mercredi 6 novembre 2013

«L'assassinat des deux journalistes français à Kidal est un complot contre la région»


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05-11-2013
HAMA AG SID AHMED, PORTE-PAROLE DU MOUVEMENT NATIONAL DE LIBÉRATION DE L'AZAWAD (MNLA), AU TEMPS D'ALGÉRIE :
«L'assassinat des deux journalistes français à Kidal est un complot contre la région»

Hama Ag Sid Ahmed, porte-parole du Conseil transitoire de l'Etat de l'Azawad (CTEA) et du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), évoque dans cet entretien l'assassinat des deux journalistes de Radio France Internationale (RFI) à Kidal, le dialogue avec le gouvernement du Mali, la situation sécuritaire et politique dans cette région, et les capacités de nuisance des terroristes au Nord du Mali.
Le temps d'Algérie :  Quels échos et témoignages avez-vous recueillis sur l'assassinat des deux journalistes de RFI à Kidal ?
Hama Ag Sid Ahmed : Les citoyens de la ville de Kidal sont sous le choc. Ce double assassinat a suscité condamnation et indignation chez la population. Certains habitants de la ville de Kidal ne peuvent pas imaginer ce qui leur tombe sur la tête. D'autres sont complètement désorientés et disent que tout cela est fait contre eux, la ville de Kidal et l’Azawad.
Tout cela est prémédité afin de donner une mauvaise image de notre région, commentent quelques habitants de la ville. Une majorité des combattants touaregs, commerçants et cadres militaires présents dans cette ville parlent d'un complot organisé par Bamako comme par les groupes terroristes contre cette région, contre la communauté. D'autres se posent des questions sur leur avenir, sur le jeu trouble de l'Etat malien, sur l'avenir de la région et de l'Azawad en général.

Ce double assassinat reflète-t-il une insécurité persistante et un terrorisme toujours présent dans cette région ?
Oui ! Cela signifie que l'insécurité est persistante et que les résidus des groupes terroristes sont toujours aussi présents. Il y a lieu de noter que les forces africaines qui tiennent tous les check-points (sorties et entrées de la ville de Kidal) ne servent pas à grand-chose. Ces mêmes forces africaines ne sont pas organisées pour poursuivre des  groupes armés.
Quant aux groupes touaregs présents dans cette ville (MNLA et HCUA), ils sont cantonnés et ne sont pas autorisés à quitter leurs sites. Les cadres militaires touaregs disent qu'ils ont les mains ligotées et précisent qu'ils ne sont pas autorisés à participer à la tenue des check-points et à la sécurisation de la ville. Ils observent et ils attendent, disent-ils. Ils font savoir qu'ils sont cernés par les forces africaines, par l'armée malienne et ses milices.
Ces derniers sont chargés de la sécurisation de la ville de Kidal et de ses périphéries. Des solutions politiques existent pour parvenir à une sécurisation effective de l'ensemble de la région. Cela nécessite une volonté politique, mais celle-ci est absente pour le moment à Bamako.

Comment se présente la situation sécuritaire à Kidal et dans la région ?

La situation sécuritaire est très précaire. Seules des solutions politiques profondes permettront  de redonner confiance, de cimenter la paix et de sécuriser l'ensemble de la région. Les mouvements doivent se restructurer, devenir représentatifs pour sortir de la situation présente. Ce processus est en cours.
C'est cela qui permettra à ces différents mouvements de devenir des interlocuteurs crédibles et des acteurs qui peuvent participer à la sécurisation des espaces qu'ils occupent et lutter contre l’insécurité résiduelle. Pour le moment, nous sommes loin de tout cela. Dans les semaines à venir, des grandes rencontres auront lieu dans l'extrême-nord du Mali pour tenter d'asseoir des structures politiques et militaires crédibles en mesure de faire face aux défis présents au niveau politique comme au plan militaire.

