis, il y a quelque temps, une liste de 57 personnalités maliennes à Bamako suspectées d’être dans le commerce de la blanche. Parmi celles-ci des DEPUTES, des HOMMES D’AFFAIRES et même DES PROCHES DE LA PRESIDENCE et des NOTABLES. Mais le gouvernement est resté muet sur cette affaire, tout comme il est resté inerte en ce qui concerne les mouvements des terroristes sur son territoire.

Ce sera d’ailleurs grâce à cette guerre de dénonciation que l’armée mauritanienne a arrêté un groupe de trafiquant, 40 km à l’intérieur du Mali, suivi d’un autre appartenant à une bande rivale intercepté par l’armé algérienne au Sud algérien. La connexion entre ces trafiquants et les terroristes n’est plus à démontrer. Les salafistes sont des prestataires de services auprès des narcotrafiquants. Ils assurent la sécurité des convois de drogue et pour cela, ils ont besoin de beaucoup d’armements légers. Les kidnappings d’occidentaux sont depuis que le gouvernement allemand a accepté de payer une rançon pour libérer ses ressortissants pris en otages l’une de leurs principales sources de financement.

Le Mali est le pays qui offre le plus de quiétude pour les terroristes et permet d’extorquer le maximum d’argent sans prendre le risque de se faire prendre.
Pierre Camatte a été kidnappé au Mali, des Saoudiens tués au Niger, à quelques dizaines de kilomètres de la frontières avec le Mali, sur ordre d’un Malien, officiellement mort en 2001, le couple d’italiens et les trois espagnols enlevés en Mauritanie puis revendus au GSPC au Mali.
Si des trois côtés de la frontière malienne (Algérie, Niger, Mauritanie) tout est fait pour éviter de tels actes, du côté de Bamako tous les efforts sont concentrés autour de la nécessité pour négocier avec les terroristes.
D’ailleurs, l’un des auteurs présumés de l’enlèvement des otages espagnols, un certain Omar Ould Sid Ahmed Hamma, dit « Omar le Sahraoui », n’a pas été arrêté par les services maliens, alors qu’il se trouvait chez lui à Tombouctou. En fait, c’est un groupe armé, peut-être des milices, qui l’a enlevé puis « vendu » au voisin de l’ouest, qui avait lancé un mandat d’arrêt contre lui.

Opération de kidnapping de touristes déjouée à Tamanrasset

Du côté algérien, les services de sécurité ont déjoué une vraie hécatombe. Des informations « vendues » par des Maliens ont fait état de la préparation d’une grande opération d’enlèvement de touristes qui étaient à Tamanrasset, pour le Festival international de Tin Hinan. C’était la panique. Les investigations ont permis d’arrêter 27 personnes, dont des notables maliens et des Algériens, qui étaient sur le point de passer à l’action et la récupération d’une importante somme d’argent et de la cocaïne.

De toute l’organisation, seuls deux éléments ont réussi à prendre la fuite. Dans les deux affaires, le Mali est resté imperturbable. Son seul souci c’est de réussir le dialogue avec les terroristes, qui détiennent les otages. Un dialogue qu’il refuse pourtant à ses propres citoyens du Nord, qui sont pris en otages par les terroristes et les narcotrafiquants.
D’ailleurs, le congrès prévu par l’Alliance pour la démocratie et le changement (ADC), qui était en rébellion, avant la fin du mois en cours, risque d’être retardé vu la grave situation qui prévaut sur le terrain.
Le rappel, par Alger, de l’ambassadeur d’Algérie à Bamako et le gel des relations diplomatiques entre les deux pays risquent d’avoir des conséquences négatives.

En dépit des informations reprises par la presse malienne, sur le retrait de l’Algérie de l’Accord d’Alger, signé en 2006, officiellement aucune décision de ce genre n’a été annoncée. Néanmoins, le mandat de deux de ses trois représentants, membres du comité de suivi de l’accord, a pris fin cette semaine, et leur absence de la cérémonie organisée en leur honneur le 2 mars par le ministre de l’Administration territoriale et des Collectivités locales, le général Kafougouna Koné, a donné cours aux supputations.
Tout comme d’ailleurs les mauvaises lectures des dernières déclarations du directeur général des relations multilatérales Benchaâ Dani aux affaires étrangères.

Ce dernier avait déclaré à la Radio nationale que l’Algérie souhaitait que « l’initiative » malienne ne soit pas répétée, soulignant que « toute libération d’un terroriste peut porter un danger supplémentaire à des victimes innocentes ». Le message était en fait destiné à la Mauritanie et non au Mali, qui venait de libérer des terroristes. Une libération (tout comme le paiement des rançons) qui a ouvert la porte de l’enfer, puisque quelques heures après que l’otage français ait rejoint les siens, les terroristes qui détiennent les trois otages espagnols ont réclamé, en plus de la rançon, la libération de quatre de leurs acolytes en détention en Mauritanie. Mais ce pays a, dès le début de ces enlèvements, exprimé et réaffirmé son refus catégorique de négocier avec Al Qaîda ou de céder à ses chantages.
Une position claire, qui a poussé hier les négociateurs attitrés de Bamako, qui font les va-et-vient entre les refuges du GSPC et le palais présidentiel de Koulouba, de faire pression en insistant sur « l’intransigeance » des terroristes.

Même scénario utilisé par ces négociateurs, pour pousser la Grande-Bretagne à la faire revenir sur sa position de principe de ne pas verser de rançons. Un jeu malsain qui prouve qu’à Bamako, entre les paroles et les actes, il y a tout un monde et les trafics en tous genres ont de beaux jours devant eux. La grande victime, de ce jeu d’intérêts purement pécuniaire, est la population du Nord, prise entre l’étau de la pauvreté et l’insécurité imposée par les trafiquants en tous genres et les terroristes.

Par Salima Tlemçani

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