TESHUMAR.BE est dedié à la CULTURE du peuple touareg? de ses voisins, et du monde. Ce blog, donne un aperçu de l actualité Sahelo-Saharienne. Photo : Avec Jeremie Reichenbach lors du Tournage du film documentaire : « Les guitares de la résistance Touaregue », à la mythique montée de SALUT-HAW-HAW, dans le Tassili n’Ajjer-Djanet- Algérie. 2004. Photo de Céline Pagny-Ghemari. – à Welcome To Tassili N'ajjer.
jeudi 4 décembre 2008
Les Touaregs victimes de l’uranium, par Issouf Ag Maha
Hervé OLCZYK - L’EST REPUBLICAIN - 03-12-08
jeudi 4 décembre 2008, par temoust
Issouf ag Maha, ex-maire de Tchirozérine, près d’Agadez, réfugié politique en France, témoigne de l’enfer vécu par les Touaregs, victimes de la ruée vers l’uranium.
Quel en a été le déclencheur de la rébellion ?
- Le fond du problème, c’est le regain d’intérêt qu’a connu l’uranium ces dernières années, soit plus de 1000% en 7 ans. Avec la flambée du prix des hydrocarbures, l’énergie nucléaire a suscité un spectaculaire engouement. Depuis 40 ans, la France, par l’intermédiaire d’Areva, exploitait l’uranium nigérien dans les gisements d’Arlit et d’Akokan, au nord du pays. Mais le président Mamadou Tandja a choisi de diversifier les partenaires, pour augmenter les recettes minières du Niger. Ainsi, en 2007, quelque 150 permis d’exploitation ont été accordés, dans la plus grande opacité et au mépris des populations touarègues locales, à des multinationales d’Inde, d’Australie, d’Afrique du Sud et surtout de Chine.
Avec quelles conséquences ?
- Pour les populations pastorales du Nord Niger, cette ruée vers l’uranium a provoqué la perte de leurs terres, de leurs pâturages et de leurs puits, c’est-à-dire de leurs moyens de subsistance. Des villes entières, comme Iférouane, se sont vidées de leur population qui est allée s’entasser dans des bidonvilles d’Agadez et d’Arlit.
Quels buts poursuivent les rebelles du Mouvement des Nigériens pour la Justice ?
- L’idée, c’était de faire du bruit. De dire les choses. De limiter les dégâts. Personne n’aurait imaginé que cette rébellion prendrait une telle ampleur. Malheureusement, Tandja a toujours refusé de négocier avec les rebelles qu’il qualifie de bandits et de trafiquants de drogue. Il a préféré mobiliser son armée contre les touarègues.
Quel est son intérêt ?
- On ne sait pas précisément. Certains pensent qu’il cherche à se maintenir au pouvoir le plus longtemps possible et que la rébellion lui fournit là un excellent prétexte. Il faut savoir que son second mandat prendra fin en 2009 et que la Constitution nigérienne ne lui permet pas de se présenter une troisième fois à la présidence. Il y a un an, il a juré sur le Coran qu’il respecterait la constitution et qu’il ne se représenterait pas. Il est donc lié par sa promesse... Si le gouvernement change au Niger, la paix peut revenir en quelques mois.
Et le quotidien du peuple touareg ?
- Depuis août 2007, Tandja a instauré un ’’état de mise en garde’’ pour la région d’Agadez. C’est un régime d’exception qui donne quasiment les pleins pouvoirs aux Forces Armées Nigériennes. Pas besoin de procès : les FAN peuvent arrêter, torturer et tuer comme elles veulent. Tandja avait dit à la nation que le conflit avec les Touaregs serait réglé par l’armée en trois ou quatre semaines. Or, il dure depuis deux ans. Les représailles sont terribles. Il y quelque temps, dans un village de l’Aïr, huit personnes ont été enlevées par l’armée, sous les yeux de leur famille. On les a retrouvées dans une fosse commune, découpées en morceaux ! Les chameaux et le bétail sont décimés. Dire qu’il y a quelque temps, un responsable d’Areva, s’exprimant dans un séminaire du MEDEF, avait dit des hommes bleus qu’ils servaient essentiellement à séduire les hommes et à chavirer le cœur des femmes...
Peut-on parler d’un génocide ?
- Un génocide, c’est le Rwanda. On n’en est pas encore à ce stade. Mais si ça continue, on pourrait avoir au Nord Niger un nouveau Darfour.
Quelle est la position de la France dans ce conflit autour des mines d’uranium ?
- Elle est la seule à pouvoir dire quelque chose. Elle est dans ses petits souliers. Sachant que Tandja est un tyran, elle ne peut rien faire. Les intérêts autour de l’uranium sont tellement énormes... Areva a obtenu à Imouraren, dans l’Aïr, une concession qui va devenir la plus grande mine d’Afrique. On ne peut donc espérer aucun soutien de la France. A la première occasion, le Niger virera les Français et mettra les Chinois à leur place. Les Chinois, eux, ne s’encombrent pas de scrupules . Ils arrivent avec des valises pleines d’argent et ils veulent qu’on leur fiche la paix.
Mais que pense la population nigérienne de tout cela ?
- L’essentiel de la population est concentré au sud du pays, . Et dans sa grande majorité, elle est persuadée que l’uranium va sortir le Niger du marasme économique. On lui fait miroiter des routes, des hôpitaux, des écoles. On lui cache que l’exploitation de l’uranium est en train d’assécher ou de polluer les deux principales nappes phréatiques de la région d’Agadez. Elle ne réalise pas que tout cela n’est qu’une chimère. La même chimère que le pétrole chez notre voisin, le Tchad, qui a régressé économiquement ».
- Issouf ag Maha est l’auteur de « Touareg, le destin confisqué », aux éditions Tchninaghen.
- A consulter également, sur internet, le très didactique site du collectif Tchninaghen pour la paix et la solidarité au Nord Niger.
Propos recueillis par Hervé OLCZYK
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