Où en est le dialogue entre le MNLA et le gouvernement du Mali ?
Le dialogue entre les mouvements et Bamako n'est pas interrompu. Je pense que Bamako n'est pas prêt, tout comme les mouvements présents. Les autorités maliennes souhaitent seulement engager des rencontres avec les mouvements après les élections législatives. Elles veulent traîner au maximum les vraies discussions. L'esprit à Bamako n'est pas encore au vrai dialogue.
Le pouvoir malien ne souhaite pas engager de vraies négociations dans l'immédiat. Elles vont «traîner les pieds» pendant plusieurs mois. Quant aux mouvements présents, ceux qui ont des revendications politiques et sécuritaires, doivent mettre de l'ordre dans leurs divisions et parler d'une seule voix mais aussi mettre en avant des militaires et des politiques crédibles en mesure de regrouper tous ceux qui sont à l'origine de cette révolte. Ils sont en construction.

Et le dialogue entre le MNLA et le MAA ?
Le MNLA, le HCUA et le MAA se sont rencontrés à Ouagadougou la dernière semaine d'octobre pour asseoir une seule plateforme politique. Il y a des avancées significatives. Les membres du MAA ont du mal à s'entendre sur leur projet et le projet à soumettre aux deux autres mouvements (MNLA-HCUA). Les membres du MAA doivent se retrouver dans la région de Tomboctou la deuxième semaine de novembre pour discuter de ce différend. Quant aux MNLA et HCUA, ils doivent engager des concertations et tenter de se fusionner.
Mais cela semble très compliqué pour le moment. Des rencontres sont prévues sur le terrain, c'est-à-dire approcher les vrais combattants et leurs responsables militaires pour parler de l'avenir du MNLA et ou celui du HCUA. C'est à travers ces rencontres qu'on pourrait faire sortir des responsables militaires en mesure de regrouper les combattants qui ne croient plus d'ailleurs à ces organisations politiques et aussi des politiques en mesure de présenter un projet de paix qui tienne compte des aspirations profondes des populations de ces régions.

Quelle est la situation des troupes du MNLA à Kidal ?
A Kidal, les troupes du MNLA et du HCUA sont cantonnés dans certains sites choisis dans la ville de Kidal et dans d'autres endroits de la région. Mais ces combattants touaregs ne sont pas autorisés à quitter leur site. Il s'agit des consignes de l'accord de cessez-le-feu signé à Ouagadougou.

Les «djihadistes» ont annoncé, il y a quelques semaines, une «fusion» entre le Mujao et l'organisation de Mokhtar Belmokhtar. Qu'en est-il au juste ?
Ces groupes ont besoin de rassembler, d'unifier leurs rangs depuis que les militaires français ont détruit l'essentiel de leurs forces sur le terrain. Ils ne possèdent pas encore de grosses bases. lls se reconstruisent dans la discrétion.

Quelle serait actuellement la capacité de nuisance des terroristes dans la région ?
La capacité de nuisance est toujours là. Cela n'empêche pas de constater qu'ils ont leurs moyens militaires et effectifs réduits. Les jeunes de la région ne se précipitent plus pour les rejoindre mais on constate le contraire. Il y a plutôt ceux qui les quittent pour rejoindre les mouvements politiques présents sur le terrain. Ceci dit, ils comptent toujours sur l'argent et sur la désorganisation des mouvements pour recruter tous ceux qui se sentent abandonnés.

Certaines informations font état du paiement par la France d'une rançon de 20 à 25 millions d'euros à Aqmi en contrepartie de la libération des 4 otages français. Cela renforcerait-il la capacité de nuisance des terroristes si cette rançon a été versée réellement ?
Je ne peux me prononcer sur le paiement d'une rançon, car il n'est pas facile de savoir ce qui s'est passé réellement dans ces tractations aussi complexes. Si des particuliers ou des entreprises ont effectué de tels versements, cela renforcera naturellement la capacité militaire et donc de nuisance de ces groupes.

Auriez-vous des informations sur les diplomates algériens enlevés par le Mujao à Gao ?
Non, aucune information fiable. Je sais que leurs familles sont au bout du désespoir mais je pense que tout doit être fait pour qu’ils retrouvent les leurs.
Mounir Abi

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