jeudi 20 juin 2013

Djibril Bassolé sur RFI: «Nous avons sollicité l'intervention personnelle du président Traoré en faveur des touaregs poursuivis par la justice»

MALI / ENTRETIEN - 
Article publié le : mercredi 19 juin 2013 à 11:36 - Dernière modification le : mercredi 19 juin 2013 à 15:12

Djibril Bassolé sur RFI: «Nous avons sollicité l'intervention personnelle du président Traoré en faveur des touaregs poursuivis par la justice»

Pour certaines populations du nord du Mali, les touaregs restent les principaux responsables du conflit. Ici, une manifestation à Gao fin mai.
Pour certaines populations du nord du Mali, les touaregs restent les principaux responsables du conflit. Ici, une manifestation à Gao fin mai.
REUTERS/Stringer

Par Christophe Boisbouvier
Que s'est-il passé dans les coulisses de l'accord du 18 juin entre Bamako et les mouvements touaregs du nord du Mali ? Pourquoi les discussions ont-elles été bloquées si longtemps ? Djibril Bassolé, ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso et médiateur de la Cédéao, était au cœur de ces dix jours de négociations. Il répond aux questions de RFI.



RFI : Dix jours de négociations non-stop, est-ce qu’il y a eu un moment où vous vous êtes dit « Ca va échouer » ?
Djibril Bassolé : Oui. Lorsque nous avons eu les premiers amendements, le fossé était tellement grand entre les positions des différents partis que nous nous sommes dit à un moment donné, « on n’y arrivera pas ». Mais comme nous étions tous unis au niveau de la communauté internationale, nous avons procédé à des concertations et nous sommes allés rencontrer les plus hautes autorités du Mali pour aboutir aujourd’hui à la signature de cet accord.
Donc les navettes entre Ouagadougou et Bamako ont été décisives ?
Les navettes ont été décisives et je dois dire que l’intervention des chefs d’Etat, de la Cédéao (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest) et d’ailleurs, ont apporté une très grande contribution.
Sans les coups de téléphone amicaux des chefs d’Etat ivoirien et français, est-ce que la signature aurait eu lieu ce mardi ?
La signature aurait quand même eu lieu. J’ai trouvé le président Dioncounda Traoré particulièrement désireux de faire la paix. Naturellement, il avait à gérer son opinion. Il avait fait de même d’ailleurs pour les mouvements armés qui avaient leur base. Au total, l’intervention des chefs d’Etat nous a certainement permis d’accélérer.
Ces coups de téléphone de chefs d’Etat, c’est un petit peu vous qui les avez sollicités ?
Le président du Burkina Faso, en tant que médiateur de la Cédéao, a certainement pu solliciter le président en exercice de la Cédéao, pour l’aider.
Il a demandé à Alassane Ouattara et peut-être aussi à François Hollande de l’aider ?
Très certainement.
Vous dites que l’opinion à Bamako faisait pression sur le président Dioncounda. Est-ce qu’il n’y avait pas dans cette opinion certains jusqu'au-boutistes ? Est-ce que les putschistes de mars 2012 sont encore actifs dans les coulisses ?
Je ne peux pas incriminer un groupe en particulier naturellement, mais je sais qu’il y a des groupes, des opinions, qui ne sont pas en faveur même du principe de dialoguer. Il y en a quelques-uns qui trouvaient l’accord un peu déséquilibré en faveur du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) et du Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA). Mais au total, à la lecture de l’accord et avec tous les correctifs qui ont été apportés, tout le monde a bien vu que c’était un accord équilibré et surtout qu’il s’agissait d’un premier pas vers la révolution de la crise, des causes profondes de la crise.
Quel le point sur lequel la négociation a été le plus difficile : sur le calendrier de l’armée de retour à Kidal ou est-ce pour les conditions de ce retour ?
Les deux. Initialement, le médiateur de la Cédéao avait proposé que l’armée malienne se déploie avant les élections. Les autorités maliennes ont trouvé que ce délai était trop long et qu’il fallait le raccourcir. Ensuite évidemment, il y avait la contrainte d’encadrer ce retour. Le souci de la médiation et de la communauté internationale était de faire en sorte que le retour de l’armée à Kidal se fasse de la manière la plus pacifique qui soit afin de rassurer les populations afin qu’il n’y ait aucun incident. Ce point là était très certainement le point le plus difficile.
Le point le plus important était donc de savoir si l’armée malienne serait accompagnée par les Français et les casques bleus de la Minusma (future Mission des Nations unies pour la stabilisation au Mali) lors de son retour à Kidal, c’est ça ?
Nous voulons un retour encadré mais aussi, évidemment, le cantonnement et le désarmement des mouvements armés a été longuement discuté. Le cantonnement constitue la première phase du processus de désarmement qui sera finalisé dans le cadre du DDR (désarmement, démobilisation et réinsertion) dans l’accord politique global de paix.
Au début des négociations, l’armée malienne devait revenir à Kidal dans les meilleurs délais. Aujourd’hui, elle doit revenir dès la signature de l’accord. Est-ce que ça veut dire dès ce mercredi ?
Il est entendu que les forces impartiales, donc la force Serval, la Minusma et la Misma, doivent prendre un certain nombre de dispositions préalables puisqu’il est dit dans l’accord que c’est en étroite coopération avec ces forces-là. Donc il y a la première nuance de ce comité technique de sécurité composé de représentants des deux partis. Ce comité va se réunir immédiatement, même ce soir si possible, pour définir les modalités de retour et d’un redéploiement de l’armée malienne dans de bonnes conditions de réconciliation.
Au début des négociations, les chefs du MNLA voulaient que les mandats d’arrêt lancés contre eux par la justice malienne soient levés. Quelle solution est retenue finalement ?
C’est une question sensible. Le gouvernement du Mali nous a clairement fait comprendre qu’il ne souhaitait pas interférer dans les questions de justice. Nous avons bien compris cela mais nous avons quand même sollicité tout ce qui peut être fait pour apaiser les tensions et surtout pour ces acteurs qui font l’objet de poursuites judiciaires.
Donc officiellement, les mandats d’arrêt sont maintenus, mais en réalité il y a un accord non écrit qui stipule que ces mandats ne seront jamais exécutés ?
En tout cas, nous avons fortement sollicité l’intervention personnelle du président de la République en ce sens.
L’abandon de facto des poursuites judiciaires n'est-il pas choquant pour les familles des victimes du massacre d'Aguelhoc en janvier 2012 ?
Il est bien précisé que tous ceux qui ont été auteurs de crimes contre l’humanité seront poursuivis par la justice parce qu’ils mettront en place une commission d’enquête internationale. Et personne a priori ne sera amnistié.
TAGS: DIONCOUNDA TRAORÉ - MALI - MNLA

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