vendredi 12 mars 2010

Question orale de M. Benoit Hellings au ministre du Climat et de l’Énergie sur «l’uranium du Niger»


Sénat – Séance plénière du 4 mars 2010 a Bruxelles
Extrait du compte rendu intégral (Annales 4-114)
Question orale de M. Benoit Hellings au ministre du Climat et de l’Énergie sur «l’uranium du Niger» (nº 4-1131)

M. Benoit Hellings (Ecolo). – En octobre dernier, le gouvernement a signé un accord avec l’entreprise GDF-Suez visant à allonger la durée de vie de trois des sept centrales nucléaires d’Electrabel : Doel 1 et 2 ainsi que de Tihange 1.

L’extraction de l’uranium dit naturel est à l’origine de nombreux problèmes sociaux et environnementaux dans les endroits du monde où il est exploité, en particulier au Sud du Globe. On y constate entre autres : des taux anormalement élevés de radioactivité dans les environs des mines, la spoliation des terres et le déplacement des populations, la destruction de la faune et de la flore environnante, l’épuisement des nappes phréatiques, la non-redistribution des bénéfices, souvent colossaux, aux populations locales, le non-respect des normes sociales et environnementales les plus élémentaires, et j’en passe.

En outre, l’uranium provient parfois de pays où les principes démocratiques ou les droits de l’homme sont notoirement bafoués. La situation actuelle du Niger illustre parfaitement cette situation. Le Niger, via sa mine d’Imouraren, est le principal fournisseur en uranium de l’entreprise publique française Areva, leader mondial dans le secteur nucléaire. Deux véritables coups d’État y ont lieu récemment. La capture du pouvoir par le Président Tandja en août 2008 a justifié la suspension de l’aide à la coopération institutionnelle par la Commission européenne en fin d’année dernière. Il y a quelques semaines, M. Michel, ministre de la Coopération au Développement, m’a d’ailleurs confirmé que les aides d’État à État étaient gelées au niveau belge en raison de cette situation institutionnelle et démocratique catastrophique. Le Président Tandja a été destitué le 18 février dernier par un groupe de militaires. C’est dire à quel point cette région d’Afrique est instable et son avenir incertain.

On peut lire sur le site Internet d’Areva, qu’à terme, un tiers de son approvisionnement en uranium aura le Niger pour origine. Sur ce même site, j’ai lu qu’Electrabel est client du géant français pour la fourniture de plusieurs recharges de combustible pour cinq des sept réacteurs belges.

Par diverses résolutions, souvent votées à l’unanimité, le Sénat a souhaité à maintes reprises que des clauses relatives au respect de la démocratie, des droits de l’homme ou des normes sociales et environnementales soient prises en compte lors de la signature d’accords ou de traités internationaux.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, j’aimerais savoir si la Pax Electrica signée récemment entre le gouvernement belge et le groupe GDF-Suez reprend des clauses démocratiques, sociales et environnementales sur les pays d’origine de l’uranium utilisé dans nos réacteurs ? Pourriez-vous nous indiquer avec précision l’origine géographique de l’uranium actuellement utilisé dans les sept réacteurs belges ? Le nouvel accord liant la Belgique au groupe GDF-Suez prévoit-il un plan d’approvisionnement en uranium pour les trois réacteurs prolongés ? Le cas échéant, de quelles mines cet uranium proviendra-t-il à l’avenir ? Quelles sont les sociétés avec lesquelles Electrabel traite actuellement en cette matière ? Areva est-elle bien un fournisseur d’Electrabel ? Dans l’affirmative, pour quels réacteurs et dans quelles proportions ?

M. Paul Magnette, ministre du Climat et de l’Énergie. – Monsieur Hellings, le délai très court qui m’est imparti ne me permettra pas de donner des réponses circonstanciées à l’ensemble de vos questions. Je vous invite donc à me poser des questions écrites afin d’obtenir des compléments d’information. D’ailleurs, certaines de vos questions se prêtent plus à des questions écrites qu’à une question orale.

L’uranium destiné à nos réacteurs a actuellement des sources très diversifiées, à savoir l’Australie, le Canada, les États-Unis, l’Afrique du Sud, la Russie et le Kazakhstan. Il s’agit principalement de pays du nord.

La firme Synatom, chargée de la gestion du cycle du combustible nucléaire en Belgique, achète son uranium auprès de grandes entreprises qui respectent les prescriptions nationales et internationales relatives au droit environnemental et social.

L’accord entre l’État belge et GDF-Suez ne prévoit pas de plan d’approvisionnement en uranium pour les trois réacteurs prolongés. Il s’agit d’un accord-cadre sur les grands principes et pas d’un accord détaillé sur la politique industrielle du groupe GDF-Suez et sur la gestion de certains de ses réacteurs.

Au moment voulu, les contrats nécessaires seront conclus pour cet approvisionnement. Nous serons attentifs mais il est encore trop tôt pour dire quelle sera l’origine de cet uranium. En tout cas, pour le moment, nous n’achetons pas d’uranium au Niger.

M. Benoit Hellings (Ecolo). – Si je vous ai posé une question orale c’est parce qu’elle est d’actualité en raison d’un coup d’État qui s’est produit au Niger mais je suis, bien entendu, prêt à vous adresser des questions écrites.

Il est extrêmement difficile, contrairement à ce qui se passe pour d’autres énergies, le gaz naturel par exemple, de déterminer l’origine de l’énergie électrique produite par les centrales nucléaires. Ne serait-il pas intéressant de pouvoir accéder librement à l’information, sans devoir consulter le site d’Areva, pour connaître l’origine de ce combustible fissile ?

L’accord que vous avez signé avec GDF et Electrabel porte sur « une sécurité d’alimentation d’énergie garantie sur le long terme pour le pays ». Comment garantir cette sécurité s’il est impossible de dire avec quel combustible nous allons pouvoir produire cette énergie ?

En conclusion, l’énergie nucléaire, qui est une énergie coûteuse, dangereuse et polluante, peut indirectement soutenir des régimes antidémocratiques et dictatoriaux dont nous ne partageons pas les valeurs et c’est bien dommage.

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