Erambel
Source /Agadez Niger
MNJ, FFR, FPN, merci de penser à tous ces innocents, à tous ces civils, à tous ces membres de vos familles exécutés sommairement par l'armée de Tandja.
JMP. Il (Michel Beuret) peut témoigner des crimes de guerre dont l’armée nigérienne s’est rendue coupable. «Elle détruit les villages, pille, abat les troupeaux. Des restes de villageois coupés en morceaux et enterrés à la hâte sous le sable ont aussi été retrouvés.» La tension est très forte dans toute la zone de peuplement touareg
Avec les rebelles touareg au Sahara
Par Michel Beuret Niger.
Sous le sable, des tonnes d’uranium enrichissent l’Etat et les groupes étrangers. Mais cette ressource ne bénéficie en rien aux locaux, qui n’ont droit qu’au mépris. Certains ont pris les armes.
Le photoreporter suisse Philippe Dudouit est l’un des très rares journalistes à avoir pu photographier et accompagner la rébellion touareg sans se faire arrêter par les services nigériens et expédier en prison «pour haute trahison».
Parti en mars 2008 dans l’extrême nord du Niger, il peut témoigner des crimes de guerre dont l’armée nigérienne s’est rendue coupable. «Elle détruit les villages, pille, abat les troupeaux. Des restes de villageois coupés en morceaux et enterrés à la hâte sous le sable ont aussi été retrouvés.» La tension est très forte dans toute la zone de peuplement touareg, «ces gitans du désert que tout le monde méprise et rejette», au sud de l’Algérie, au nord du Mali et, plus encore, au Niger.
Certains observateurs évoquent déjà le scénario d’un «Darfour bis» dans cette région du Sahara peuplée de 3 millions de Touareg.
Comment en est-on arrivé là?
L’explosion de la crise remonte à février 2007. A l’époque, l’auteur de ces lignes se trouvait sur place. Le 8 du mois donc, un étrange mouvement de rébellion est apparu au nord.
A Iférouane, au nord-est d’Arlit dans le massif de l’Aïr, des tribus touareg ont pris d’assaut ce jour-là une garnison militaire, faisant trois morts et deux prisonniers. L’attaque est revendiquée par un groupe inconnu jusque-là, le Mouvement nigérien pour la justice (MNJ). Son communiqué a des accents zapatistes.
Le MNJ réclame une décentralisation administrative, la nomination de membres du MNJ à tous les échelons du pouvoir, le développement d’infrastructures dans les régions du nord qui en sont en général dépourvues (routes, électricité, puits), mais aussi la possibilité pour les jeunes Touareg d’obtenir des bourses d’études.
Bref, une retombée locale des bénéfices de l’uranium, dont le Niger est le 3e producteur du monde, de l’uranium extrait dans ces mêmes régions par de grands groupes étrangers.
Le leader mondial, le français Areva, a longtemps bénéficié ici d’un monopole de fait et extrait 40% de son approvisionnement du sous-sol nigérien. Mais les temps changent. Car la demande mondiale en uranium explose. L’énergie nucléaire n’émet pas de CO2 et les pays émergents, toujours plus gourmands en énergie – la Chine, l’Inde mais aussi la Russie – ont tous annoncé leur volonté de multiplier la construction de centrales. La zone de tension Enrichissement.
Dès lors, l’uranium qui ne valait plus grand-chose en l’an 2000 a vu son cours multiplié par dix entre 2003 et février 2007…
De quoi enrichir le gouvernement de l’autocrate Mamadou Tandja, mais pas la population touareg qui ne tire aucun bénéfice des va-et-vient de prétendants toujours plus nombreux – Chinois, Américains, Canadiens – sur ce territoire stratégique.
L’assaut d’Iférouane passe alors inaperçu. Seuls quelques journaux à Niamey l’évoquent. Tandja parle «d’actes de banditisme menés par un groupe de trafiquants de stupéfiants» et promet de laver l’affront. D’autres parlent d’un soutien présumé de Kadhafi aux rebelles pour déstabiliser le Niger. Certains soupçonnent Areva qui aurait intérêt, présume-t-on, à maintenir une certaine insécurité sur son périmètre pour écarter les gêneurs.
Pour la France, qui produit 80% de son électricité grâce à l’atome, le Niger est incontournable. Ce soupçon – qui se révélera faux – est d’autant plus grand à l’époque que, quelques jours plus tôt, les Toubous, une confédération de pasteurs du nord, établis aux confins du Tchad, de la Libye, du Soudan et de l’Egypte, ont pris les armes, eux aussi. Au Niger, les Toubous possèdent une petite armée dont l’acronyme français évoque une plaisanterie: les FARS, pour Front des forces armées révolutionnaires du Sahara. Mais ces gens-là ne rigolent pas.
Eux aussi menacent d’enlever les Chinois commis pour l’exploration pétrolière, cette fois, dans la région du Kawar, une zone brûlante à l’angle des frontières libyenne et tchadienne où le pétrole pourrait couler dans cinq ans. Tout au long de l’année 2007, la crise va dégénérer en guerre ouverte, dans la région d’Arlit. A l’été 2007, le dirigeant de la China Nuclear Engineering and Construction Corp., se fait enlever par le MNJ en plein désert, puis relâcher quelques jours plus tard.
Depuis lors, les raids sanglants se multiplient et, du côté de l’armée, dégénèrent en crimes de guerre. Le président Tandja, ébloui, irradié, par la rente du «yellow cake» (concentré d’uranium) renégociée en sa faveur avec Areva en janvier 2008, n’a nulle intention de fléchir. D’autant que la Chine, qui n’a pas dit son dernier mot, l’aide à équiper son armée. De son côté, l’armée américaine a ouvert une base dans la région d’Arlit, une centrale d’écoute de téléphones satellite pour contrer l’influence de «al-Qaida au Maghreb islamique» que Washington confond à tort avec le MNJ et les FARS.
Pendant plus d’un an, le monde est sans nouvelles de ce qui se passe sur le terrain.
La répression n’a pas de visage, les rebelles non plus. Le MNJ et les FARS ont certes des porte-parole à l’étranger, mais rarement relayés dans les médias.
Qui sont-ils? Qui les soutient? «Personnellement, je peux comprendre leur colère, explique Philippe Dudouit. Car il en faut beaucoup pour leur faire prendre les armes. En temps normal, ce sont des gens doux et respectueux.
Imaginez: ils n’ont pas de gros mots dans leur langue, comme con ou connard.»
Le photographe, qui a passé un mois entier à leurs côtés, décrit aussi les conditions de vie extrêmes: «Aucune ressource, des amplitudes de chaleur immenses, des pâtes à tous les repas, des scorpions et des serpents et pas de quoi se faire soigner en cas de maladie ou d’accident.» La guérilla, dont les effectifs ne dépassent guère 1500 à 2000 hommes, est forcée de se déplacer en permanence, «mais l’essence est chère». Elle doit communiquer par téléphone satellite, «mais les lignes sont écoutées».
Qui la soutient? De l’avis de Philippe Dudouit, seule «la diaspora touareg est solidaire. Aux autres théories, je ne crois pas.» Sans quoi, «cette rébellion serait mieux armée que cela et les assauts ne seraient pas lancés avec cinq balles dans chaque fusil».
A ce jour, le drame grandit. On dénombre plusieurs milliers de réfugiés et des centaines de morts, dont une cinquantaine dans les rangs du MNJ.
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